Second Nature

Voilà le genre d'album qui défie toute autorité, toute responsabilité commerciale, toute tentative de cohérence contemporaine. Un ex de Deep Purple s'associe à un ex de Dream Theater pour composer de la musique comme on n'en fait plus.

Un rock lyrique qui ne déplairait pas du tout à Queen. Un rock acrobatique qui fait les beaux jours de Muse, qui a remasterisé le style. Un rock qui veut nous raconter des grandes histoires à coups de rythmiques balèzes et de solos de guitare épiques.

Le fameux rock prog est de nouveau à la mode. Est ce l'actualité déprimante qui pousse  le retour de cette musique littéraire qui ne fait jamais dans la demi mesure et qui recherche à chaque accord une immersion totale dans un univers musical haut en couleurs? En tout cas, le genre est bien de retour.

Donc cela commence par une longue plage de 12 minutes avec assauts en tout genre. La particularité du groupe c'est une intrusion réelle et jamais désagréable d'une pop assumée. Ce qui est assez rare pour être souligné. Cela apporte une certaine légèreté qui sauve l'ensemble du démonstratif!

Le disque se concluera sur un Cosmic Symphony qui évidemment va exploser sur plus de dix minutes. Entre ces deux gros morceaux de musique, il y a des efficaces chansons qui vont faire secouer la tête des amateurs et les geeks de tout poil. Les musiciens s'amusent beaucoup et cela s'entend. La voix n'est pas du tout agressive. Elle apporte vraiment quelque chose au genre. Les zicos aiguisent leurs envies et tentent des choses assez impressionnantes.

Quelques touches jazzy donnent un peu de liberté et ce second effort échappe aux conventions et se révèle totalement abordable! Avec son immonde pochette et ses attitudes dignes des premiers Genesis, ce groupe est vraiment atypique et mérite une oreille attentive!

Mascot - 2014

Meurtres pour mémoire

Ecrit en 1983, Meurtres pour mémoire est un des premiers polars de Didier Daeninckx à connaître absolument pour comprendre la suite de son œuvre, parfois polémique, mais ô combien indispensable pour rester en éveil.

Prix de la grande littérature policière et Prix Paul Vaillant-Couturier en 1984, Meurtres pour Mémoire est un polar historique qui frappe là où ça fait mal. Si le devoir de mémoire est aujourd’hui une reconnaissance morale institutionnalisée, en 1983, quand Daeninckx écrit ce roman, la raison d’état pèse encore lourd dans les affaires politiques.  Le procès de Papon, préfet en 1961 et condamné en 1998 pour complicité de crime contre l’humanité est encore loin…

En 2010, ce classique de la littérature policière fait encore mal et reste malheureusement d’actualité pour de nombreux passages que nous citerons plus bas… Un constat affligeant qui montre que le style sobre mais mordant de Daeninckx prend naissance dans une fresque réaliste de la société française qui en 27 ans recycle ses échecs sociologiques.

Le roman de Daeninckx prend comme point de départ les événements d’octobre 1961. Le 17 octobre 1961, sous l’égide du FLN, des milliers d’algériens organisent une manifestation qui finira dans un bain de sang. Le droit d’expression pacifique contre un couvre-feu uniquement imposé aux Nord-Africains est ponctué de massacres dans une psychose générale du corps policier. Des CRS basculent dans la vengeance. En 1983, Daeninckx écrit 48 morts, les historiens actuels parlent de plusieurs centaines…

Dans cette description apocalyptique du 17 octobre, Daeninckx crée un personnage, Roger Thiraud. Celui-ci se fait assassiner alors qu’il observe les événements, un bouquet de mimosas à la main. Son meurtre est ajouté à la liste des morts, sans autopsie malgré une balle dans la tête. Historien originaire de Drancy, il n’a pourtant aucun rapport avec les événements de 61. Sa femme, enceinte du petit Bernard, ne le verra jamais revenir chez elle et demeurera assommée par cet événement durant une vingtaine d’année. La naissance de son fils ne la guérira pas de ce trauma.

20 ans plus tard, alors que Bernard reprend le flambeau de son père en poursuivant partiellement ses recherches historiques, celui-ci est assassiné dans les ruelles de Toulouse. Une enquête est ouverte, l’Inspecteur Cadin est né. Découvrant le lien entre les deux assassinats, Cadin décide alors d’enquêter sur cette famille et sur les événements d’octobre 61…

L’enquête progressera et fera émerger du passé de nouveaux liens historiques entre le camp de concentration de Drancy aux portes de Paris, les Thiraud et les autorités politiques des années 80… Une flèche littéraire décochée vers le corps politique français qui a su recycler ses hauts-fonctionnaires de la collaboration. Papon condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l’humanité et impliqué dans les événements de 1961 entre au gouvernement de Raymond Barre de 1978 à 1981…

Ce polar politique et historique est une réussite. Le suspens est généré par le secret et la chape de plomb qui règnent sur la raison d’état plus que par l’articulation déductive de Cadin qui fouille et permet par ses rencontres, de dresser un paysage sociologique effrayant. Daeninckx, à travers un Cadin narrateur, écrit un joli pamphlet contre l’inhumanité du pouvoir qui place ses intérêts personnels au-dessus de ceux de la démocratie. Un petit air de musique sur les inégalités sociales qui sonne étrangement juste en ce mois de juillet 2010 où se joue un feuilleton politico-financier indécent au sommet du pouvoir…

A lire. Daeninckx ouvre son livre avec une phrase clef en épigraphe : "En oubliant son passé, on se condamne à le revivre."

Les passages de 1983 qui font mal à notre époque :

Claudine s’adressant à l’Inspecteur Cadin :

« Les brebis galeuses sont maintenant ceux qui logent dans les grands ensembles, en lointaine banlieue. Les Minguettes, les « 4000 ». Les immigrés ont remplacé les romanichels, les jeunes chômeurs ont pris la place des biffins. (…) Certains avaient intérêt à donner une image négative du peuple de la zone. Ils ont utilisé le phénomène de rejet pour les chasser de la périphérie immédiate de la ville. Ca continue avec l’utilisation actuelle du thème de l’insécurité. On tente d’assimiler les couches sociales les plus durement frappées par la crise, à des groupes présentant des dangers pour le reste de la société. Un véritable tour de passe-passe ! Les victimes sont transformées en épouvantails. Et ça marche ! La grand-mère la mieux attentionnée serre son sac à main sur son ventre dès qu’elle croise un garçon aux cheveux un peu trop bouclés ! Rien que cette peur permet de légitimer, par avance, les mesures prises à l’encontre de ces gens. »(…) Allez donc consulter les registres de police du temps des fortifications. Le travail de vos ancêtres, en quelque sorte ! Les crimes de sang étaient extrêmement rares. Les délits les plus courants consistaient en des escroqueries minables, des vols d’aliments, des scènes de ménage. Pourtant, la grande majorité des rubriques de faits divers ruissellent de sang. Un bon filon pour vendre du papier ! On peut passer au kiosque et acheter certains journaux, on ferait la même constatation : assassins, sadiques, violeurs, tous les sales rôles sont tenus par des ouvriers des miséreux. Jamais de notables… Quand on parle de médecins, d’avocats, de chefs d’entreprises, c’est en rubrique « société ». On fait preuve de pudeur, alors que les sommes en jeu dans les affaires de fraude, de fausses factures, de détournements de fonds sont dix fois supérieures au total de tous les hold-up de France et de Navarre.  (…) Vous courez uniquement après les plus petits et vous laissez les gros se repaître tranquillement…(…) Le système se protège efficacement… »

215 pages Folio

La Tempête, William Shakespeare, Vingtième Théâtre

tempeteA NE MANQUER SOUS AUCUN PRÉTEXTE !

Voici un vrai, un excellent spectacle populaire. On verrait bien certaines scènes transposées sur des tréteaux de foire, dans quelque festival de rue. Pour le reste, les effets spéciaux, la scénographie, la création lumière (harmonie de gris et de noir), s'accordent très bien au Vingtième théâtre. (suite…)

Notre festoche d’animation: Kanye West

Goodbye Lyzelle

Voilà un homme qui a du cœur. Leader des géniaux Jayhawks, gardien du style Americana, frondeur constant et aimable, Mark Olson sort après 30 ans de carrière son troisième album solo. Pour ceux qui ne connaissent pas cet artiste, on pourrait oser la comparaison avec Lennon ou McCartney, version country.

Au début des années 90, avec les Jayhawks, Olson donne un bon coup de pied dans la folk music et la country en électrisant les genres avec de sacrés bons albums américains dans le bon sens du terme. A l’intérieur du groupe, Olson trouve son meilleur ennemi, Gary Louris. Ils se bagarrent à coups d’albums et de projets de groupes alternatifs. En 2008, ils enterrent la hache de guerre avec un album en commun.

Comme Lennon, il fait désormais des albums avec sa femme, Lyzelle. C’est la mode en ce moment chez les chanteurs guitaristes. Ben Harper a composé un très joli disque avec sa maman ; Mark Olson partage son micro avec son épouse.

Cela donne un disque bricolé où ils se répondent avec douceur. Un peu plus, l’artiste glisse vers de la folk assez dépouillée. C’est très agréable car il y a un aspect authentique mais il y a un peu trop d’inconséquence dans l’orchestration pour que l’on soit attentif aux roucoulements artisanaux d’Olson et sa bien-aimée.

Mais le bonhomme a du cœur et on lui passe ses petits errements de production. La simplicité a aussi des vertus qu’il aimerait découvrir. Tout ceci est très mignon : une promenade amoureuse dans les bois où l’on se prend à rêver d’une innocence perdue et d’un amour éternel.

Glitterhouse records - 2014

L’invitation

 L'été permet beaucoup de choses et notamment de lire des BDs qu'on avait loupé lors de leur sortie. En effet, la trève des confiseurs se produit au mois d'août pour les libraires de BD. Alors avec un été pourri tel que nous l'avons connu et des vacances de toute façon raccourcies du fait du changement  de job, ben il ne reste qu'à flâner entre les rayons à la recherche du truc qu'on aurait manqué. Ce fut mon cas cet été avec l'album de Jim et Mermoux "L'invitation" (Editions Vents d'Ouest 152 pages).

Cette invitation c'est d'abord l'esprit de Jim qui trouve toujours des développements à ses histoires personnelles. En effet, le scénariste nous confie en fin d'album que tout est parti d'une illumination en fin de soirée à quelques kilomètres de Montpellier.

L'auteur dine dans un trou perdu, mais voilà que reprenant la route la voiture ne démarre pas. Il appelle un premier pote qui bredouille une excuse bidon. Jim se rend compte qu'il n'a pas envie de venir perdre sa soirée. Il joint ensuite une copine qui malgré le fait qu'elle soit déjà couchée n'hésite pas une seconde à venir dépanner son ami.

De là nait l'intrigue: Si demain je me mets dans la même situation pour éprouver la sincérité de mes copains, qui se déplacera? Chacun est en droit de se poser cette question. Est-il nécessaire de passer à l'acte? Si oui, quelles en seraient les conséquences une fois vos potes débarqués au milieu de nulle part s'apercevant que vous n'êtes pas du tout dans les emmerdes. Et puis, que penser de ceux qui ne sont pas venus?

Je vous laisse le soin de savoir d'abord si vous seriez capable d'avoir le désir d'éprouver de la sorte l'amitié de vos potes; ensuite, ce qui est plus intéressant à mon sens, de savoir si vous seriez capable de vous lever à point d'heure afin d'aller aider un ami qui vous dit qu'il a besoin de vous...

 La conclusion de Jim est plutôt sympa, les rebondissements sont nombreux servis par un dessin qui n'est pas a tombé par terre mais qui accompagne correctement cette histoire de potes. Vous avez 150 pages pour découvrir où tout cela peut mener. Je vous laisse avec cette Invitation, personnellement je n'ai pas été appelé...

Vents d'Ouest - 152 pages

Notre festoche: QOTSA

« Le Roi Lear » , Wu Hsing-Kuo , 50 ans du Théâtre du Soleil‏

La troupe du Théâtre du Soleil, dirigée par Ariane Mnouchkine, fête ses 50 premières années ! Des temps forts et festifs viendront ponctuer cet anniversaire tout au long de la saison.

Fondée le 29 mai 1964, la compagnie est installée dans le cadre bucolique de la Cartoucherie de Vincennes depuis 1970. Le Théâtre du Soleil c'est à la fois un lieu de création (y compris de textes, musiques, de scénographies, de masques...) et une troupe (une société coopérative de production - S.C.O.P.) dirigée par Ariane Mnouchkine, qui créé donc collectivement des spectacles vivants ("1789", "1793", "les Atrides", "Tambours sur la digue", "les Ephémères"...) et des films ("1789", "Molière"...). L'ambition de la compagnie peut se résumer ainsi: faire vivre et partager un théâtre populaire.
Cette saison-anniversaire sera marquée par un hommage à l'Orient (large source d'inspiration) et aux grands Maîtres qui ont marqué la troupe.

Premier invité: l'artiste taïwanais Wu Hsing-Kuo, un performer exceptionnel qui interprète seul en scène "Le Roi Lear" de Shakespeare. Wu Hsing-Kuo souhaitait amener à l'Opéra traditionnel chinois (qui mêle chant, déclamation, performance et acrobatie) un public plus jeune. Depuis 1986, il a adapté des grands classiques occidentaux (Shakespeare, Euripide, Eschyle...) et des grands classiques de l'Opéra de Pékin et a diffusé ces formes nouvelles lors de nombreux festivals à travers le monde.
Le Théâtre du Soleil n'édite pas de programme de saison; et d'ailleurs, certains temps forts de cette saison sont en cours d'organisation. Pour sûr, on annonce pour bientôt une nuit du "Kathakali"...
A partir du 8 octobre, la troupe reprend sa création de "Macbeth" de Shakespeare qui a déjà accueilli la saison passée plus de 30 000 spectateurs.
Et jusqu'au 19 octobre, le Théâtre du Soleil s'associe au très beau Théâtre de l'Epée de bois voisin (situé également dans la Cartoucherie du bois de Vincennes) et présente: "Les Egarés du Chaco", un spectacle de la compagnie Dorénavant (Jean-Paul Wenzel - Arlette Namiand) avec des acteurs boliviens (compagnie AMASSUNU): une adaptation de la pièce "Lagune H3" de l'auteur franco-bolivien Costa du Rels:

"La force de cette écriture, c’est que l’auteur donne à voir la réalité de ces hommes errant dans la jungle aux prises avec la faim, la soif, la peur, l’épuisement, les fièvres, une petite communauté d’hommes où la hiérarchie sociale, militaire, les ambitions, le pouvoir, les trahisons, la solidarité, le cynisme, l’espoir, le désespoir, le rire et les pulsions de violence, redéfinissent à chaque pas, à chaque souffle, les lignes de force et de fuite. Dans le même temps, Adolfo Costa du Rels nous ouvre un monde fantastique, peuplé d’ombres mouvantes, de lueurs dans les fourrés, habité de présences diaboliques ou féériques, un univers qui nourrit la peur et l’angoisse des hommes comme leur capacité de rêve, leur imaginaire, leur puissance de survie." (Arlette Namiand)

La Cartoucherie, c'est dans le bois de Vincennes, Route du champ de manœuvre, 75012 Paris; une navette gratuite vous y amène depuis l'arrêt "Château de Vincennes" de la ligne 1 du métro.
"Le Roi Lear" c'était les 26, 27 et 28 septembre au Théâtre du Soleil;
"Macbeth" c'est à partir du 8 octobre au Théâtre du Soleil;
"Les Egarés du Chaco" c'est jusqu'au 19 octobre au Théâtre de l'Epée de Bois

This is All Yours

Lauréat du prix Mercury, valeur la plus sûre de la musique, Alt-J remet son titre en jeu avec un nouvel album, aussi riche que le précédent. Il n’y a plus la surprise mais le plaisir subsiste.

Leur nom a beau faire référence à un raccourci (de claviers), le groupe Alt-J n’a pas peur des croisements vertigineux entre styles, sons ou voix. L’ambiance de leur premier disque est un alliage bizarroïde, bariolé et très actuel. Les hipsters, les bobos ou les modernes ne peuvent que s’extasier devant ce  trio, ex-quatuor indéfinissable qui a ouvert ses oreilles à toutes les musiques.

C’est donc sur un magma sonore que débute le disque, une intro spectaculaire, un découpage d’influences, où l’équilibre se remarque déjà. Puis un piano prend la relève pour que les chansons se succèdent dans une belle harmonie.

Là encore, l’ombre de Radiohead plane car le groupe conjugue expérimentations avec mélancolie et douces sensations. Les voix sont incroyablement travaillées. Presque trop. Comme leurs aînés, ca tourne un peu à la démonstration.

Mais il y a aussi la volonté de faire un peu de rock dans tout cela. Il y a même un très sixties Left Hand Free qui donne le frisson. Le disque précédent jouait sur la corde électro. Ici, les membres s’affirment un peu plus. Le succès du premier essai les pousse à sortir des habitudes et s’affirmer un peu plus. Il y a des accents psychés. Le confort financier leur permet de tester des idées parfois assez dingues. Vous n’avez pas encore entendu qu’ils mélangeaient du Miley Cyrus avec du Alfred de Musset ?

Le disque est agréable, alterne excitation et calme. Il souffre peut être d’un coté répétitif mais le trio fait le boulot, surmonte l’épreuve du second album. Ils en font peut être un peu trop mais ils offrent un album passionnant, où l’on se perd pour mieux découvrir toutes ses nuances.

2014 - Infectious records

Festival d’animation à nous: Money for nothing

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