L’île du Point Nemo

Ce livre est une fusion bizarre entre deux univers qui, en apparence, n'ont rien à voir. D'un coté, il y a une aventure qui ferait plaisir à Jules Verne où des aventuriers courent après un diamant volé dans des contrées mystérieuses, aidés par des machines volantes qui feraient plaisir à Diabolo et Satanas.

Cette référence est un peu trivial car l'autre histoire est beaucoup moins exotique, terre à terre, contemporaine. Le quotidien d'une usine dans le Périgord, dirigé par un chinois libidineux et amateur de colombes. L'alliage entre les deux déconcerte grandement. L'équilibre est précaire et l'idée première du romancier et professeur, Jean Marie Blas de Robles, est assez loufoque.

Car les deux époques se répondent assez tardivement. Ce qu'on lit, c'est une défense ardente de la fiction, du livre et de la passion. Mais les sauts temporels sont parfois un peu trop ardus pour les lecteurs. D'un coté, on se plaît à suivre des dandys dans une folle course poursuite à travers les continents. De l'autre, on découvre un constat sans appel, un peu saccadé et stéréotypé du monde actuel où la mondialisation mécanise même les sentiments et les envies (même sexuelles).

L'auteur ne manque pas de fougue. Son projet est quasi fantasmagorique, développant des histoires et des personnages avec une énergie incroyable. Elle est à la hauteur de son ambition. Mais la dualité du récit nous empêche d'adhérer totalement aux deux univers décrits, avec un entrain incroyable et très surprenant dans ces temps de réalisme pesant et de nombrilisme franchouillard.

Cela reste bancal malgré des qualités omniprésentes. L'île du Point Némo est le livre qu'on aurait voulu aimer. Mais si vous partez sur une île deserte, il peut par sa richesse, être un bon compagnon.

Workship the sun

Encore un groupe d’inadaptés qui semblent exister uniquement dans les années 60 et ses lumineuses utopies. Encore un bon disque qui tient chaud !

Depuis que les portes de la perception a été ouverte par Morrison et tous les aventuriers du LSD, une faille spatio temporelle existe réellement pour certains musiciens qui brûlent d’idées sous le soleil de la Californie.

On le sait depuis le film Dig, avec l’exemple du Brian Jonestown Massacre :  le son vintage est un piège dangereux où le génie se confond avec la douleur créatrice, où les obsessions des harmonies peuvent mener à la folie et à la destruction. Il y a bien de la douce folie chez les Allah-Las, groupe de disquaires de Los Angeles.

Ceux là sont peut être un peu moins toxicomanes que certains groupes locaux, défenseurs d’un rock psyché : ils sont certainement mélomanes. Leur second effort est très bien réalisé, les musiciens fabriquent une imitation parfaite des héros des années 60. Musicalement c’est coloré, chaleureux et sucré.

C’est un disque qui donne l’envie d’aller au bord de la plage et s’essayer au surf. C’est un album qui vous envoie sur une planète cool, relax, détendu, sans problème et sans guerre. C’est une pop clinquante, ripolinée et rétro. C’est une succession d’hymnes à la fraternité et la beauté, galopants et soyeux.

Vous marchez dans le sable, vous écoutez de douces voix qui s’inspirent des Beach Boys et de Love, vous bronzez grâce à une musique où les instruments claquent et sont tout en écho. Ce n’est pas subtil. La formule est connue mais elle est si agréable. Les Californiens rêvent encore et ca fait plaisir à entendre. Le terme West Coast n’appartient plus au rap : il définit très bien le style des Allah-Las.

Because Music - 2014

HETERO / Denis Lachaud / Théâtre du Rond-Point

hetero

 

Une pièce d'une drôlerie remarquable

 

Le plateau aurait pu être celui d'un vaudeville. Un intérieur bourgeois blanchâtre avec une porte principale et des fenêtres comme seules issues vers le monde extérieur. Un décalage scénographique qui donne à la fois une modernité et un reflet du théâtre traditionnel bourgeois. Un aller-retour entre le fil du passé, l'héritage, la mémoire et une contemporanéité de la transgression. Le monde des couleurs est à l'extérieur. Des couleurs qui cherchent à envahir progressivement l'espace scénique.

 

Hetero agrandit à la loupe les travers du modèle familial bourgeois, le poids de la pression sociale qui fabrique et finit par écraser l'identité et la liberté de l'homme moderne. Une stratégie dramaturgique de l'absurde: inventer un monde uniquement peuplé d'hommes. Le Fils a deux papas. L'un des deux l'a enfanté. L'autre est le chef de famille. Le système patriarcal est poussé à l'extrême. On reconnaît la mythologie bourgeoise des années 1950. Celui qui enfante est une bonne ménagère, l'autre est un passionné de marches militaires et entend bien choisir les orientations du foyer. Le fils ne trouve pas de mari, qu'importe, les parents s'en chargeront en faisant appel à un entremetteur, Negos, qui devra trouver le Promis. L'écriture est vive et soucieuse du détail quand il s'agit de nous donner des codes familiaux, le père est appelé Père et la père-maman, papa. Il aurait pu être papa-poule.

 

Pastiche ? Farce ? La pièce est construite dans la pure tradition des comédies.. Provocante et drôle comme une pièce d'Aristophane, galante parfois comme un marivaudage, vaudevillesque quand le qui pro quo surgit. Plus que des idées véhiculées -le schéma familial traditionnel a explosé - le comique naît de la situation, de la structure, du jeu des comédiens qui conservent la foi en un monde de règles binaires. L'imprévisibilité n'a pas sa place, un défi à notre complexité, et aussi un bien-être pour le spectateur qui se sent supérieur à ces pantins qui n'ont rien à voir avec l'altérité. Un piège savamment orchestré qui utilise de nombreux ressorts comiques.

Elle l’adore

Muriel est fan. Depuis sa jeunesse, elle suit avec passion la carrière de Vincent Lacroix, chanteur populaire. Elle connaît toutes ses chansons et va le voir dans tous les zéniths de France. C’est une inconditionnelle. 

C’est à elle que va penser Vincent Lacroix lorsqu’il tue par accident sa compagne. Il va faire d’elle sa complice pour faire disparaître le corps. De manière étonnante, la voilà liée à son idole…

C’est un film de duel ! D’un coté, il y a l’émerveillée qui voit débouler dans sa vie son héros avec un terrible secret. De l’autre, il y a la star qui ne sait pas trop se dépatouiller d’un drame terrible. D’un coté, il y a Sandrine Kiberlain, toujours aussi à l’aise dans la comédie. De l’autre, Laurent Lafitte parodie avec élégance Patrick Bruel.

Le film oscille entre le polar et la comédie. C’est peut-être la faiblesse du film : sa dichotomie. Tout le jeu d’opposition déséquilibre l’ensemble. Parfois, on ne sait plus si c’est drôle ou pathétique. Pourtant la fantaisie du récit c’est de s’éparpiller sur un couple de policiers, amoureux. Le vrai sujet du film c’est la passion : c’est une guerre constante où les deux parties se rendent coup pour coup.

Tous les personnages sont donc pris dans un étau sentimental. La passion ouvre sur tous les compromis, tous les mensonges, toutes les déceptions. L’histoire est de temps en temps un peu lâche. Heureusement la dernière partie du film trouve un second souffle, un vrai rythme où les comédiens sont excellents. 

On est donc fan par intermittence de ce film étrange, bipolaire mais foncièrement sympathique, grâce à ses acteurs.

Avec Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Pascal Demolon et Olivia Cote - Studio canal - 24 septembre 2014 - 1h44

Matin et soir, Jon Fosse, La Tempête

L’histoire désespérément banale mais profondément touchante d’un homme au matin puis au soir de sa vie. (suite…)

Notre festival: Harlem Shuffle

Soleil couchant , Tof théâtre

marionnette_logo 

Une marionnette nous parle avec délicatesse d’absence, de fragilité, de fierté, de souvenirs.

Dans la douceur d’une fin de journée ensoleillée, un vieux monsieur marche sur la plage. Sans un mot, dans le seul le bruit des vagues, il évoque le temps qui passe, ce qu’il a perdu. On le voit s’adonner aux plaisirs simples de la vie : glisser ses pieds dans le sable, boire une gorgée de bière … Mais plaisir rime ici avec mélancolie. Car les souvenirs reviennent en mémoire…

Désemparé de n’être plus autant capable, il vit au ralenti. Sa condition de marionnette le rend dépendant dans ses mouvements à son marionnettiste comme vieillir signifie la perte d’autonomie.

Le marionnettiste Alain Moreau a crée un personnage incarné. On pourrait voir ses expressions du visage changer alors qu’il est figé. Une communion perceptible s’installe entre les deux hommes à deux âges de la vie. Se crée alors un duo. L’un vivant, l’autre animé.

A l’origine de la compagnie belge Tof theatre, Alain Moreau semble vouer une infinie tendresse pour les personnages qu’il crée. Son soleil couchant est un hymne aux rencontres par delà les âges de la vie.

La programmation très tentante de cet art singulier de la marionnette sur www.theatredelamarionnette.com

Le Teckel

Le vrai libraire c'est bien celui qui vous amène là où il voulait, tout en vous apportant un plaisir de lecture par les choix qu'il vous propose. Ce fut le cas la semaine passée Place Antonin Poncet à la librairie Expérience BD à Lyon. Pour ceux qui ne connaitrait pas, le lieu est déjà magique tant le nombre de dédicaces réalisées sur les murs par les plus grands noms de la BD est important.

La librairie se lit, ce qui n'est pas rien...Et puis, même si souvent la musique est trop forte (ça doit être pour faire jeune...), elle est extrêmement bien achalandée ce qui n'est pas si fréquent.

Donc, me voilà entrant dans ce fameux temple du 9ème art la semaine passée. Comme à mon habitude, je hume l'ambiance, les nouveautés; tourne autour des albums, feuillette quelques pages de telle ou telle sortie, repose, reprends et finalement me décide pour les premiers titres repérés en arrivant qui ne sont jamais que des suites d'histoires déjà éprouvées.

M'approchant de la caisse le libraire me salue et approuve mes choix (déjà pas mal...Ouf!) et puis le voilà qu'il m'invite à revenir dans les rayons et sort un des albums qui j'avais saisi et aussi vite reposé trouvant le dessin marrant mais trop 70's. Il me commente l'album en laissant suffisamment de suspens pour créer l'envie d'aller plus loin. Et je dois dire que le bougre a du flair, l'album est excellent!

C'est quoi cet album? Une sorte de thriller dans le milieu pharmaceutique, une sorte de bud movie des visiteurs médicaux...C'est plus clair comme ça? Je dois bien confesser que le dit libraire m'en avait raconté encore moins que ce que je viens de vous livrer et cela ne m'a pas empêcher de lui lacher mes 16€ pour ce "Teckel", titre tout aussi improbable que la description proposée plus haut, j'en conviens...

L'album de Hervé Bourhis évoque le scandale du Médiator ou celui des prothèses PIP au travers de la tournée de 2 visiteurs médicaux en province. On est dans le secteur du "vieux cheval", surnomé par ses paires "Le teckel', il est accompagné d'un "jeune cavalier" qui vient faire ses premières armes sur le terrain. Leurs rapports sont terriblement mauvais tant ils sont différents, mais la cohabitation s'améliore tandis que le scandale de l'un de leur produit les poursuit tout au long de leurs visites.

Je ne vous en prescris pas plus, mais faites moi confiance, vous pouvez prendre la totale, l'album est plein de rebondissements et la toile de fond est bien décrite, c'est donc un excellent choix pour la rentrée!

Casterman 84 pages

Et pendant ce temps Simone veille

ET PENDANT CE TEMPS SIMONE VEILLE !

 
Une rétrospective complètement libre et franchement comique de l’histoire française du droit des femmes

Comme son titre le laisse imaginer, « Et pendant ce temps Simone veille » est une comédie, jamais avare de jeux de mots (même « laids »), ni de contrepèteries en tous genres. Légère et enjouée, elle propose de retracer à travers quatre générations de femmes incarnées par Karine Marimon, Hélène Serres et Vanina Sicurani, les grandes heures du droit des femmes, en France, de 1950 à nos jours. Sur le côté de la scène, vêtue d’un costume grotesque magnifique, Bonbon interrompt régulièrement ses camarades pour rappeler, de manière très sérieuse bien sûr, le contexte historique. Ainsi, on se remémore qu’en 1961, alors que les femmes n’étaient légalement pas autorisées à gérer leurs biens sans l’autorisation de leur mari, Moulinex choisissait pour slogan de « libérer la femme » et on ironise sur l’arrivée de la télévision dans les ménages qui, contrairement à Moulinex, n’en affichait pas l’ambition mais soulagea très certainement bon nombre d’utérus en avachissant les maris. On se rappelle aussi les rôles joués par : le député Neuwirth qui, par sa loi de 1967, dépénalisa la contraception ; le Manifeste des 343 Salopes; le terrible Procès de Bobigny; et la loi Veil du 17 janvier 1975 qui dépénalisa l’avortement.

Sans autre prétention affichée que de divertir, la pièce parvient avec succès à balayer un demi-siècle d’histoire du droit des femmes et, avec une bonne dose d’ironie, de second degré et un humour souvent corrosif, à rire de tout et surtout, de son objet principal, la femme, en se demandant notamment si elle n’est pas sa première ennemie et s’il était vraiment souhaitable que, “comme toutes les maladies incurables”, elle ait enfin sa journée dans le calendrier.

En bref on rit de bon cœur, des femmes d’abord mais des hommes aussi, bien sûr, ainsi que de l’avortement, du tchador et des prothèses mammaires en 1990, époque où l’on ne savait pas encore ce que “la silicone valait”. Ames sensibles et ayatollahs du politiquement-correct s’abstenir, les autres sont à peu prêts sûrs de passer un bon moment. Petit bémol peut-être, les décors, la lumière et les costumes qui, s’ils avaient été plus recherchés, auraient encore pu ajouter une dose d’humour et de bonne humeur.

A partir du 18 septembre 2014

A la Comédie Bastille, du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 17h.

 De Corinne Berron, Bonbon, Hélène Serres, Vanina Sicurani et Trinidad

Interprétée par Bonbon, Karine Marimon, Hélène Serres et Vanina Sicurani

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