Madman

Sean Rowe n’est pas un minet. Pourtant il est dans l’air du temps. Ce n’est pas non plus un étalon du rock’n’roll. Il a une barbe mais ne joue pas les hipsters. Non, Sean Rowe a juste un regard désabusé, un physique de vieux hardrocker sur le retour et une voix unique en son genre : profonde, grave et qui vous accroche en une seule syllabe.

A l’aube de la quarantaine, la reconnaissance tarde un peu mais l’artiste conserve un enthousiasme intact. Il défend une idée très particulière du rock en y incorporant un blues assez dépouillé, qui va à l’essentiel, qui ne prend jamais la pose.

Son nouvel album transpire l’authenticité. Sean Rowe est un joyeux déglingué qui traverse le rock et l’existence à sa manière. Il est bien un archétype du songwriter américain, hanté par les mythes de sa nation et les racines de la musique. Il a une mille jobs avant de se consacrer à la musique. C’est aussi un type un peu bizarre, un peu marginal, aux chansons singulières mais toujours plaisantes.

Un peu comme si Barry White s’était mis à lire du Jack Kerouac. Le chanteur se promène en toute liberté sur un prisme musical assez large. On l’imagine folk mais finalement les titres piquent des idées à d’autres genres.

Il y a bien de la pop sur certains titres. La surprise est totale et apporte une certaine modernité chez ce poilu New-yorkais. Avec sa voix de baryton, il se permet des choses inouïes et défie avec élégance nos habitudes bien établies. Pas un fou comme le titre du disque l’indique mais certainement un talent fou !

Anti 2014

Au pays d’Alice…

La rencontre entre le jazzman Ibrahim Maalouf et le rappeur Oxmo Puccino aurait dû donner quelque chose d’urbain. Le deux hommes, sensibles à la poésie et peu soucieux de coller aux modes, préfèrent s’échapper dans le pays d’Alice…

Pour Noël, les deux musiciens nous font un cadeau : il revisite le célèbre conte de Lewis Caroll. Toutes les qualités de chacun se retrouvent dans cette succession de scènes classiques et d’idées révolutionnaires.

Ils ne font rien comme tout le monde : même avec un orchestre et un chœur, ils ne peuvent pas s’empêcher de manipuler les styles et bricoler une musique protéiforme basée ici sur une musique classique onirique et lyrique. Il faudra attendre plusieurs minutes avant d’entendre la trompette orientale de Maalouf et quelques beats qui font secouer la tête.

Maalouf et Puccino revisitent donc à leur manière le célèbre conte, raconté si souvent. Il apporte toute l’ambiguïté du texte, entre rêverie et cauchemar. Les mots sont plus secs (la chenille devient une étrange dealer) mais révèlent l’inquiétude qui se cache derrière le texte de Caroll. Le résultat est baroque et bien barré.

Tout cela est mis en scène avec une vraie ampleur. Ca ne fait pas dans la demi-mesure mais c’est assez étonnant pour être signalé. Maalouf embrasse la musique classique comme un compositeur de musique de film. Quelques instruments sont les acteurs qui se fondent dans la bande son. Intrigant, ce disque pourrait plaire aux petits comme aux grands. C’est en tout cas, un disque qui sort de l’ordinaire et nous venge des titres niaiseux qui peuvent poursuivre nos enfants !

M'ister - 2014

Little tulip

Pour plagier Semprun je reprendrais le titre de l'un de ses derniers livres pour décrire le dernier album de François Boucq et Jérôme Charyn "Little Tulip" paru ces jours-ci dans la collection SIgné des éditions du Lombard. Car c'est bien le dessin qui sauvera Pavel d'un triste destin et qui lui permettra de survivre au goulag.

25 ans après "Bouche du diable", Charyn et Boucq reviennent dans l'Union soviétique de l'après guerre patriotique. Nous sommes dans les années 50. Un jeune couple d'américain admiratif des idées communistes et du travail de Esenstein décide d'émigrer en URSS. Mais Staline y fait régner la terreur, bien vite le couple accompagné de leur fils Pavel seront déportés au goulag. Comment Pavel pourra survivre séparé de ses parents dans l'enfer des camps? Comment finira-t-il par regagner l'Amérique?

Tout cela vous l'apprendrez en lisant cet excellent album. Ce qui est interessant c'est la comparaison avec "Bouche du diable". On retrouve des constantes. Tout d'abord que ce soit le Youri de "Bouche du diable" ou le Pavel de "Little Tulip", tous 2 seront aidés par les pires salopards, même si en parallèle d'autres pourris leur mènent une vie impossible.

Ensuite, l'un comme l'autre se retrouvent très vite orphelins, obligés de se débrouiller par eux mêmes pour s'en sortir dans un monde apre et violent où la loi du plus fort est la règle.

Tous 2 seront initiés, aidés par des "maîtres" qui les aideront à grandir, les protégeant et leur donnant les clefs de leur environnement hostile.

Et par dessus tout, le dessin aura une grande importance dans leur existence. Youri apprendra à comprendre les icônes orthodoxes, initié par un vieux pope devenu son professeur d'anglais. Le père de Pavel apprendra le dessin à son fils et c'est en devenant le tatoueur d'un groupe de prisonnier qu'il arrivera à s'extraire de sa condition de simple détenu. Il est même amusant de retrouver un ukrainien tatoué sur tout l'abdomen dans "Bouche du diable".

Les albums se répondent. Pas vraiment une suite 25 ans après, pas non plus une répétition, quelque chose d'autre, une sorte d'approfondissement. Le dessin de François Boucq tout en étant aussi nerveux et inventif s'est stylisé avec les années. Cela ne gâche rien, on reconnait son trait, c'est toujours aussi beau, chaque case est une histoire à elle seule.

"Little Tulip" est un bel album, à lire avec ou indépendamment de "Bouche du diable". De la grande BD par 2 maîtres du 9ème art.

Milking the stars : The re-imagining of Lost Patrol

Dave Wyndorf est le chanteur à lunettes de Monster Magnet, groupe de space rock : le type croit tellement à son truc qu’il réclame la légalisation des drogues dures ! Le leader de Monster Magnet plane donc très haut et cela s’entend dans la musique du groupe !

Depuis les années 90, le groupe respecte ce mélange peu subtil mais réellement efficace de métal et de musique psychédélique. Ils sont désormais des vétérans et admirés par tous les petits jeunes qui s’attaquent au Stoner, autre genre électrique très à la mode depuis le succès de Queens of the Stone Age.

Pour Dave Wyndorf et ses copains, la musique s’est donc arrêté après Black Sabbath et Deep Purple. Ils gardent précieusement la recette magique et spatiale d’une musique lourde et immersive. Pour leur dixième album, ils nous plongent dans une sorte d’album alternatif au précédent. Le concept est pour le coup un peu bizarre.

Ce n’est pas un remix mais une sorte de continuité de l’album Lost Patrol. Ils continuent de se perdre dans cette inspiration psychédélique et explorer les années 60 et toutes les vapeurs ouatés d’un délire sonore à base d’orgues hammond ou de guitares triturées.

Le groupe réarrange son disque précédent et en profite pour organiser un feu d’artifices assez dingue, entre fantasmes de rock déstructuré et d’hymnes à rallonge avec rythmiques lourdes et un chanteur hurlant, toujours en crise avec le système.

C’est un plaisir puéril mais il est franchement sympathique. Un peu comme si vous regardiez une série B qui assumerait tous les clichés du genre. C’est un peu coupable mais ca peut faire du bien.

Napalm records - 2014

Love Circus, Stéphane Jarny, Folies Bergère –

 love

Une histoire d’amour chorale aux allures de Crazy Horse, de Broadway et de cirque Pinder.

Rose et Garance sont sœurs. Artistes, elles vouent leur vie au cabaret des Folies Bergère. Une légende familiale transmise de générations en générations les contraint à mettre de côté leur vie sentimentale. Mais le retour de la troisième sœur va briser leurs chaînes. (suite…)

Avant le Nuage

L’ambiance est bien morose ce dimanche matin chez Gaston. Pas d’inspiration !  Une fille adolescente peu loquace et peu aimable ! Et surtout plus une cigarette !

Vous l’aurez compris, Gaston doit réagir. Il doit arrêter de fumer…

Il rencontre alors un vieil homme qui lui propose de l’aider avec une méthode révolutionnaire : ce dernier est capable de faire revenir Gaston dans le passé (tout simplement ! En chair et en os ! ), le jour où il a fumé sa première cigarette. Il pourra alors décider de ne pas la fumer, cette affreuse première clope.

Que les choses soient claires, ce n’est pas sans risque !

Et voilà donc Gaston qui déboule au collège 20 ans plus tôt,  âgé alors d’une douzaine d’années…

Le début de ce roman est un peu déroutant : on se demande vraiment s’il s’agit de littérature de jeunesse.  Le lecteur est embarqué dans les états d’âme existentiels d’un adulte et c’est un peu longuet.

En revanche, dès que le « départ vers le passé » est amorcé, les choses s’accélèrent.

D’abord, le personnage n’est plus adulte mais franchement ado et là, ça décoiffe !

Suspens, aventures, quiproquos et drôle de magie rythment les pages.

Ben voui, nos parents aussi ont eu des premières fois, et ils ne s’en sont pas toujours sortis avec brio !

Une fois passées les premières pages, ce roman se laisse lire avec plaisir. On y parle d’amitié, d’amour, de profs, de parents, de victoires, d’erreurs… de la vie à douze ans quoi !

Ah j’oubliais aussi de vous poser la question essentielle avant que vous ne vous lanciez dans cette lecture : c’est quoi un walkman déjà ? Et une mobylette ?!

Dès 10 ans

 

Sirènes, Pauline Bureau, Rond Point

sirenes"Sirènes" naît d'une écriture collective de la compagnie LA PART DES ANGES, d'après le projet de sa metteur en scène Pauline Bureau. C'est son second spectacle accueilli au Rond-Point (son premier, intitulé "Modèles" explorait le thème de l'identité féminine). "Sirènes" sonde les secrets de famille, l'héritage (féminin et masculin cette fois) conscient et inconscient d'une génération à l'autre. La sirène, c'est une chimère, une porte d'entrée dans un monde de l'esprit où la réalité est ambigüe, où ce qui devrait se dire, se tait et où éclate le non-dit, toujours déplacé.

Le point de départ de cette introspection (cette enquête?), le voici: Aurore, chanteuse, perd sa voix en plein concert. Un médecin spécialiste, ne trouvant rien à lui diagnostiquer, l'oriente vers un psychanalyste, avec qui elle va évoquer ses manques et ses terreurs. Cette histoire donne à voir les ricochets d'un drame (la désertion soudaine du père de famille) sur trois générations; une scénographie habile rend intelligibles les trois époques tandis qu'un ingénieux système de cadre dans le cadre isole certaine scènes lointaines (en Chine précisément).

C'est aussi l'histoire d'une révolte (contre une certaine loi du silence) où l'énergie du rock, légitime, s'exprime en un concert live nerveux et débridé de chant, guitare électrique, basse et batterie.

La distribution est étonnante et efficace: Marie Nicolle explosive en Aurore, Géraldine Martineau (la mère d'Aurore, enfant), Catherine Vinatier (la fragile mère d'Aurore, adulte), l'élégant et sobre Yann Burlot, l'excellent Nicolas Chupin (tour à tour inquiétant et drôle), Philippe Awat (l'oncle inconnu / retrouvé) et Anne Rotger (la grand-mère d'Aurore) sont à applaudir au Théâtre du Rond-Point (salle Jean Tardieu) jusqu'au 6 décembre.
 
Jusqu' au 6 décembre 2014 (relâche les lundis),

Théâtre du Rond-Point

à 15h30 le dimanche et à 21h les autres jours.

Eagle Rock Fire

Un petit jeune qui défend de la musique de vieux. Ce n'est pas nouveau mais c'est toujours appréciable!

Le titre de gloire de Joe Purdy: avoir une de ses chansons dans la bande originale du premier épisode de Lost, Wash Away. Une chanson qui a marqué les esprits et s'est imprimé dans la conscience comme la série tropicale et bien barrée de JJ Abrams. En tout cas, cela suffit au bonheur du musicien pour poursuivre une carrière dans la folk bien ancrée et lancinante.

Chez lui, la guitare sèche est reine. Quelques guitares ont le droit de slider sans trop s'énerver. Il y a de toute façon une mandoline quelque part pour surveiller tout ça. La voix est joliment nasillarde et convoque tous les vieux chanteurs pionniers de la musique traditionnelle américaine. Pour nous, c'est vraiment exotique.

Avec ses bretelles, sa longue barbe, son harmonica attaché autour du cou, Joe Purdy pourrait être un gardien de la tradition. En tout cas il est très inspiré. Treize albums en treize ans! Et ce petit dernier a mis quatre années à venir. Et pas grand chose n'a changé.

C'est de la chanson boisée avec des textes chaleureux sur les petites gens et les souvenirs plus ou moins douloureux du chanteurs. Le sentiment est chanté avec une vraie humanité. Tout est fait à l'ancienne. A 34 ans, ce natif d'Arkansas respecte scrupuleusement la musique des anciens.

On ne peut pas lui en vouloir car il fait cela très bien. Mais évidemment pour l'originalité il faudra peut être encore attendre quelques albums et quelques années. Quand on est avec lui, le temps s'écoule paisiblement et franchement, c'est déjà pas mal!

Mudtown Crier Records - 2014

Mudtown Crier - 2014

Docteur Pim et Moi

Tous les vendredis, le service des enfants de l’hôpital semble totalement déboussolé. Les docteurs clowns font leur visite hebdomadaire.

Seul Nino semble rester tout à fait imperméable aux pitreries du Docteur Ketchup, du Docteur Chipolata ou encore du Docteur Tartiflette … Un jour, le docteur Pim fait son apparition…

Irène Cohen-Janca propose là un roman très sensible et plein d’à propos. L’hôpital, la maladie, ce qui y est dit, ce qui est sous entendu, ce qui est compris, ce qui est interprété, l’avenir, le quotidien, l’imaginaire, les rêves des grands et des petits sont autant de thèmes abordés, sans jamais donner aucune leçon, sans voyeurisme.

On suit Nino dans son quotidien d’enfant malade - mais surtout dans son quotidien d’enfant tout court - avec émotion et parfois avec drôlerie. Docteur Pim et moi offre aussi la possibilité de s’interroger sur soi, sur ce qui est important dans sa vie…

Et si j’étais à la place de Nino ? De ses parents ? Du Dr Pim ? De Cruella ? Comment je réagirais ? Bonne lecture !

Editions du Rouerge

Bad Little Bubble B. – Laurent Bazin – Théâtre du Rond-Point

Bad Little Bubble B

Aux frontières du pulsionnel et du théâtre

Elles sont cinq en scène. Cinq jeunes femmes libres de faire exploser les codes et les formes. Cinq jeunes femmes avec une énergie vitale débordante  pour casser les frontières du regard et du voyeurisme, pour transformer l’espace scénique en objet esthétique, en un espace de propositions.

Les tableaux se succèdent dans les clairs obscurs, dans les noirs, dans des faisceaux de projecteurs pour montrer des corps de femme en proie à la mécanique et aux pulsions des mots, du toucher, du regard. Il y est question de violence, du Ça originel, de blessures, de sauvagerie et de barbarie. Les morceaux de corps nus donnent naissance à des fantasmagories, des corps sans tronc, des corps sans visage, d’étonnantes images.

Laurent Bazin s’attaque à l’impossible et à l’intolérable, la femme objet, victime du pornographique, à ses spectateurs subjugués, hypnotisés par les contrées de l’organie. L’écran n’est plus là, impossible de zapper ou de refermer le magazine. La tension naît alors de ces successions d’uppercuts théâtraux fondés sur une exposition en dérapage contrôlé de l’intime. La mécanique s’exprime, implacable. Une extériorisation des conflits intérieurs qui s’expriment par le cri, des courses, des chocs, des bruitages.

Ce geste théâtral est une révolte de matière et du code théâtre. Une intellectualisation nécessaire pour affronter ce qui pourrait être déplacé, un non-objet ou un hors-sujet. Une interrogation à aborder avec toute la prudence qu'il se doit devant l’exploration de l’inconnu et la naissance de l’instable informité.

Mise à nu / Bad Little Bubble B. par WebTV_du_Rond-Point

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