Gone Girl

Réalisateur hors pair, David Fincher profite d'un polar domestique pour parler de la société et tous ses travers. Prétentieux certes mais très culotté!

David Fincher aime les pirouettes en tout genre. C’est sa façon d’envisager le cinéma : une brillante farce, une claque visuelle et des artifices sublimes. Un programme qui a fait ses preuves au fil du temps. Il est un visionnaire de notre époque, un type qui fait vraiment avancer les choses en matière de cinéma comme objet d’art et produit de consommation.

Il a trouvé la formule pour plaire au plus grand nombre mais aussi aux plus exigeants, aux intellectuels, à la presse comme aux nigauds. Depuis le troisième Alien, il a développé tout un univers graphique et narratif qui ressemble à un grand huit. On sait que l’on va être surpris lorsqu’on va voir un film de David Fincher. Le réalisateur est donc tout désigné pour le polar, le vrai, de Zodiac à Millenium. Désormais, Gone Girl vient compléter avec brio la filmographie policière de Fincher.

Adaptation du roman Les Apparences de Gillian Flynn, le film suivrait d’abord les traces du récent et excellent Prisoners avec sa description naturaliste d’un héros ordinaire pris dans une situation extraordinaire : une disparition. Nick, journaliste sans emploi et propriétaire dans un bar dans une ville usée par la crise, voit un beau jour sa femme disparaître. Très vite, il est suspecté. La vie du couple va être décortiquée par la police, les médias et les proches de Nick. Sa belle épouse reste introuvable…

Comme dans Prisoners, le décor happe le sordide et les douleurs existentiels mais Fincher est un grand virtuose et ne va pas se laisser aller à une simple enquête. Son film dérive doucement vers une satire plus que féroce sur la société devenue spectacle glauque et permanent.

La critique est facile mais parfaitement mise en scène, intégrant les doutes du héros, monsieur tout le monde, médiocre et peu subtile (Ben Affleck fait don de sa personne pour interpréter un néo beauf finalement). Les scènes se suivent et remettent constamment en question ce qu’il s’est passé dans la précédente. Misogyne ou féministe, le film dérange. Sa froideur cache des secrets inavouables et souvent osés pour un film de studio.

En permanence, Fincher interroge le spectateur, décalant la moralité d’un personnage à un autre. Pour une flic intègre, le film multiplie des portraits ambigus et peu rassurants. Il démonte la société et surtout donne une vision plus que noire du mariage, institution ultime, valeur refuge, slogan des conservateurs de tout poil et  de tout pays.

Le polar est lent mais Fincher en profite pour mettre plein de choses dedans. Cela ne méritait pas deux heures trente de métrage. On se demande si le réalisateur de Seven ne tente pas l’exercice du film somme mais il passionne toujours et encore avec son actrice merveilleuse, Rosamund Pike, son envie d’en découdre avec la production actuelle. En franc tireur, il fait de Gone Girl, une vraie bombe !

Avec Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil Patrick Harris et Tyler Perry – 20th century fox – 8 octobre 2014 – 2h30

Ce nuage à coté de toi

Voici un livre étonnant et magnifique, un texte empreint de poésie et d’élégance. Une rareté dans cette période morne et sans surprise de rentrée littéraire.

Florence Vanoli est poète et performeuse. Rien à voir avec tous les pseudo écrivains qu’on parcourt plutôt qu’on ne lit d’année en année, de mois de septembre en mois de janvier.

Ici, c’est une voix qu’on découvre, un souffle qui nous fait frissonner. Poème, texte à dire, à lire, à écouter, à toucher, le souffle coupé, Ce nuage à côté de toi surprend. Au premier abord, les mots d’amour, mêlés aux murmures de rupture, étonnent, appellent. Nous hèlent. Il faut y revenir, les lire et les relire.

Tant il semble que l’auteure prenne le langage à contrepieds, désarmant les vérités pour mieux s’interroger. « Je croyais qu’il était possible d’aimer sans être aimé », dit-elle, comme une évidence qui donne à réfléchir. Les phrases posées sur le papier, les mots brutalement jetés, tout cet ensemble cohérent et sensible atteint toujours sa cible. Mots à deux, maux ou jeux, l’homme et la femme ici dialoguent de façon crue, amour à nu : « pourquoi aurais-je refusé ton désastre ? » interroge l’un. Désastre… Le mot est présent partout, presque en toile de fond. Et pourtant, la sensualité, le désir cru ont souvent raison ici du sombre et du constat.

Certes, « on te brûlerait vivant que tu douterais encore de ton existence », affirme l’un des amoureux. Mais la douceur affleure : « j’habite ce nuage à côté de toi », murmure l’une des deux voix. Un murmure que l’on a envie d’écouter, raconté sur une scène. En le respirant. Les yeux fermés.

Editions Moires - 70 pages

 

L’une et l’autre

Rencontre en mots et en musique de l’écrivain Delphine de Vigan avec la chanteuse La Grande Sophie. Instant de poésie à l’état pur au Festival Madame Lune.

Avec leurs silhouettes modernes de noir vêtues, on les a prénommées « les Thelma et Louise de la lecture musicale»! La brune et la blonde nous ont offert un concert d’une inestimable beauté.

Delphine de Vigan a publié 6 romans, La Grande Sophie, 6 albums. Création à deux voix, L’une et l’autre réunit ces deux artistes au large succès. Elles plongent toutes deux leur plume dans ce qui fait vibrer l’humanité, manient les mots avec grâce. Une admiration réciproque et une estime mutuelle a donné vie au projet audacieux de les réunir.

Sur scène leurs voix se mêlent, leurs mots se répondent. Elles savent chercher au plus profond d’elles-mêmes ce qui les anime, les touche, les blesse. Elles nous livrent avec une sensibilité extrême le cœur de leurs pensées, leurs histoires et leurs déboires.

En concert guitare voix, La Grande Sophie reprend certains de ses titres cultes et invite même parfois Delphine à la suivre. La version acoustique de Quelqu’un d’autre et On savait donne des frissons. On rêve de leur enregistrement studio à venir…

On s’est senti tellement privilégié ce soir là d’assister à leur concert qu’on souhaite à bien d’autres ce même plaisir.

Notre festival: Junior Senior

We go Home

« Fils de », Adam Cohen fait de la musique folk, comme son papa. Et alors ?

Le calendrier des sorties réunit parfois les familles. Le vénérable Leonard Cohen sort un tout nouvel album et son fiston aussi. Inutile de dire que c’est le papa qui va intéresser toutes les presses du monde entier donc nous, nous allons mettre en avant le fils, Adam Cohen, qui sort son quatrième disque, intimiste et folk.

Il se débrouille très bien d’ailleurs. Le succès fut tardif pour cet auteur de 42 ans. Après deux premiers essais, Adam Cohen prenait sa retraite  musicale en 2007. Son père aussi à l’époque était bien silencieux, caché dans son couvent bouddhiste. Mais visiblement, cette période de disette fut bénéfique pour toute la famille.

Le père remplit désormais Bercy en un clin d’œil et Adam Cohen revient avec un album qui fonctionne très bien au Canada. Like a man en 2012 fut un carton. Ce nouvel album, We go Home, fut réalisé dans les maisons de son enfance : il en sort une vraie authenticité qui fait effectivement le sel de la musique folk.

Désormais, Adam assume l’héritage de Léonard. La filiation, il la montre pleinement et l’évacue sans stress, sans excuse, avec l’envie d’un solide artisan qui semble fier de son boulot. Ce n’est pas très original mais assez accessible et plutôt sensible.

Il n’évite pas les clichés. Il les embrasse. La voix est éraillée mais porte le poids des années. L’expérience fait maintenant la différence. Acoustique, le disque n’empêche pas un certain lyrisme et un élan militant. Il n’a pas le génie du grand Léonard, mais il a le talent et l’intelligence. Tel père, tel fils.

2014 – Cooking Vynil

« Le journal du hard »

Oui, la rédaction d’Etat-Critique.com est elle aussi composée de pères et de mères de famille qui n’échappent pas à la nécessaire, et néanmoins douloureuse, explosion du compte bancaire de la fin d’année approchante, de par des demandes de plus en plus exigeantes de leurs bambins, de leurs ados, voire même, pour certains, de leurs jeunes adultes «progéniturés » 25 ans avant.

Les hommes et les femmes d’Etat-critique.com se sont donc réunis pour me confier une mission : deux mois environ avant l’escalade financière de l’achat des cadeaux de Noël, réaliser une chronique qui, une fois le titre mis en avant sur les réseaux sociaux ou dans mon humble rubrique « Vu à la TV » sur notre site, saupoudrée de mots clés hastagués comme un bourin #sex #bigboobs #merciquimercijackieetmichel #tulaveuxdanstoncuculvieillechamelleenchaleur, pourrait nous permettre de faire gonfler l’audience, d’amasser du lecteur, de truster de la recette publicitaire, en un mot comme en cent, nous rapporter un max de tunes afin de garnir nos portefeuilles et ainsi nous permettre d’appréhender la fin d’année tranquille, sans avoir peur du lendemain !

Afin de remplir cette mission, seuls quelques thèmes de chroniques pouvaient faire l’affaire : le cul, le sexe, la kékette, les fesses et un titre phare du type façon l’Express en manque de lecteurs : « Cul, sexe, nichons ? Où en sont les français ? »… Eh oui, seul un enchevêtrement de ce type pouvait faire grimper l’audimat !

Ne déviant pas néanmoins de ma ligne éditoriale « Vu à la TV », j’ai donc choisi de mettre en avant le « Journal du Hard », émission symbolique et fantasmagorique s’il en est, dont le titre évoque à tous un embrasement de turlutte, de foufoune, de zézette et autres « ooohhhhhh oui mets moi la toute John-Francissssss !!!! ».

Bien sûr, exposer un tel titre n’est pas sans risque de déception et de frustration. Quelques exemples de brebis égarées qui liraient cette chronique de par une mauvaise orientation googleésque :

- Les vieux fans de Metallica ou d’Iron Maïden qui pensaient atterrir sur une nouvelle chronique hebdomadaire consacrée aux guitares saturées, aux voies rauques et aux cheveux longs et gras.

- Les ados aux pantalons déjà déboutonnés prêts à faire feu la teub à l’air le mouchoir dans la poche devant l’ordinateur familial, un samedi soir de pluie, quand la famille est partie diner et dormir chez mamie, mais que ce petit con a paumé le code parental de l’abonnement à Canal+ et que, du coup, seul internet peut soulager son surplus boursier.

- Les fans de Philippe Vandel, ayant depuis trouvés l’âme sœur, mais qui sont persuadés que le monsieur des « Pourquoi ? » anime encore ladite émission consacrée à l’époque aux princesses hardeuses tel que Julia Channel ou Tabatha Cash !

- Et plus simplement, une bien belle et grosse tribu de mecs chauds comme la braise, qui n’ont plus Canal+, parce que c’était soit l’abonnement à BeinSport, soit Canal, et que les deux, et bah ça fait cher, donc du coup, ils ont 4 fois plus de foot mais 2 fois moins de cul ! Entre baballe et shorts et bouboules et shortys, il faut choisir !

Voilà, voilà, si vous en êtes arrivés là au niveau lecture de ma chronique, je vous dois bien, néanmoins, quelques éléments sur ladite émission, histoire, chers métalleux, mecs chauds, ados boutonneux et fans de Philippe Vandel, que vous ne repartiez pas complètement brecouilles.

En ce sens, sachez que le Journal du Hard a 23 ans, et oui, ça pousse, c’est comme les poils. Qu’il est aujourd’hui animé par l’énigmatique Sébastien Thoen, qui ressemble comme deux couilles d’eau à mon Arnaud, après avoir été animé par une jeune femme nommée Donia Eden, ça ne s’invente pas, plus nom de salope tu meurs, que perso je ne connais pas mais nul doute qu’elle doit être méga bonne (ça fait toujours bien de dire que t’es un mec pas comme les autres).

Que l’émission est toujours diffusée le 1er samedi du mois, sorte de mise en bouche, si j’ose dire, du traditionnel film de boules, autrement dit –chers ados- une sorte de warm-up de la branlette, le moment où faut pas trop forcer sur la nouille sinon vous aurez plus de place pour la suite et le grand film !

Que la ligne éditoriale semble être toujours sensiblement la même : du « ooooooo ouiiiii », du « heinnnn t’aime çaaaaa hein», du « bonjour madame, je viens pour réparer la machine à laver », du gros, du petit, du moyen nichon mais aussi de la kékette tellement géante que quand tu regardes la tienne quand t’as 14 ans, tu te dis « et merde en fait j’suis handicapé »…et que du coup, écœuré…bah tu vas te coucher !

Merci d’avoir lu cette chronique, bande de pervers, Etat-Critique.com vous remercie chaleureusement d’avoir pensé à nous, à votre bon cul, euh…cœur !

Et comme dirait Canal+ : at tchi ka…(et merde, j’ai paumé le code parental…pfffff….)

Camille, Camille, Camille, Sophie Jabès, Lucernaire

camille

Camille, Camille, Camille, trois comédiennes pour une femme unique

Comme s’il fallait trois actrices pour représenter une personnalité aussi plurielle que celle de Camille Claudel. Comme si elle avait traversé trop de questionnements et d’épreuves pour être jouée par une seule personne. Comme si le théâtre ne pouvait égaler ni même rivaliser avec la réalité. Elles sont trois. Trois Camille Claudel, chacune sur une parcelle délimitée de la scène. Chacune cantonnée à un seul âge, une seule période de la vie de l’artiste.

La première, la plus jeune, est partagée entre la soif de reconnaissance en tant qu’artiste, femme qui plus est, et l’admiration qu’elle voue à son maître Auguste Rodin, dont le talent est partout reconnu et qui joue de séduction avec elle.

La deuxième perd déjà pied. Elle a succombé aux charmes de Rodin, puis a souffert son abandon, son indifférence et, peu à peu, à force de ruminer sa rancœur et son amertume, persuadée d’avoir gâché son talent pour un mensonge amoureux, elle sombre dans des délires paranoïaques.

La troisième est internée depuis 20 ans. Elle crie cette injustice, son malheur, mais c’est avec calme et beaucoup de recul qu’elle revisite les épreuves qu’elle a traversées. Terribles dilemmes d’être artiste, talentueuse et femme, à l’ombre d’une célébrité, d’un génie, dans une société encore trop masculine.

On ne se lassera jamais d’adaptations de la vie de Camille Claudel tellement celle-ci est complexe, passionnante, historique. De Camille, Camille, Camille, on retiendra surtout la force et l’autorité de Clémentine Yelnik et l’émotion contagieuse de Vanessa Fonte, qui par leurs interprétations, permettent de s’approcher un peu plus de l’immense sculptrice.

 

jusqu’au 22 novembre 2014

Au Théâtre du Lucernaire

Texte Sophie Jabès

Mise en scène Marie Montegani

Avec Nathalie Boutefeu, Vanessa Fonte et Clémentine Yelnik

Plain Spoken

Naturaliste du rock, John Mellencamp était avant un cougar qui rugissait. Il se plait désormais dans la peau d’un vieux lion assagi redécouvrant les racines de la musique américaine.

John Cougar Mellencamp. Il fallait oser à l’époque ! Avec un tel nom, on vous attendait certainement au tournant. Surtout lorsque vous chassez en plus sur le territoire du Boss, Bruce Springsteen. Longtemps, John Cougar Mellencamp ressemblait à un ersatz du chanteur du New Jersey. Même style. Même élan. Et parfois même succès (sur le territoire américain essentiellement).

Les années passent. Le Cougar disparaît et l’homme se cache de moins en moins derrière ses chansons populaires et entêtantes. Mellencamp devient de plus en plus intéressant au fil des années. La maladie le rattrape et le ressuscité revient depuis quelques années avec des albums résolument vintage, confiés à T Love Burnett, spécialiste de l’americana, ce style qui revisite les racines du rock, les plus profondes.

Quatre ans après l’excellent et intimiste No Better than This, le chanteur revient à un rock plus proche de ce qu’il faisait avant même si les guitares ont conservé une nonchalance un peu rétro. Mellencamp est moins excité : il sait ce qu’il doit faire. Il aime ses ritournelles qui parlent des problèmes d’aujourd’hui. Comme Springsteen, il scrute son époque avec une énergie, un peu émoussée, mais qui s’entend encore dans ce 20e album.

Plain Spoken appartient à cette catégorie de disque qui mélange acte militant, rock réel et poésie typiquement américaine, entre description de la réalité et beauté de l’espoir américain. Ca peut être mal compris mais Mellencamp fait du patriotisme, un objet honnête et beaucoup moins grotesque que les politiciens.

Sa musique est pour nous exotique. C’est ce qui fait le charme de ce vieux lion qui aimerait encore rugir longtemps !

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