Un état de nos vies, Lola Lafon, Rond-Point

Lola Lafon, l'écrivaine du formidable Quand tu écouteras cette chanson,monte sur les planches pour nous livrer son regard affuté sur le monde.

Une femme et un homme se font face, chacun à une extrémité d'une longue table en bois. Comme dans une expérience scientifique, ou un test psychologique, il prend un petit carton, énonce un mot et attend sa réponse. Elle donne alors sa définition toute personnelle du mot, livre ce que cela lui évoque. En une heure de spectacle et à travers quelques mots ("être", "gauche", "jamais"... ) nous naviguerons dans notre société.

En observatrice avisée et lucide, Lola Lafon nous met gentiment face à nos contradictions, nos lâchetés, notre hypocrisie. Elle moque la Gauche réduite à "une alternative, c'est-à-dire un autre moyen d'aller au même endroit".

Elle pointe l'absurdité d'un système qui rend "l'inégalité de traitement désirable" et qui nous pousse à "être envahis du désir d'avoir ce qu'on ne désire pas", d'une société qui valorise la punchline alors que "savoir réduire son propos en quelques mots, c'est un idéal d'agent immobilier".

Lola Lafon interroge également la pingrerie de notre générosité et la faiblesse de nos actions face à l'horreur et l'injustice. "On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas" certes, mais en réalité "plus on sait, moins on peut".

Mais n'allez pas croire que vous allez vous faire gronder ou bêtement culpabiliser pendant une heure. Vous allez rire et, l'air de rien, réfléchir en profondeur.

Jusqu'au 09 décembre 2023
Théâtre du Rond-Point, Paris VIIIème
Un spectacle de et avec : Lola Lafon
Composition et interprète : Olivier Lambert
Collaboration artistique et lumières : Emmanuel Noblet

50 ans – Les Folies Gruss à Paris – Compagnie Alexis Gruss

Le nouveau spectacle musical équestre et aérien de la famille Gruss est à l’affiche ! Un nouvel émerveillement !

Cette année, la Compagnie fête en musique trois anniversaires : la 50e création à Paris, les 170 ans de la dynastie Gruss et les 80 ans d’Alexis Gruss. La Compagnie, on ne la présente plus, est une institution. Celle d'un art équestre cultivé de génération en génération. On revient voir les Gruss chaque année comme on revoit une partie de sa famille ou des amis éloignés qu’on aime retrouver régulièrement. Une valeur sûre. « Tiens ! les jumeaux ont grandi. Tiens ! ils sont tatoués ! Extra ! Alexis et Gipsy sont encore en scène ! » Le spectacle tient déjà avec l'idée de cette famille elle-même. Une désormais rare exception.

Sous le chapiteau Gruss du Carrefour des Cascades à Paris, on retrouve bien les trois générations, d’Alexis et Gipsy Gruss à Célestine Gruss. 16 circassiens équestres, sans compter l’orchestre et deux nouveaux chanteurs de talent, Candice Parise et Xavier Ducrocq. 25 artistes sans compter les 50 chevaux de la cavalerie. Cette 50e création à Paris a des accents de comédie musicale, une forme originale pour articuler l’ensemble des numéros présentés dans la grande tradition du cirque.

L’histoire est celle d’une chanteuse, Louise, qui souhaite intégrer la troupe des Folies Gruss mais arrive en retard au casting. Avec l’appui d’un technicien du cirque, Piotr, elle finira par rencontrer Firmin Gruss en musique qui acceptera de l’entendre. Ce sera le début d’un nouveau récit musical.

La force de la Compagnie est sa polyvalence et sa capacité à basculer en un temps record d’un numéro à l’autre avec une forte intensité d’action et de risques sous les yeux du spectateur ébahi par les épreuves de forces et d’équilibres, avec et sans chevaux. Le « Fait maison » est la règle d’or et cela fonctionne parfaitement. On frémit. On sourit. On questionne parfois leur folie. Equilibres, portés, jonglages, sauts sur les chevaux, dressage, équilibre sur fil ou sur échelle, acrobaties aériennes, maniement du fouet, du lasso, danse acrobatique dans l’eau, jeux avec le feu, les numéros d’adresse témoignent d’une rigueur et expertise étonnantes. Rien de plus difficile que de faire simple. La machine humaine est en action sous nos yeux, en interaction avec les chevaux. La famille s’empare de tous les exercices et se plait à relever les défis de la gravité terrestre. Une prouesse en chasse l'autre.

Le spectacle est très réussi et réjouira les petits comme les grands pour les fêtes de fin d’année. La nouvelle formule présentée par la Compagnie Gruss est efficace. La standing ovation en hommage à Alexis Gruss en fin de spectacle en témoigne. Les spectateurs peuvent s’ils le souhaitent rencontrer les artistes présents en sortie du spectacle pour quelques photos et échanger quelques mots. On se demande où les artistes trouvent encore de l’énergie après cette heure et de demi de folie.

Vous l’avez compris ce spectacle est à offrir et à voir. Satisfaction garantie !

Les Folies Gruss – Ici les artistes sont vos hôtes ! (folies-gruss.com)

L’Antichambre, J.C. Brisville, Tristan Le Doze, Théâtre Le Ranelagh

Quel homme incroyable que Jean-Claude Brisville, hélas peu connu du grand public. Écrivain, dramaturge, il a obtenu le Grand Prix du théâtre de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre. Scénariste de Beaumarchais, l’insolent, c’est surtout Le Souper en 1991 qui l’a fait connaitre. Peu de temps après, il a créé L’Antichambre, que Tristan Le Doze vient de mettre en scène dans le joli théâtre du Ranelagh.

Nous sommes en 1750, plus de vingt ans après la fin de la Régence. Marie du Deffand a été ce qu’on nommait une « salonnière ». Nombreuses à l’époque, riches et cultivées, elles accueillaient lors de leur « jour » savants et écrivains. Pendant la Régence (1715-1723), son amant le président Hénault s’est servi de ses relations pour la faire connaître. Mais hélas, le temps a passé et Marie du Deffand devient aveugle et a besoin d’une lectrice. Son choix se porte sur Julie de Lespinasse, la fille illégitime de son frère. Mais elle a deux requêtes : Julie ne rentrera pas au couvent et ne dévoilera jamais son identité. Mais les choses ne se dérouleront pas comme elles devraient…

Trois personnes sur scène. Deux être assis qui ont beaucoup vécu. Un homme. A sa droite, une femme. Dignes dans leurs fauteuils, dans cette pièce à la lumière diffuse, les bougies, les ombres, ils semblent dépenser leur dernière énergie à préserver ce qui fut eux. Mais ils parviennent encore à rester drôles, surtout le président Hénault, (talentueux Rémy Jouvin), qui arrive, malgré son dos courbé et ses jambes hésitantes, à camper encore la vie. Il reste cependant trop souvent statique. Et ne parlons pas de sa partenaire.

Soudain, à droite de la femme arrive une jeune fille si grande si vivante, qui danse, bouge et chante. C’est la lectrice. Personne ne l’a reconnue,  mais la bâtarde est flamboyante et sa jeunesse insouciante. La haine que Marie du Deffand  exprime à son égard va crescendo. Surtout que la jeune fille essaie d’émoustiller l’ancien amant de sa « tante ». Mais on n’y croit pas une seconde. La comédienne, bien que jolie, n’a pas la sensualité adéquate. Cette scène, comme d’autres, reflète une direction d’acteurs parfois poussive. Ils font ce qu’ils peuvent et ne s’en sortent pas mal. 

Jusqu’au 14 janvier 2024
Théâtre Le Ranelagh, Paris XVIème
Les jeudis, vendredis et samedis à 19 H
Et les dimanches à 15 H

Déclarations d’amour à Dominique Dalcan, Caravane Passe et Silvestre y la Naranja

Cher Dominique Dalcan,

Je vous aime. Depuis votre album Cannibale en 1994. A l’époque vous mettiez tout le monde à terre avec des orchestrations léchées et des textes solaires. Et depuis, discrètement, vous avez œuvré avec un certain génie dans l'électro.

Et cette année, alors que les guerres explosent un peu partout, vous revenez avec un album féminin qui transpire toute la beauté du Monde Arabe. Je vous aime parce que ce disque est apaisant. Last Night a Woman Saved my Life m’a réveillé de ma torpeur.

On y entend des voix. Douces. Chaleureuses et combatives. A la manière de Grand Corps Malade, Dominique, vous saisissez en musique les troubles agréables que provoquent le chant des femmes.

D’origine libanaise, vous avez cette excellente idée d’offrir des plages sonores ouvertes à des chanteuses merveilleuses qui montrent la vitalité, la grâce et la diversité de l’art oriental. Grand bidouilleur devant l’éternel, vos chansons sur ce disque sont vraiment charnelles et nous transmettent une émotion vibrante et forte.

Entre modernité et traditions, le disque est une échappée belle dont on avait vraiment besoin. Pour tout cela, je vous apprécie toujours autant Dominique.

Cher Caravane Passe,

Je vous aime aussi. Comme Dominique Dalcan, vous possédez une ouverture d’esprit qui devrait être enseignée partout. Vous mélangez votre folie punk avec des folklores qui viennent de tout horizon.

On veut construire des murs en permanence et continuer à faire peur à tout le monde avec le mythe de l’étranger. Mais vous, vous défendez depuis des années, ce plaisir qu’il y a à rire, jouer et rencontrer l’autre contre tous les clichés possibles. Votre musique est une pétaradante démonstration de pensées humanistes et joyeuses.

Hotel Karavan montre que les portes sont grandes ouvertes à tous. Il y a plein d’invités qui entrent et sortent dans cette musique généreuse, ouverte à un style nomade. On entend même un fantôme, Rachid Taha. Mais tout cela reste festif. Face aux injustices qu’il devine, le groupe continue à faire la fête et veut faire rebondir dans tous les sens son auditeur.

Au bout de vingt ans de carrière, La Caravane Passe y arrive encore. Dans leur hôtel, les ambiances sont toujours différentes selon les pièces visitées mais il y a encore et toujours un humour irrésistible et une générosité qui se révèle en ce moment nécessaire pour ne pas céder à la déprime du mois de novembre.

Cher Silvestre y la Naranja

Je vous aime depuis peu. Argentins, vous avez désormais du pain sur la planche avec un président ravi d’être le clone de Donald Trump. Il veut tout détruire (de l’enseignement aux aides sociales) parce que le marché doit décider de ce qui est nécessaire. Et pour ce genre de triste sire dopé à l'ultra libéralisme, la culture est un danger.

Donc comme tous les groupes d’Argentine, je vous aime et je vous soutiens. On sait que dans ce coin du Monde, le rock est farouche et ne devrait pas se laisser faire. Même si vous, Silvestre y la Naranja, vous ne faites pas dans le style bruitiste.

Mais j’aime beaucoup votre ironie à jouer avec les canons de la musique contemporaine. L’air de rien, vous avez aussi beaucoup d’humour pour fabriquer des petits hits pop, tranquilles et assez acides pourtant.

Sueno Citrico est donc un petit plaisir appétissant où les musiciens se laissent aller à des morceaux faussement légers. Les arrangements sont délicieux et l’exotisme vient plutôt de l’ironie du chanteur et de la gourmandise des musiciens. Ils en font trop dans la pop mainstream mais cela fonctionne bien et l’apparente inconséquence de ce quatuor peut avoir valeur de refuge pour les tristes jours à venir dans la politique ce pays si musical…

Aimer un artiste c’est aimer la liberté, la bienveillance et la richesse qui habitent chacun d’entre nous. Certains l’ont oublié. D’autres le chantent avec un talent entraînant et une espérance mélodique.

The Marvels, Marvel Studios

En tentant de féminiser à outrance son dernier film, Marvel montre un peu plus son incompétence à nous émerveiller.

Ça fait quelques temps que Marvel, machine à cash d’Hollywood, a bien du mal à se renouveler ou comprendre tout simplement ce que c’est, le cinéma.

Très fier d’avoir échafaudé tout un montage de liens entre les super héros, il y a désormais trop de nœuds entre les films ou les séries pour simplement faire un bon film. The MarvelS est moins décevant que les derniers long métrages mais on est loin des débuts de la firme…

Car désormais, si vous n’êtes pas à jour sur l’actualité des super héros Marvel, c’est dur de suivre. Si Captain Marvel avait droit à un premier film plutôt réussi, elle doit désormais partager l’affiche avec des copines beaucoup moins fascinantes mais présentes sur d’autres supports médiatiques made in Disney.

Il y a trop de monde dans le multiverse et il faut composer avec des méchants de pacotille et un scénario qui fera l’apologie de l’intelligence, l’entente et les bonnes blagues qui décontractent tout climax un peu tendu.

L’ensemble est bien fichu. On s’imagine plus dans un film de Star Trek. Il faut sauver des populations extraterrestres et notre petite planète bleue toujours à la merci de vilains psychopathes de l’espace. Ici hélas, la méchante est aussi charismatique qu’une tasse à café.

En face d’elle, le trio d'héroïnes se la jouent Drôles de Dames intergalactiques. La réalisatrice suit un peu l’exemple du dernier Thor en envoyant une grosse dose de second degré et de kitsch assumé dans l’aventure. Ça marche et parfois ça agace. La meilleure idée est d’avoir un film assez court qui ne se perd pas en effets spéciaux spectaculaires et dialogues abscons.

Une fois de plus, il y a un manque d’imagination totale dans ce volet. Le récit ressemble à tant d’autres. Le cahier des charges est le même que pour n’importe quel film de super héros. Comme pour les westerns, il y a fort bien longtemps, cela ressemble à la fin d’un cycle pour les héros en collants. Les filles ont encore la forme mais même le spectateur n’a plus l’envie d’y croire.

Au cinéma le 08 novembre 2023
Avec Brie Larson, Samuel Jackson, Iman Vellani et Teyonah Parris - Marvels -  1h45

 Lehaïm – A la vie, Judith Zins, Théâtre de la flèche

“Lehaïm signifie en hébreux ''À la vie''. Pour moi ça veut dire : C'est pas rien d'être
vivant, vivante et ça se fête, ensemble, maintenant.”

Pour son seul en scène, Judith Zins nous invite littéralement à trinquer aux différents
chapitres de sa vie. A la vie, même !

Elle nous embarque dans un univers foisonnant, à la fois réel et imaginaire. Un monde où
les émotions sont vécues intensément.

Judith n’est pas seule face à nous. Elle est entourée par ses objets totem, source de
narration pour aborder divers sujets : l’enfance, le cinéma, les chiens (son chien), la
confiance en soi, la télé-réalité…

Ce spectacle déborde de vie et de générosité, à l’image de Judith sur scène.


Jusqu'au 08 décembre 2023
Théâtre La flèche, Paris XIème
Durée 1h05
de 11,99€ à 20,99€

GRAND REPORTERRE #8, Lucie Berelowitsch – Rokhaya Diallo, Théâtre du Point du Jour

Dans le cadre de la série de pièces intitulée "Grand reporTERRE", le Théâtre Point du jour laisse carte blanche à un.e metteur.se en scène invité.e.

C’est Lucie Berelowitsch qui s’est retrouvée à la conception du huitième Grand reporTERRE. La pièce s’est déroulée en collaboration avec la journaliste Rokhaya Diallo ainsi qu'avec la chanteuse Cindy Pooch.

La pièce qu’elles ont toutes trois présentée n’est pas tout à fait dans le respect des codes classiques du théâtre. Divisé en cinq parties, le spectacle se démarque par un fort engagement et une volonté de dénoncer le lien entre politique coloniale et violences policières. Ce juste parallèle est établi lors de la présentation au public des ex-politiques coloniales françaises, ainsi que des récurrences des violences policières. Sont aussi abordées les questions de responsabilité de la France quant à son passé ouvertement raciste et colonial, qu’elle ne semble malheureusement condamner qu’à travers des discours et non des mesures.

Au plateau sont mêlés chant, jeu théâtral, déclaration au public, projection. Cette multitude de supports amène à un fort dynamisme qui n’est pas sans rappeler celui de la télévision, où sont souvent utilisés divers supports afin d’étayer un argument.

Dans cette œuvre, les sujets abordés sont on ne peut plus -malgré leur violence- ancrés dans le réel. On peut alors se questionner sur le choix de recréer au plateau un podcast. En effet, ce recours au fictif (puisque ce podcast n’existe en fait pas), semble mettre à distance l’implication émotive envers les sujets abordés. La pièce reste malgré cela très juste en ce qu’elle dénonce.

Grand reporTERRE #8 n’est pas agréable au sens premier du terme, de par les sujets abordés. Il ne serait, en effet, aucunement possible de faire de l’agréable en parlant de sujets aussi graves. En ce sens, nous pouvons estimer qu’il s’agit d’une pièce nécessaire, en ce qu’elle dénonce clairement des sujets qui doivent êtres dénoncés et en ce qu’elle ouvre des questionnements sur l’identité, la reconnaissance d’une identité, le rôle de l’art dans les mouvements sociaux.

Les 07 & 08 novembre 2023
Théâtre du Point du Jour, Lyon
Durée 1h30

Ce que la Palestine apporte au Monde, Institut du Monde Arabe

Ouvrez bien les yeux ! Il y a de belles choses en Palestine, terre meurtrie et aliénée.

Voilà l’exposition qu’il nous faut. Voilà un message d’espoir que l’on n’attend plus. Ou que l’on n’entend plus. On balise tous les clichés sur la Palestine et se rend compte que la culture est un mot totalement inconnu lorsque on pense à ce pays enclavé.

Et pourtant. En ces temps meurtriers, on est surpris par la vivacité et l’espérance des artistes palestiniens. On rencontre des toiles et des œuvres qui nous racontent le destin dramatique du pays. Mais on découvre une modernité qui souffle sur tous les stéréotypes.

Face aux atrocités et à la désolation, on découvre des élans artistiques qui surprennent. L’humour est caustique mais souvent présent. La photo, les sculptures, les peintures et d’autres supports deviennent des hymnes à la résistance mais surtout à la vie.

D’ailleurs on appréciera la scénographie de l’exposition. Elle se divise dans l’Institut du Monde Arabe et se dilue dans les œuvres vénérables du musée. Car une fois de plus, ce que l’on voit n’est pas victimaire ou désespérant.

Le conflit entre le Hamas et Israël est évidemment présent dans nos têtes mais on découvre un art brut qui sait transformer le réel et interroge le présent. Il y a une vraie identité artistique. Elle dépasse ce que l’on voit sur les réseaux ou les infos. Cette exposition nous rappelle avec urgence, l’importance de l’art dans nos vies. Une expo à voir absolument !

Jusqu’au 19 novembre 2023
à l’
Institut du Monde Arabe - Paris

Une année difficile, Toledano & Nakache, Gaumont

Nous vivons des moments difficiles… tout le temps finalement. Alors autant en profiter pour rire de tout cela dans un joyeux bordel bien organisé par les réalisateurs de Hors Normes.

D’ailleurs on vous prévient tout de suite : Hors Normes reste la référence de Toledano et Nakache. Tout y était finement réglé. La quintessence de leur cinéma généreux, social et un peu nunuche aussi, il faut l’avouer.

Une Année Difficile est un film beaucoup plus léger. Le duo semble s’amuser à faire rentrer les codes de Francis Weber dans leur cinéma. Ils se lancent dans les Compères version 2023. Avec Jonathan Cohen et Pio Marmai pour remplacer les indépassables Pierre Richard et Gérard Depardieu. Pourtant les deux comédiens s’amusent comme des petits fous.

Ils sont le vrai plaisir de ce film : le déprimé lessivé et le costaud au cœur tendre. Endettés, leurs personnages sont deux types largués et épuisés par une existence faite de déceptions, d’erreurs et de recours systématiques au crédit.

Attirés par une bière gratuite, ils découvrent le monde du militantisme écologique et rencontre une certaine Cactus qui donne des idées au duo de loosers : il y a des combines à inventer dans ce petit univers…

Les pieds nickelés vont donc se foutre royalement des convictions pour tenter de remonter la pente… Et ils se débrouillent bien pour multiplier les petits trafics rémunérateurs. Les comédiens se régalent et nous aussi par la même occasion.

Le long métrage a une vraie force comique qui emprunte aussi au cinéma italien et social. Une vigueur se dégage du film. Pourtant le scénario, lui, n’est pas à la hauteur. Eric Toledano et Olivier Nakache semblent se reposer sur leur duo à l’écran et attendent sagement des rebondissements totalement prévisibles et parfois assez lâches (peu crédible, le personnage de Mathieu Almaric). On pouvait espérer mieux.

Mais il ne faut pas bouder son plaisir en ces moments pénibles où l’on se fait engueuler par les mauvaises nouvelles et les guerres en tout genre. On rit. C’est déjà beaucoup !

Sortie le 18 octobre 2023
Avec Noémie Merlant, Jonathan Cohen, Pio Marmai et Mathieu Almaric – Gaumont – 1h50

L’Abbé Pierre – Une vie de combats, Frédéric Tellier, SND Films

Un honnête film du dimanche soir qui rend hommage à un impressionnant bonhomme dont le combat contre la pauvreté est toujours d'actualité.

Fils d'un riche industriel lyonnais et catholique, Henri Grouès consacra sa vie au Christ en devenant frère Capucin, un ordre de moines qui vivent dans une pauvreté. Mais il était trop fragile pour cette vie dénuée de tout.

"Vous n'êtes pas fait pour les capucins (...) vous serez plus utile ailleurs" lui dit le Père Abbé au bout de sept ans.

Après le monastère, Henri Grouès connaitra le désert, s'engagera dans la Résistance, se fera élire député avant de fonder Emmaüs, "un endroit pour ceux qui n'ont plus rien", un lieu où les exclus sont accueillis sans qu'on leur pose de questions, sinon celle de savoir s'ils ont faim. Rebaptisé "Abbé Pierre", Henri Grouès dédiera alors son existence aux plus pauvres. "Servir avant soi qui est moins heureux que soi" fut sa devise.

Car pour l'Abbé Pierre, un homme est un frère, tout simplement. Sa générosité sans œillères et l'intensité de son indignation forcent l'admiration.

Benjamin Lavernhe (de la Comédie française) impressionne par son interprétation de l'Abbé Pierre, de ses vingt ans jusqu'à ses quatre-vingt-quatorze ans. Au-delà de la transformation physique (d'ailleurs plutôt réussie) à grand renfort de prothèses, ce qui m'a le plus frappé, c'est la façon dont le comédien redonne vie à la voix l'Abbé, à sa diction si particulière à la fois fragile et chevrotante mais d'une force et d'une détermination sans failles.

J'apprécie aussi que les auteurs du scénario aient mis à l'honneur Lucie Goutaz (interprétée par Emmanuelle Bercot), celle qui fut la compagne de route de l'Abbé et la cheville ouvrière d'Emmaüs.

Pour le reste, le film est vraiment réalisé au gros sel. Le réalisateur, Frédéric Tellier, ne lésine pas sur le lyrisme un peu grandiloquent. Au menu notamment: beauté des paysages et musique expressive (avec cuivres et roulements de tambour crescendo pour faire monter l'émotion). Par moments, le film devient vraiment n'importe quoi au plan visuel ! Il y a parfois d'étranges zone de flou à l'image. Et dans la période "rock star" de l'Abbé (après qu'il a lancé un appel retentissant à la générosité à la radio à l'hiver 1954), on voit simultanément jusqu'à six Benjamin Lavernhe à l'écran, à grand renfort de split screens,

L'Abbé Pierre, une vie de combat est clairement un film de producteurs qui ont fait appel à un bon film maker et qui ont engagé un comédien capable de tenir le haut de l'affiche. Ils n'ont pas lésiné sur les moyens. Comme en témoignent le nombre de figurants et la qualité des costumes et des décors signés Nicolas de Boiscuillé, le film n'est pas fait à l'économie. On sent cependant un peu trop l'ambition de rentabiliser les 15M€ de budget en surfant sur l'image d'Emmaüs (à qui ne seront pas reversé de royalties).

L'Abbé Pierre, une vie de combat, est au demeurant un film honnête dont les auteurs se sont vraiment documentés. On n'est pas dans un biopic américain où tout est faux ! C'est un bon film familial dont il faut espérer qu'il remettra à l'honneur un message et un combat malheureusement toujours d'actualité.

"En temps de guerre, on ne dit pas Pouce, y a plus de sous !"

Au cinéma le 08 novembre 2023
SND Films | WY Productions

137 minutes

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