Beetlejuice Beetlejuice, Tim Burton, Warner Bros
Tim Burton continue de se reposer sur ses lauriers mais avec la suite de son premier succès on retrouve un peu l'auteur souriant, ravi de célébrer la différence et les monstres.
36 ans plus tard, Beetlejuice reste ce fantôme débile et grandiloquent. 36 ans plus tard, Michael Keaton ressemble à une version ectoplasmique de Donald Trump. La fiction rejoint enfin la réalité. Beetlejuice s'est fait doubler depuis longtemps par l'ancien président des États-Unis et quelques autres tristes sires qui ont fait de la bêtise un vrai système de pensée.
36 ans plus tard, ce pauvre Beetlejuice semble un peu dépassé. Mais on sait aussi que Tim Burton n'est pas au meilleur de sa forme. Le cinéaste s'est gentiment rangé dans l'usine Disney en recyclant sans éclat son style et ses thématiques sur les désaxés et les marginaux.
Mais on devine rapidement dans ce Beetlejuice Beetlejuice, une énergie que l'on ne voyait pas depuis des années. Tim Burton semble même s'éparpiller dans des idées graphiques loufoques et osées.
C'est le scénario qui va en souffrir rapidement. Difficile de s'intéresser à toutes les histoires secondaires de cet épisode. Les auteurs de la série Mercredi ont rédigé cette suite et cela se voit : rien n'est vraiment concis dans cette histoire qui permet au casting original de revenir pour une histoire éclatée.
Heureusement le film se refuse à dépasser les deux heures. Une preuve d'intelligence, c'est sûr.
Comme le fantastique des années 80 (coucou Stranger Things !) est à la mode, le scénario reste un accessoire et on demande à Burton de recréer cet univers joyeusement anarchique et stylisé.
Donc on aura droit à une nouvelle galerie de monstres marrants et des héroïnes toujours victimes d'un normalisme quasi-faciste. Burton semble vraiment s'amuser et ça fait tout le charme de cette suite un peu lente mais de temps en temps excitante.
D'ailleurs quelques fulgurances (l'idée du bébé Beetlejuice) hargneuses nous réveillent. Oui, Tim Burton est encore vivant ! Il a fallu qu'il passe par le monde délirant des morts pour nous déclarer cela.
Au cinéma le 11 septembre 2024
avec Michael Keaton, Winona Ryder, Jenna Ortega et Catherine O'Hara
1h44 - Warner Bros
La vie secrète des vieux, Mohamed El Khatib, Abbesses
Ce n'est pas tous les jours qu'on voit des vieux sur scène, surtout des vieilles et des vieux "normaux", des bedonnant.e.s, des ridé.e.s, des pas connu.e.s, des pas lifté.e.s ni botoxé.e.s. Ce spectacle est, de ce point de vue, assez extraordinaire.
Mohamed El Khatib a constitué une troupe de vieillards qui nous racontent leur vie secrète, leur vie intime, leur vie sexuelle.
D'abord, elle est délicieuse, cette bande de vieux qui livrent sans pudeur leur sexualité sur un plateau. C'est jouissif de voir ces vieux aux corps plus ou moins abimés nous dire crument leurs plaisirs, passés, présents et (s'ils ont de la chance !) futurs.
"Je ne veux pas mourir sans jouir encore." "Je ne peux pas m'empêcher de penser, à chaque fois que je fais l'amour, que c'est peut-être la dernière fois. Alors je m'applique."
Et puis, le spectacle prend un tour plus militant, plus revendicatif. Yasmine, aide-médicale présente sur scène, nous décrit son quotidien auprès des résidents d'un EPAHD. Son témoignage est enjoué mais aussi immensément triste et extrêmement poignant.
Alors, alors les larmes me sont montées aux yeux. Pour de vrai. J'ai été ému, bouleversé par ces fins de vie et par ces adultes infantilisés (il est vrai qu'ils n'ont pas toujours toute leur tête) à qui l'on refuse les (derniers) plaisirs des sens.
"On a torché nos gosses toute leur enfance (...) et maintenant ils viennent nous faire chier !".
Et puis, lorsque j'ai pris conscience que Yasmine n'était pas aide-soignante mais comédienne (Yasmine Hadj Ali), je me suis senti floué et, oserais-je le dire? trahi. Bien sûr, c'est du théâtre et je sais que tout est faux. Sauf que le metteur en scène laisse entendre que ce sont des "vrais" gens qui racontent leur histoire (il parle de "théâtre documentaire"). Or si Yasmine est une comédienne, alors...
Alors, on peut douter de tout. A y bien regarder, il m'a semblé que El Khatib servait la soupe à son public. Avec ses faux airs provocateurs et naïfs, son spectacle flatte en réalité son public dans le sens du poil. A des spectateurs majoritairement blancs et bourgeois, il présente des vieux - majoritairement blancs et bourgeois eux-aussi - qui, s'ils ne sont plus de première jeunesse, ont une pêche d'enfer et un appétit sexuel rassurants.
"J'ai 91 ans et, je n'ai pas peur de le dire - j'espère qu'il n'y a pas d'enfants dans la salle - j'ai envie de faire l'amour tous les jours."
Alors, je me suis dit que Mohamed El Khatib est un roublard. C'est un spectacle plaisant à regarder et très très efficace. Presque trop.
Jusqu'au 26 septembre 2024
au Théâtre de la Ville de Paris - Abbesses(dans le cadre du Festival d'automne 2024)
Puis en tournée.
Durée 1h10
de 8 € à 33 €
A son image, Thierry de Peretti, Pyramide Distribution
Cela débute par un accident de voiture. La conductrice meurt. La famille, les amis et son parrain se réunissent. Les souvenirs remontent soudainement à la surface et permet un beau portrait de femme, perdu entre l’Amour et l’Histoire.
Car le réalisateur Corse Thierry de Peretti ne s’attarde pas sur le deuil mais bel et bien sur la vie. A travers la vie d’Antonia, il décrit une génération corse sacrifiée aux causes passionnées de l’indépendantisme. La violence se glisse derrière leurs rires et leurs joies de jeunes adultes.
Cela pourrait être terriblement didactique et dénonciateur. Le réalisateur, qui adapte un roman de Jérôme Ferrari, préfère scruter les émotions avec un joli sens rétro de la narration. Il y a une voix off pour nous guider dans cette histoire dramatique, où les hommes sont des pantins, tandis que les femmes subissent le chaos.
Cependant ce n’est jamais tragique. Les années de plomb de la Corse sont montrés par un habile montage qui vient constamment se heurter à la rayonnante jeunesse symbolisée par Antonia, femme curieuse et courageuse.
Le combat va au-delà des armes et des altercations avec la police, la lutte se fait par des émotions plus complexes et désormais romanesques. Le réalisateur applique pour l’occasion une belle évocation du métier de photographe. Antonia, comme un peu chaque Corse, témoigne et prend sur elle pour comprendre les maux de son île.
Tournés avec des inconnus, les convictions de chacun explosent dans des discussions amicales et la politique s’immisce dans chaque fait et geste de chacun. La densité de l’âme corse se propage partout. Impossible d’être un innocent. Difficile de ne pas se sentir à un moment ou à un autre, coupable.
La description d’une simple destinée devient une fresque à laquelle on s’attache rapidement, emporté aussi par cette réflexion sur l’importance de l’image, du souvenir et de l’art finalement. Avec des moyens humbles, le cinéaste calme les outrances de l'histoire pour remettre l'humanité au centre d'un récit plein de surprises. A Son Image évoque, suggère et fait une part belle à la sensibilité. On devine souvent ce qu'aurait pu être ce film sur un sujet grave. A la place, on a droit à une œuvre luxuriante.
A l'image de l'île !
au cinéma le 04 septembre 2024
1h 53min
Pyramide Distribution
L’extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt, Géraldine Martineau, Palais-Royal
Après un documentaire en 2022* et une grande exposition en 2023**, le théâtre rend enfin hommage à la grande comédienne Sarah Bernhardt.
Sa légende (en partie façonnée par elle-même) prétend qu’elle fut la première star. On dit que les journalistes, critiques et chroniqueurs de son temps, ont usé pour elle tous les superlatifs. Au-delà de la comédienne adulée, qui a inspiré des auteurs comme Edmond Rostand, Oscar Wilde ou Victor Hugo, il faut reconnaître que l’histoire de la vie de Sarah Bernhardt est proprement extraordinaire. Pour rester factuel, on peut sans exagérer qualifier Sarah Bernhardt comme suit : aventurière (première actrice française à oser une tournée aux États-Unis), indépendante (refusant de dépendre d’un homme ou d’une institution), engagée et courageuse (elle a soutenu Dreyfus, Zola, transformé son théâtre en hôpital militaire pendant la guerre de 1870, est partie en tournée sur le front pour soutenir le moral des soldats pendant la première guerre mondiale, a continué à se produire sur scène malgré l’amputation d’une jambe…). Sa biographie***, les témoignages et hommages qui lui ont été rendus, ne laissent aucun doute sur le caractère hors norme de cette femme-artiste-chef-d’entreprise.
C’est ce qui a poussé Géraldine Martineau à écrire et à mettre en scène un spectacle en son honneur : nous faire mieux connaître ce modèle féminin de liberté, de désobéissance et d’audace. Sébastien Azzopardi, Directeur du Théâtre du Palais-Royal, lui-même descendant de Sarah Bernhardt, ne pouvait que soutenir un tel hommage. Depuis le 27 août, le Palais-Royal accueille donc cette nouvelle création de Géraldine Martineau : non seulement un hommage haut en couleur mais aussi un régal pour les cinq sens, un rassemblement festif, joyeux et exubérant, porté par huit acteurs et deux musiciens (Florence Hennequin au violoncelle et Bastien Dollinger au piano et à la clarinette).
Ce spectacle musical, qui a impliqué aussi la création de quarante costumes et cinq chansons originales, nous offre tout ce qu’on préfère, le meilleur de la scène : une troupe qui virevolte, un spectacle qui nous cueille et nous emporte, quand le rythme est enlevé sans être étourdissant. C’est surprenant. On y apprend des vérités historiques. On est touché par des chansons, des dialogues et des voix qui portent loin. On admire des talents qui vibrent, on partage des moments de connivence et de grâce. Et c’est contagieux : le public applaudit debout cette troupe unie.
Il faut souligner que cette troupe de dix artistes interprète trente-cinq personnages différents et que le spectacle nous fait traverser différentes époques (la vie de Sarah Bernhardt s’étire de 1844 à 1923) et deux continents.
Les chansons d’Estelle Meyer**** (dans le rôle-titre), auteur et interprète, ainsi que les créations musicales de Simon Dalmais, créent une atmosphère envoûtante. Et malgré tout le panache, l’audace, la détermination de Sarah Bernhardt, qui pourraient camper un caractère assez dur, ce qu’on retient du personnage c’est davantage : l’innocence, la pureté de cœur et l’amour de la vie.
Courez admirer ces merveilleux artistes et redécouvrez grâce à eux cette icône nationale.
*Sarah Bernhardt. Pionnière du show-business, écrit et réalisé par Aurine Crémieu (Fr., 2022, 53 min).
** Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star, une exposition organisée au Petit Palais en 2023, pour les 100 ans de sa mort.
*** Ma double vie, autobiographie de Sarah Bernhardt, Phébus éditions.
**** Estelle Meyer a reçu un prix pour sa chanson Pour toutes mes sœurs ; elle a rencontré son public grâce à son tour de chant Sous ma robe mon cœur (2019) et à son seul-en-scène inspiré par la figure de Gisèle Halimi : Niquer la fatalité, chemin en forme de femme (2023).
A partir du 27 août 2024
au Théâtre du Palais-Royal
38 rue de Montpensier
75001 Paris
infos / resa : 01 42 97 40 00 / resa@theatrepalaisroyal.com / www.theatrepalaisroyal.com
Avec Estelle Meyer, Marie-Christine Letort, Isabelle Gardien, Priscilla Bescond, Blanche Leleu, Sylvain Dieuaide, Antoine Cholet, Adrien Melin, Florence Hennequin et Bastien Dollinger
Emilia Pérez, Jacques Audiard, Page 114 / Why Not Productions
Emilia Pérez raconte l’histoire d’un chef de cartel mexicain (Manitas del Monte, interprété par Karla Sofía Gascón) qui fait appel aux services d’une brillante avocate d’un cabinet peu scrupuleux (Rita, interprétée par Zoe Saldaña) afin qu’elle l’accompagne, en secret, dans ses démarches de changement de sexe, non pas pour s’éloigner de ses sombres activités, mais véritablement parce qu’il se sent femme. Les années passent, Manitas est maintenant Emilia Pérez. Cette dernière veut ramener au Mexique son ex-femme (Jessica, interprétée par Selena Gomez) et ses deux enfants qu’elle avait fait expatrier en Suisse. Sa famille pense alors que le chef de famille est mort.
Difficile de définir ce film car c’est un vrai mélange des genres : un thriller, un mélodrame, mais aussi et surtout une comédie musicale en espagnol. C’est un choix osé, voire improbable, qu’a fait le créatif réalisateur Jacques Audiard. Les moments de chant et les éclatantes chorégraphies ont mis certain(e)s mal à l’aise pendant la séance et ont provoqué des ricanements.
Ce qui m’a paru un peu dérangeant, c’est principalement la volonté de rendre Manitas touchant et, par moment, la romantisation de la violence et de la douleur mexicaine bien réelle. C’est un pari risqué lorsque les féminicides, les violences sexuelles, la corruption à tous niveaux, l’impunité et les prisons remplies de pauvres, les enlèvements, l’omniprésence des cartels (lourdement) militarisés dans certains États, la violence liée au narcotrafic, les fosses communes remplies de corps non-identifiés (des statistiques parlent de 80 000 à 100 000 disparus du fait du narcotrafic durant les 20 dernières années) sont des sujets particulièrement sensibles au Mexique. L’œil est donc celui d’un Français bien loin de cette réalité qui, toutefois, a fait un vrai travail de recherche avec énormément de détails et de références à la culture locale : les sons, la musique, l’ambiance des tianguis (marchés), l’engagement, les expressions, les faits divers sanglants sur les unes des journaux affichés au kiosque du coin, les Buchonas comme on les appelle au Mexique, ces femmes de Narcos qui vivent fièrement dans le luxe, au prix de nombreux dangers, voire parfois au péril de leur vie.
Ayant vécu au Mexique pendant près de quatre ans et travaillé en cabinet d’avocats (heureusement pour moi, pas en droit pénal), mes collègues me disaient que le métier de pénaliste était effectivement dangereux et corruptible : « écouter, c'est accepter » commente Manitas. En effet, accepter de travailler de près ou de loin pour les Narcos, c’est faire un pacte avec le diable.
Heureusement, le Mexique ne se définit pas par ces horreurs, bien au contraire, c’est un pays immensément riche et vibrant, mais je me suis interrogée : que penseraient nos amis mexicains de ce film? La rédemption est-elle impensable dans ces circonstances ? Est-il possible de passer de chef de cartel à bonne samaritaine ? Cela peut être difficile à accepter, mais finalement avec Emilia Pérez, il faut se laisser porter : nous sommes face à un divertissement et non à un documentaire.
Le film est un intense spectacle visuel qui interroge sur plusieurs sujets, et va bien au-delà de la transidentité. Jacques Audiard jongle entre les problématiques : le machisme destructeur, le conditionnement, la résilience, la détermination, la libération par le corps, la violence comme solution, être une femme, la maternité…
Salvador Dali disait après son voyage au Mexique qu'il n’y retournerait jamais car le pays était plus surréaliste que ses peintures. Emilia Pérez est assez surréaliste dans son approche, pour certains, je pense qu’il y a un risque de s’y perdre un peu. Cependant, mises à part les quelques interrogations relevées plus haut, selon moi, le film fonctionne très bien.
« Transcendé par l'histoire », « Incroyables prestations » dit-on derrière moi en sortant de la salle. D’ailleurs, les quatre actrices du film ont gagné ensemble le prix d’interprétation féminine à Cannes cette année. Elles le méritent. J’entends aussi : « je me doutais bien que ça allait finir comme ça ». Eh bien pas moi !
Au cinéma le 21 août 2024
avec Zoe Saldaña, Karla Sofía Gascón, Selena Gomez et Adriana Paz
Page 114, Why Not Productions – 2h12
Les Mondes perdus, Tome 1, Le Crane de Lubaantun, Aucha, Isabelle-Lemaux-Piedfert, Dupuis
"Les Mondes perdus", cette BD qui vous emmène au fin fond de la jungle, à la recherche de trésors archéologiques, est pas mal : les dessins sont jolis et l'univers est bien. Un jour, Amélia (fille d'un explorateur) réussit à convaincre son père de l'emmener avec lui en exploration. Lors d'un bal, on découvre qu'elle a été adoptée. Apparemment, ses parents sont morts. Mais son père adoptif ressemble beaucoup à son "vrai" père. Est-ce le même, ou une simple ressemblance ? J'espère que les prochains tomes en diront plus sur son passé et son avenir car je n'ai pas tout compris, et cette ressemblance m'a un peu gênée dans ma lecture. J'ai bien aimé cette BD, mais pas adoré non plus !
Norma (10 ans)
Paru le 15 mars 2024
chez Dupuis
Aucha (scénario) | Isabelle-Lemaux-Piedfert (illustrations)
80 pages | 14,50€
Le Navire Ecarlate, Grimond, Verrier, Jungle
J'ai bien aimé le scénario et conseillerais ce livre à ceux qui aiment le dessin et la peinture car c'est le thème de cette BD. C'est l'histoire de Malo, un enfant qui rêve est de devenir un peintre célèbre, comme sa grand-mère. Tous les deux, ils se font kidnapper par les Pirates Écarlates qui ont pour mission de colorer le monde pour l'égayer. Mais leur capitaine poursuit-il vraiment le même but ?
Les dessins sont expressifs et même ma petite sœur de cinq ans a pu comprendre l'histoire sans savoir lire. Le dessinateur, Léo Verrier, fait bien ressortir les éléments importants. Il met souvent les personnages en gros plan au centre de la case, il les dessine très bien et les met en avant grâce à des couleurs vives qui contrastent avec le fond, généralement plus pastel. Je trouve juste un peu dommage qu'il n'y ait pas beaucoup de détails dans le dessin.
Norma (10 ans)
Paru le 18 janvier 2024
chez Jungle, Jeunesse
107 pages | 17,95€
Disques à consommer sans modération (Brijean, Orchestre National de Syldavie, Atomic Ping Pong)
On va foncer tout de suite vers le duo Californien de Brijean. Un havre de paix qui convoque Burt Bacharach ou la French touch. Ce qui est sûr, c’est que c’est divertissant et cela nous fait roucouler entre le temps orageux et les vagues de fraîcheur.
Brijean Murphy et son ami Doug Stuart vous invitent au bord d’une plage où seul le plaisir compte. Les deux sont doués pour vous offrir un moment calme et satiné. C’est joli comme tout. Tout est feutré. On se rêve en dandy dans leurs chansons sucrées. C’est totalement inconséquent mais c’est vrai que c’est fait avec un goût certain. Un vrai cocktail acidulé.
On passe à autre chose avec Vaï vaï vaï de l’Orchestre National de Syldavie. Ici, on laisse tomber les lunettes de soleil et on s’emporte comme dans un film d’Emir Kusturica. On danserait bien avec une oie. Là, nous sommes à la noce avec des musiciens généreux, passionnés, entre modernité et joie de vivre.
Le violon et l’accordéon ne se laissent pas aller au flonflon. Les cinq musiciens vont tout faire pour vous dégourdir les jambes avec une passion pour les sons de l’Europe de l’est. On est plus dans l’ambiance “retour à la vie”. C’est d’une énergie incroyable. C’est virevoltant. Ça fait danser les petits et les grands. La franchise est de mise. C’est un appel à la fête pour boire, se raconter, partager et s’amuser.
On est loin du Spritz parisien mais on s’en fout, la musique nous entraîne dans un vent de joie, de panique et de sons absolument détonnants. On veut festoyer jusqu’au bout de la nuit. Envie de boire. Envie de danser. Envie d’aimer. En vie tout court. Un Danube de vodka et on remet ça ?
Sinon il y a de la bonne bière, rafraîchissante. Et pour cela on vous conseille l’excellent live de Atomic Ping Pong. Là, on est aux frontières des styles. C’est drôle, acrobatique et enivrant. Le groupe est aussi léger qu’il sait multiplier les ambiances et dire les choses avec un humour incroyable.
Il s’agit de la version 2024 de Clara et les Chics Types, ce film des années 70 qui célébrait la musique et le plaisir d’être ensemble. Les musiciens vont chercher le public pour leur présenter un mélange de genres très joyeux. Il y a de la politique, du concret et des rythmes irrésistibles pour raconter tout cela.
C’est de la musique de carrefour. Les musiciens s’éclatent. Effectivement c’est une partie de ping pong entre les styles et les instruments. Ça groove avec les moyens du bord. Entre la France et le Canada, il y a d’autres frontières mais elles explosent toutes. On se marre. Ça rigole. C’est terriblement joyeux. Et même une bière chaude ne va pas gâcher votre plaisir.
Bien sur toute cette musique est à consommer sans aucune modération.
Alien: Romulus, Fede Alvarez, 20th Century Fox
Ça faisait sept ans que le monstre le plus hargneux du cinéma américain n’avait pas fait son fameux sourire fatal. Ridley Scott lui-même avait sabordé la franchise et c’est un petit artisan qui tente de la sauver…
Avec son Alien Prometheus et son Alien Covenant, le papa fondateur de la saga avait vraiment fait du n’importe quoi. Avec du style certes. Mais que de maladresses ! Maladresses que l’on pardonnera à ce vieux routard du cinéma hollywoodien.
Occupé avec ses productions pompeuses, Ridley Scott n’est plus trop en forme alors il passe la main à un valeureux réalisateur, Fede Alvarez. Lui, c’est plutôt dans la série B horrifique qu’il travaille et il compte bien faire la même chose avec Alien : un petit film d’horreur.
C’est ce qui surprend au début: on n’est pas du tout dans le gros machin industriel. On découvre au fil des minutes, une très belle humilité de la part de celui qui avait déjà commis l’ambitieux remake de Evil Dead.
Mais ici, il respecte les bases des deux premiers opus et va allègrement faire référence aux autres films. Pour un résultat mitigé mais encourageant. Le film déçoit dans son obsession des clins d’œil. Les détails se multiplient à l’écran au point de ne pas servir la tension du récit, qui reprend en gros la même forme que le film de Scott ou de Cameron.
Des jeunes colons rêvent d’un avenir meilleur sur une autre planète. Ils décollent pour arriver sur une station qui pourrait les aider à réaliser leur rêve. Tant pis pour eux, ils ne savent pas que dans l’espace personne vous entend crier et ils vont littéralement hurler face à nos monstres baveux ravis d’avoir un menu offert au milieu de nulle part…
Mais Alvarez réussit tout de même à transcender le film de couloirs sombres où se perdent les personnages en attendant le monstre. Il dose avec un certain plaisir les passages obligés et les scènes d’action qui sont franchement réussies.
Il a la bonne idée aussi de ne pas montrer constamment le fameux xénomorphe. On retrouve un peu le côté iconique et médiéval du premier opus. Il croit assez naturellement à la force des effets spéciaux mécaniques et met tout en place pour y parvenir.
Il retrouve ce goût pour l’horreur organique et ça fonctionne grâce à sa réalisation assez astucieuse. Plutôt que des beaux effets spéciaux, il fabrique une atmosphère cinglante, avec même un message politique, en s’appuyant sur la lumière, les décors ou le son. Ça pourrait donc s’apparenter à du vrai cinéma.
Hélas, la fin est décevante et laisse un petit goût amer. Mais il y a de très bonnes choses dans cette série B. Une vraie passion pour le mythe et la bête se ressent. Si le film est pris pour ce qu’il est, une honnête déclaration d’amour à Alien, alors ça passe… en attendant le prochain!
Au cinéma le 14 août 2024
avec Cailee Spaeny, Archie Renaux, Isabella Merced et David Jonsson
20th Century Fox - 1h59
Le comte de Monte Cristo, Pathé
Mais oui mes amis, pourquoi imiter les Américains quand on a de si beaux produits dans nos belles régions? La France est fière de son patrimoine. Après les Trois Mousquetaires, Alexandre Dumas va encore sauver le box office français et le soft power bien de chez nous !
Donc Pierre Niney de la Comédie française et des bons succès d’ici, sera l’énigmatique Edmond Dantès. L’acteur fera des galipettes et prendra un air grave quand il le faudra. Il sera aussi terrifiant qu'intriguant.
Autour de lui, le casting sera aux petits oignons. Laurent Lafitte de la Comédie francaise va jouer de ses sourcils pour vous montrer qu’il est mauvais. Bastien Bouillon, César du meilleur espoir, prouve aussi qu’il a toujours encore du chemin pour être un vrai méchant. Enfin Patrick Mille vieillit bien et joue très bien les enflures. Le trio ne manque pas d’élégance pour pourrir la vie du pauvre Edmond Dantès.
Anaïs Demoustier apporte un peu de nuances à tout cela mais elle se fait avaler par les décors, les costumes, la musique… Ça ne lésine pas : ce Comte de Monte Cristo dure presque trois heures mais c’est un vrai musée à visiter.
Car finalement cette histoire est dans nos gènes. Alexandre Dumas a inventé le stéréotype de la vengeance et de son application. Pas étonnant que les Américains adorent cette histoire d’un type qui trouve les moyens (financiers) de se rendre justice tout seul et contre toute morale. Effectivement il y a quelque chose de très jouissif dans tout cela et les réalisateurs s’en donnent à cœur joie avec une mise en scène très dynamique à défaut d’être surprenante.
Tout ceci est bien fait. Mais ça manque un peu de profondeur et d’esprit. On sent bien le film préparé pour une carrière internationale avec tout ce que l’on aime de notre beau pays. Les clichés pleuvent mais il est vrai que c’est assez bien fichu.
Et bizarrement, on repense à une version américaine, celle de Kevin Reynolds, en 2002 petit artisan indécis, qui avait réussi avec des moyens plus limités, une synthèse plus radicale et féroce du gros roman d’Alexandre Dumas… Si ça vous intéresse jetez y un coup d’œil… c’est peut être plus vibrant finalement.
Au cinéma le 28 juin 2024
Avec Pierre Niney, Laurent Lafitte, Anais Demoustier et Patrick Mille
Pathé - 2h58