Christophe Alévêque est Super Rebelle !…enfin ce qu’il en reste

Super RebelleChristophe Alévêque est Super Rebelle… il est aussi super drôle !

Christophe Alévêque entre en scène affublé d’un déguisement de super-héros démodé. Il reste muet quelques instants, l’air accablé et dépité. Et de fait, il n’a pas le moral.

« Super Rebelle n’a plus la pêche : hier j’ai croisé un camion de flics, je ne les ai même pas insultés ».

Mais Super Rebelle retrouve bien vite son énergie, galvanisé par ce monde moderne si facile à railler tant il est absurde. Avec son débit de mitraillette et sa voix légèrement haut perchée, Christophe Alévêque commence par fustiger l’argent, ce « doudou d’adulte » et la société de consommation qui consiste à « acheter des choses dont on n’a pas besoin avec de l’argent qu’on n’a pas ».

Il enchaîne sur les média et leur fascination béate devant l’incontournable hyper-président (pas le camembert, le Nicolas) avant de faire un sketch à mourir de rire sur les ados. Je sais, le thème est vu et revu, mais il faut reconnaître que Christophe Alévêque s’en sort vraiment très très bien avec ce sujet.

« Françoise Dolto, sur le fond, elle a raison… le problème c’est qu’on vit en surface ! »

Christophe Alévêque retrouve tellement la forme qu’il se met même à chanter! Il ponctuera son spectacle de trois ou quatre chansons pas vraiment inoubliables mais pas non plus insupportables, un peu à la manière d’un Bénabar. Mais qu’ont donc tous ces comiques, Gad Elmaleh en tête, à se prendre pour des chanteurs ?

On apprécie particulièrement la revue de presse désopilante qui achève de mettre le public dans la poche de Christophe Alévêque. Il parvient à instaurer une complicité étonnante avec les spectateurs qui, malgré la taille non négligeable de la salle, se sentent très proches de l’humoriste. (Les puristes noteront que Christophe Alévêque recycle quelques chroniques, lues notamment dans Siné Hebdo où il officie.)

Christophe Alévêque termine son spectacle en apothéose, nous faisant revivre à la façon d’un exutoire le concert d’investiture de Sarkozy à la Concorde et permettant au public de se lâcher complètement et de quitter la salle heureux. En sortant, j’ai même entendu des spectateurs se féliciter de ce que le spectacle de Florence Foresti était complet.

Du 17 octobre au 14 novembre 2009, Théâtre du Rond Poin

F.A.I. 2009 / BERTRAND BELIN et TATIANA MLADENOVICH

fai

 

 

 

 

 

Bertrand Belin rencontre Tatiana Mladenovich dans le cadre du Festival des attitudes indépendantes. La finesse en action.
Bertrand Belin est un personnage à lui tout seul. Peu connu du grand public, il l’est surtout des passionnés de la guitare et des artistes français avec lesquels il collabore très souvent dans l’ombre des studios comme arrangeur compositeur ou guitariste. Voix d’outre-tombe susurrée près du micro, toucher de guitare à faire rougir les cordes, Bertrand a un charisme scénique qui fait pleurer les notes.

Dans le cadre du Festival des attitudes indépendantes, le voilà au Théâtre des Trois Baudets, seul en scène avec Tatiana Mladenovitch à la batterie, une autre icone du paysage musical français.

Tatiana, chevelure noire toujours ébouriffée, vêtue de bleu est à jardin. Bertrand, veste beige, chemise rouge et Jean noir occupe le reste du petit plateau, borné par les amplis et ses deux guitares côté cour. Et c’est parti pour plus d’une heure d’échanges musicaux.

Duo de charme, la paire fonctionne à merveille. Bertrand reprend avec allégresse « colosse » et des titres plus récents de la Perdue, son dernier album. En parfaite harmonie avec Tatiana, réceptive aux moindres variations de la guitare, le chant de Bertrand colle aux notes. Peu de mots. Juste une harmonie vocale pour suggérer plus que pour imposer.

Belin est un dandy. Le dandy se dandine sur scène avec sa femme-guitare. Il glisse sur la scène autour de la batterie. Ca patine et ca provoque, ça regarde et ça séduit, jeu de jambes à l’appui. Un savant mélange de désir et d’humilité autour de la reine Musique. Une recherche permanente d’équilibre de notes et de sons dans des ballades folk-rock qui prennent des chemins forcément inhabituels.

Alors quand Tatiana se lance vocalement dans des contre-chants en nappe vocale ou en chœur, c’est à tomber par terre. Somptueux de finesse et d’élégance. La grande classe.

Belin et Mladenovitch viennent une fois plus de prouver que c’est dans l’à-côté que se créent les plus belles surprises et les plus beaux bonheurs. Même si cela fait longtemps que ces deux artistes se connaissent, la sincérité reste d'une grande beauté. Si leur chemin passe près du vôtre, ne les loupez pas. Un duo à connaître absolument.

http://www.myspace.com/bertrandbelin

 

 

Sébastien Mounié

Diamond Dogs / David BOWIE / (EMI – 1974/ Rééd.2004)

Diamond Dogs

CAVE CANEM : La fin du monde n’est toujours pas là et tant mieux ! On va pouvoir continuer à l’imaginer en écoutant cette histoire hallucinante de chiens aux diamants, dont les multiples facettes brillent aujourd’hui encore des mille feux du génie de Bowie.

1974 : Bowie persiste à programmer la fin du monde (il l’annonçait déjà pour « dans 5 ans » en ouverture de  Ziggy Stardust… en 1972)  et en repousse l’échéance à 1984.

Trente ans plus tard, bien qu’ayant frôlé à plusieurs reprises la catastrophe, le monde est toujours en (sur)vie…et Bowie – qui a abandonné son plumage de prédicteur de mauvaise augure- aussi.

Riche, inventif, personnel et transitoire, Diamond Dogs – avec ses qualités, ses défauts et ses trente ans d’âge - fascine et allume encore comme un vieux whisky, en commençant par cette pochette (œuvre du belge Guy Pellaert), effrayante, avec un Halloween-Jack-Bowie mi-homme mi-chien (finalement asexué pour cause d’attributs trop proéminents au goût d’une censure castratrice ) dans un univers apocalyptique de gratte-ciels en ruines.
Halloween Jack, rare survivant de l’ère post-atomique, celle des Diamond dogs, mutants qui font main basse sur la ville dévastée, sol jonché de cadavres, de rats pourris, d’insectes monstrueux… « This ain’t rock’n’roll – This is genocide ». Ceci pour vous donner une petite idée du contexte de l’histoire, inspirée à la fois de William Burroughs (The wild boys), Harlan Ellison (A boy and his dog) et naturellement du 1984 de George Orwell.

Ayant viré au préalable et sans ménagement l’ensemble de son groupe (les fameux Spiders Ronson, Bolder et Woodmansey), Bowie prend ici en main la composition, la production, les arrangements, les guitares et même le saxophone (son instrument d’origine). Musicalement, contrairement à ce qu’on a pu en dire, on trouve beaucoup d’idées remarquablement modernes, d’expériences dans les sons et les enchaînements ; Bowie alterne les passages déstructurés et les tubes imparables. Exemples : la fin de Sweet things (reprise), complètement destroy sur son tempo de locomotive (un avant goût de Station to Station ?) qui aboutit au riff mythique de Rebel Rebel (joué par Bowie lui-même, les doigts en sang) ou le symphonique Big Brother qui donne naissance à la très hachée ronde de la famille squelettique qui clôt le débat. Rock’n’roll with me, c’est la facette crooneuse . 1984, c’est la facette soul . We are the dead, sorte de slow sensuel et stressant brille lui aussi, sur son lit d’orgue électrique, feutré et irréel. Ambiance pesante et fascinante, accentuée encore par un son volontairement métallique et froid, mais aussi par la nouvelle utilisation que fait David Bowie de sa voix dont il commence avec bonheur à utiliser les tessitures graves.

Bref, tout pour déstabiliser les rock critics de l’époque, qui réservèrent injustement un accueil mitigé à cet album, pourtant tellement emblématique de ce qu’est David Bowie : un être en permanente recherche de changement, d’expérience inédite et qui va au bout de ses voyages. Même les plus risqués.

 

Fragments, Samuel Beckett, Peter Brook, Bouffes du Nord

fragments

Un spectacle avec des textes de Beckett, ce Nobel de littérature dépressif et plombant : oh la la, on va pas rigoler ce soir...

Eh bien si !

Peter Brook met en scène cinq courtes pièces de Samuel Beckett, autant de saynètes qui fonctionnent comme des nouvelles théâtrales.

La première pièce, Rough for theater I (Fragment de théâtre I) nous présente un estropié qui se met en tête de guider un aveugle. Rencontre inattendue entre deux souffrances qui rêvent de trouver dans l'Autre un réconfort mais qui échouent pitoyablement à s'abandonner à la confiance et à l'amitié.

Peter Brook met formidablement en scène les textes de Samuel Beckett. Le très beau théâtre des Bouffes du Nord, au dépouillement si poétique, est le lieu idéal pour jouer les textes minimalistes de l'auteur irlandais. (Les textes sont à ce point minimalistes qu'ils n'existent parfois même pas.)

Quant au choix de jouer les textes en anglais (sur-titré en français), ce n'est pas une preuve de snobisme de la part d'un metteur en scène lui-même anglophone. Le jeu en anglais cela permet au spectateur de jouir de la poésie et de la musicalité de la langue de Beckett. C'est particulièrement vrai pour Rockaby (Berceuse), récit concentrique qui tourne en rond et se mord la queue à l'infini, répétant sans cesse l'histoire d'une âme seule qui rencontre son alter ego. L'on n'y comprend vite plus rien (l'incompréhension formelle du texte étant renforcée par la barrière de la langue) mais on se laisse agréablement bercer par la douceur musicale des mots.

Brook tempère la noirceur apparente de Beckett pour mieux révéler l'humour de ses textes. Ainsi, Act without word II (Acte sans paroles II) nous présente deux façons de se réveiller le matin: l'une ronchonne, l'autre énergique. Deux manières de voir une journée qui figurent deux façons de prendre la vie. Or, même le bougon, qui pourrait nous désespérer, nous fait drôlement rire.
Et dans Come and go (Va et vient), ne sont-elles pas franchement comiques ces trois vieillardes assises sur leurs banc, alors qu'elles se délectent des faiblesses de leur amie dont elles dévoilent sans vergogne les secrets?

Un metteur en scène virtuose, un auteur efficace et trois comédiens savoureux (Khalifa Nadour, Marcello Magni et Hayley Camichael): que demander de plus ?!

Jusqu'au 20 juin 2009 Théâtre des Bouffes du Nord www.bouffesdunord.com

10 questions à Mathieu BOOGAERTS

 10 questions à

 

 

Mathieu Boogaerts vient de sortir son nouvel album, I Love you. 10 questions en auto-portrait pour approcher l'artiste.

 

Bon, alors voilà : Etat-critique.com a une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer… et dix questions à vous poser.

On y va ?

D'abord la mauvaise nouvelle : la fin du monde est pour la semaine prochaine. Maintenant une bonne nouvelle : vous êtes le seul survivant (ou presque) et vous avez, en plus, le pouvoir de sauver 10 monuments de votre Panthéon personnel.

Voici les thèmes, à vous de désigner (et de commenter) les heureux élus !

1. Le disque que vous souhaitez sauver ?

Bob Marley "Babylon by bus" .

2. Le film que vous souhaitez sauver ?

Les 400 coups de François Truffaut.

3. Le livre que vous souhaitez sauver ?

L'Ecume des jours de Boris Vian.

4. La bande dessinée que vous souhaitez sauver ?

Rubrique à brac de Gotlib.

5. L'homme que vous souhaitez sauver ?

Moi.

6. La femme que vous souhaitez sauver ?

La femme de ma vie.

7. L'objet, le lieu ou le monument que vous souhaitez sauver ?

Ma guitare.

8. L'émission de télé que vous souhaitez sauver ?

La mire !

9. Le plat que vous souhaitez sauver ?

La soupe de nouilles.

10. Votre œuvre personnelle que vous souhaitez sauver ?

Le disque sur lequel je suis en train de travailler.

Merci Mathieu ! A bientôt et bonne continuation.

 

 

Propos recueillis par Sébastien Mounié

Calexico et Lambchop au Social Club Joey BURNS et Kurt WAGNER

C’était un soir de septembre. Le 8. Carried To Dust, le  nouvel opus de Calexico est annoncé. Joey Burns et John Convertino ont prévu de rejoindre sur scène Kurt Wagner de Lambchop dans une cave de Paris, Le Social club, pour un concert improvisé.

 

Le concert est privé. Nous sommes peut-être deux cents à faire la queue dans la rue Montmartre. Certains ont Libé à la main, d’autres des courriels de leurs réseaux mélomaniaques. Chacun son pass. Tous veulent rentrés. Tous rentreront. Nous sommes serrés mais contents. Qu’importe la promiscuité, Edvige et ses fichiers intimes peuvent gueuler à l’extérieur dans les canards, ici, on est heureux d’être cul à cul, épaule contre épaule. Drôle d’époque.

Soudain, le noir. Et une voix qui clame a capella des accents américains d’une contrée lointaine. Kurt Wagner traverse la salle en gueulant en rythme.  Ca soul folk. Une impro buccale culotée. Kurt s’impose avec emphase dans notre intimité. Ca tord les mots pour les faire chanter. Casquette « Horse feeds » vissée sur la tête, lunettes « sécurité sociale », rouflaquettes grisonnantes, Kurt s’assoit et s’apprête.

Rapidement, le look de trappeur s’efface et laisse apparaître des mélodies et des ballades d’une étonnante sensibilité. Une simplicité qui n’en n’est pas une. La voix grave s’écoule sur les aigus de la guitare folk, l’effet est radical, on l’écouterait des heures chuchoter ses phrases. Une musicale mélancolie. Bien sûr, l’expression est souvent exagérée. Kurt joue du nez et de la bouche appuyant volontairement des syllabes chuchotées. Mais la reverb lui donne raison. Les cordes frappées au moment « t » donnent à sa prestation une sincère évidence. Le plaisir est là. Une soul music. Une voix chaude d’outre-tombe et les trente minutes passent à vitesse grand V.

Un réveil nous alerte un peu bruyamment du changement d’artiste et de la fin de la balade unplugged. Kurt qui n’a pas fini sa chanson sourit. Grand Prince. Joey Burns de Calexico attend en coulisse avec John Convertino, le batteur…

Kurt nous salue.

Les voilà. Bouteille de Kronenbourg à la main. Il fait chaud dans la cave.  Ils ont soif. Nous aussi. Joey Burns, chemise Nashville rouge. La mèche toujours rebelle et l’œil bleu pince sans rire… Un autre style. John Convertino, cheveux en arrière, gueule cassée de musicien dormant peu a le sourire en coin. Et pour cause.

Joey Burns a décidé de se la jouer légère pour cette soirée privée. Il se lance dans un échange avec le public cherchant à le taquiner. Le public est acquis et Joey bavarde. Le voilà qui se lance alors sur  l’énumération d’amis français rencontrés et qu’il adore. Dominique A entre autres puis Katerine. Prêt à tout les voilà alors en train de reprendre « J’adddoooore » de Philippe Katerine avec un clin d’œil pour la Carlita présidentielle… « Et je coupe le son ! »… John sourit mais suit Joey. Les californiens n’ont peur de rien. Pas de complexe. Un jack de micro essaiera bien de couper le son à son tour, rien n’y fera. Joey et John enchaîneront des morceaux plutôt rock loin des musiques hispanisantes auxquelles le combo nous avait habitué. A la guitare Joey s’amuse et attaque franchement. Ca tient plus que la route. Ils pourraient tenir des heures.

Pour finir, Kurt reviendra alors pour une reprise à trois de I Believe in you, extrait de « Oh (Ohio) », le nouvel opus de Lambchop prévu pour le 7 octobre. Joey chorusse à la guitare et donne des accents folks au morceau, tandis que Kurt sourit des effets détournés lancés par Joey. Joey essaiera bien de convaincre Kurt d’entamer une autre reprise mais en vain. Kurt sort. Joey n’a pas envie de quitter la scène. Il trinque à nouveau avec sa Kronenbourg et promet un retour en France avec Lambchop. On sent que Joey reste un peu sur sa faim. La seule solution : revenir.

10 questions à ALISTER

alister

Alister vient de dégainer un album plus qu'encourageant. Il répond rapidement à notre "10 questions à "... Quelques lignes pour cadrer le personnage...

 

Bonjour, Alister !

Bon, alors voilà : Etat-critique.com a une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer… et dix questions à vous poser.

On y va ?

D'abord la mauvaise nouvelle : la fin du monde est pour la semaine prochaine.

- Vous voulez connaître ma solution contre la fin du monde ?... Le riz.
Merci Alister... Maintenant une bonne nouvelle : il y aura peut-être du riz, mais vous serez le seul survivant (ou presque) et vous avez, en plus, le pouvoir de sauver 10 monuments de votre Panthéon personnel.

Voici les thèmes, à vous de désigner (et de commenter) les heureux élus !

1.      Le disque que vous souhaitez sauver ?

"Trust"- Elvis Costello... Cruel, romantique, ludique.

2.      Le film que vous souhaitez sauver ?

"Nous ne vieillirons pas ensemble" - Maurice Pialat. Cruel, romantique, drôle...

3.      Le livre que vous souhaitez sauver ?

"L'europe galante" - Paul Morand... Quintessence du style français.

4.      La bande dessinée que vous souhaitez sauver ?

"Idées noires" - Franquin... J'aime plus la BD. Souvenirs de jeunesse.

5.      L'homme que vous souhaitez sauver ?

Kaspar Hauser. Il a des choses à nous dire.

6.      La femme que vous souhaitez sauver ?

Bernadette Soubirous. Elle a des choses à nous dire.

7.      L'objet, le lieu ou le monument que vous souhaitez sauver ?

Le broyeur de documents.On ne sait jamais. Si finalement je suis pas si seul que ça.

8.      L'émission de télé que vous souhaitez sauver ?

La Minute Blonde. Parce que c'était la meilleure émission du 21ème siècle.

9.      Le plat que vous souhaitez sauver ?

Poulet Tikka. Parce que c'est bon.

10. Votre œuvre personnelle que vous souhaitez sauver ?

Poulet Tikka. Parce que c'est jamais pareil.

Merci Alister !

Nous transmettons votre liste à qui de droit…

Chronique de l'album : Aucun mal ne vous sera fait

 

 

Propos recueillis par Sébastien Mounié © Etat-critique.com - 01/06/2008

Aucun mal ne vous sera fait / Alister / (Barclay-2008)

 Aucun mal ne vous sera fait

Alister vient de sortir Aucun mal ne vous sera fait. Un premier album à ne pas manquer. De l’humour et une certaine désinvolture qui change du paysage actuel. Un regard décalé à découvrir sur fond de musique sixties. Faut y aller, c'est du tout bon !

 

L’ouverture de l’album annonce le style et le potentiel du chanteur. Alister est du genre à ne pas se prendre trop au sérieux. Une autodérision et un regard assez pessimiste en définitive sur la jeune génération. Entre leTanguy de Chatiliez et le looser, le djeune se cherche. Un coup d’œil goguenard et décalé qui cache une morosité de cœur, une amertume.

« Qu’est-ce qu’on va faire de toi » sent franchement le tube radio, avec une ritournelle qui reprend le titre ; le morceau, sur fond de chœurs masculins propose : « on va t’utiliser pour des crash-tests, on va te présenter à des derviches-tourneurs (… ) on va te dire les astres (… ) on va te saupoudrer de saccharine (...) On va t’occuper avec ton surmoi, on va t’aveugler avec ta libido, on va penser à toi avec des SMS, on va t’inoculer de l’allégresse, on va t’injecter de la graisse, on va te diviser en pixels(…) on va t’aimer sans fin, on va t’aimer sans fond »… La « romance nerveuse » d’une société de consommation où l’homme finit par se cannibaliser et ne plus savoir quoi faire de sa peau. De la psychologie curative pour neurasthénique !

Le ton est celui d’un pince-sans-rire désenchanté. « Est-ce que je suis normal ? » demande Alister dans « Fille à problème ». D’un côté, le texte, entre chanté et parlé, donne une pesanteur aux morceaux. De l’autre, les musiques, pêchues pour la plupart, donnent à l’ensemble une personnalité qui sort du lot. A l’écouter on pense aux débuts de Dutronc et à ses millions de chinois, au ton de Lou Reed. Incroyable. C'est possible en français ?

Deux styles. Le désabusé comique et le mélancolique.  Quand Alister prend le piano sur « Quelque chose dans mon verre », les notes reprennent tantôt des lignes mélodiques de Berger, tantôt une pop anglo-saxonne sur « Barnum ». Un spleen musical qui laisse passer des textes en avant plan, ce qui n’est pas pour déplaire. Baxter Dury et Craig Silvey l’ont accueilli à Londres, rien que ça. On comprend pourquoi  à l’écoute.

Alister sait mettre en réseau les mots. Les soupes de mots qui semblent balancés à la va-vite dans les textes jaillissent comme ceux bombardés par les médias. Posés les uns à côté des autres, la vacuité du réel amuse. Ces milliards de mots dont on nous rabat les oreilles…  Les pamplemousses de « Miami » sonnent juste. « Paris by night » parlera forcément aux noctambules ainsi que le réussi « Hier soir »... Les chœurs féminins et masculins ont un petit goût d’Initials BB. Ils s’envolent souvent derrière les textes. Le loner glamour sait visiblement agencer les mélodies dans une pop sixties. Grand bien nous fasse !

Allez donc acheter l’album, ne vous faites pas avoir par les apparences. Du jaune orangé sur voix grisaillée, ce n’est pas si courant. A suivre, vous l’avez compris. Alister promet et nous on en redemande.

 

Sébastien Mounié

Justice, Friedrich DURRENMATT

article_1199Un député zurichois, clairement coupable d’avoir tué un professeur universitaire, demande, de sa prison, à un jeune avocat de concevoir l’hypothèse de son innocence.
Quelle relation entre le pouvoir et la justice ? Et quelles implications sociales, si le questionnement se situait dans la riche, neutre et pacifique Suisse des années 50 ?

Un jeune avocat, Spät, raconte à la première personne, sous forme de rapport pour la police, son expérience, cette histoire d’injustice dans laquelle il a été piégé. Mais le ton de son écriture n’est pas sobre et objectif du tout. Le style est tourmenté, la chronologie des événements se confond, faits concrets et émotions personnelles se mélangent sans arrêt.

Spät est devenu un avocat trop souvent ivre. Désormais ses seules clientes sont des prostituées. Il passe ses journées dans des bars malfamés et s’engage à cacher les crimes de quelques petits délinquants.

La justice n’a déjà plus aucun sens pour lui, depuis que le député Isaak Kohler a réussi à sortir de prison et à partir dans un long voyage autour du monde, alors que son crime était si évident. Elle ne peut être rétablie qu’en commettant un deuxième homicide, celui du député, et un suicide, évidemment celui de Spät.

Justice est à la fois une réflexion métaphysique touchante et une intelligente critique sociale, un lourd jugement sur un pays presque jamais nommé directement et un récit passionnant.

Un roman qu’il faut redécouvrir à tout prix. L’incipit de l’histoire, en ligne sur le site de l’éditeur, ne pourra que vous pousser à vous procurer rapidement ce livre.

Gloria Morano

© Etat-critique.com - 29/04/2008

No country for old men, Joel et Ethan COEN

article_1089C'est un peu à la surprise générale que le dernier film des frères Coen est sorti vainqueur de la dernière cérémonie des Oscars. Cela valait bien une nouvelle critique sur ce polar qui laisse personne indifférent!

 
Le dernier film des frères Coen est une réflexion puissante et profonde sur l’attachement que le spectateur peut avoir pour des personnages ambigus et glissants. C’est un merveilleux exercice de style – un western moderne : le désert et des 4x4 terrifiants, presque monstrueux,  nous introduisent dans ce récit de poursuite de 2 heures – où les protagonistes dépassent tout cliché de bonté ou de méchanceté.

Bien sûr, Tommy Lee Jones joue le vieux et sage shérif méditatif et un peu moqueur, dont le calme presque flegmatique donne un ton épique au film. Bien sûr, Javier Bardem (dans le film Anton Chigurh), est effrayant dans sa cruelle logique muette et insaisissable. Et, pour finir, bien sûr, Kelly MacDonald (Carla Jean Moss dans la fiction) est tellement fragile et sans défense devant le destin de son mari (Josh Brolin alias Llewelyn Moss dans l’histoire)...

Seulement, tout cliché qui, dans un premier temps, pourrait nous paraître évident, presque banal, est, en fait, mis à mal, questionné silencieusement et sans arrêt par la force plastique que les frères Coen donnent aux corps et aux visages de leurs acteurs.

Mettons de côté le shérif. Chez les deux autres protagonistes masculins tout est fait de temps lents, mais déterminés, de mouvements réfléchis et précis, mais terriblement intimidants et surprénant pour le spectateur. Chacun suit sa logique, taciturne, comme dans la meilleure tradition du western, mais nous, nous nous y retrouvons pas, nous n’arrivons jamais à prévoir leurs actions, à comprendre leur cohérence, qui apparaît toujours à la fois perceptible et lointaine. Et aux spectateurs, il ne reste que leur regard, pour tenter de s’y retrouver d’une façon ou d’une autre, pour déchiffrer le sens de cette rationalité folle qui domine les actes de Anton Chigurh et de Llewelyn Moss.

L‘un incarne une sorte de diable aliéné et halluciné, dont la cruauté devient par moments amusante (nous sommes au centre du toujours savoureux jeu d’équilibre entre ironie et panique que les frères Coen mènent depuis désormais 20 ans). Ses yeux nous disent qu’il nous fera vivre le pire,  jusqu’au bout et que nous en rirons tout au long du film, mais en souffrant avec ses victimes.

L’autre fera tout ce qui est dans ses moyens pour ne pas devenir un héros gentil et sauveur, même si le spectateur n’a besoin que de ça pour sortir de son angoisse existentielle. Car, d’accord, la poursuite n’est qu’une question d’argent à récupérer, mais elle est, au fond, l’histoire de deux hommes qui vivent la même précarité physique faite de sang et de blessures et qui, peut-être, ne sont pas si à différents dans leurs obstination que l’on pourrait penser au début.

Tout le monde y trouvera son plaisir : le fanatique des rythmes soutenus où l’action domine et coupe le souffle, autant que l’aimant des plans méditatifs, des choix cinématographiques intelligents de deux cinéastes qui savent encore oser nous transmettre une pensée à travers les corps des acteurs.

Les deux aspects, l’action et le cinéma d’auteur, se conjuguent merveilleusement, se fondent dans une histoire troublante et drôle. Les images sur grand écran nous parlent de maîtrise et de volupté de la caméra.
Gloria Morano

© Etat-critique.com - 07/03/2008

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