Massacre à la tronconneuse

C’est d’abord une déception. Avec un titre comme Massacre à la Tronçonneuse, le film de Tobe Hooper est plein de promesses. Son personnage charismatique, Leatherface, fascine obligatoirement avec son masque de peaux et son impressionnante carrure. Et des petites étudiantes au charme des années 70 restent de parfaites victimes pour le boogeyman à la tronçonneuse.

Pourtant le film n’est pas du tout sanglant. Son exploitation et son interdiction en France ont fait le boulot d’un objet filmique dangereux. Pourtant il n’y a pas trop de sang dans ce film en sueur. C’est peut être l’ambiance qui fait vraiment mal. Mais pas de fontaine rouge ou de découpages de corps ! Pour cela, Saw et ses suites hardcore sont beaucoup plus choquantes… et nulles.

Donc quand vous êtes jeunes et amateurs de films d’horreur, vous êtes déçus par ce film archétypal et fondateur du slasher, qui fera le bonheur de John Carpenter ou Wes Craven pour citer les petits maîtres du genre.

Quand vous approchez la quarantaine, comme le film aujourd’hui, revoir Massacre à la Tronçonneuse est un petit bonheur. Car au-delà des archétypes qui s’inventent sous nos yeux, le film est une brillante mise en scène.

On peut toujours y voir le sous texte politique. Hooper pourrait y dénoncer la politique américaine qui envoyait ses jeunes à l’abattoir, au Vietnam. Le film critique une Amérique conservatrice et grille le mythe texan et aventurier. Pour lui, la violence représente la dégénérence d’une Nation. A 28 ans, Tobe Hooper est un révolté.

Mais cela se traduit par une mise en scène brutale, percutante, audacieuse, qui livre ses secrets à chaque vision. C’est le plaisir qu’offrent les chefs d’œuvre. Au fil du temps, Massacre à la Tronçonneuse obtient ce statut. Plus que Délivrance, la violence est contrôlée par un style qui évite tout cynisme et travaille le spectateur entre dégoût et fascination.

La terreur vient uniquement des plans, de leur couleur, leur texture, leur agressivité. C’est spectaculaire. Sur la carcasse d’un western, le réalisateur de Poltergeist donne à voir une manière inhabituelle et cohérente de filmer l’horreur, les bizarreries et la violence.

Il teinte son film de mystères autour de la famille de cannibales et même ses pauvres victimes. Peut être est ce dû au tournage chaotique et connu pour être malsain (acteurs sous tension, la mafia qui participe au montage financier, effets spéciaux dégoutants avec carcasses puantes, les légendes sont nombreuses autour du film) mais ce refus de tout expliquer est la première et bonne impression pour déstabiliser le spectateur.

La suite des sentiments est une succession d’effets de terreur. Ils sont tous réussis et nous bousculent encore, quarante après. Le film dégomme même la production actuelle. La vacuité des films d’horreur aujourd’hui est flagrante et désolante (un téléphone portable et un type caché dans un placard, et hop, un nouveau Parnormal Activity). La ressortie et la restauration du film de Tobe Hooper est un vrai bonheur. Il semble nous dire en permanence : de l’audace, de l’audace, de l’audace !

Songs of Innocence

Bono a toujours une grande gueule et veut représenter les opprimés du monde entier. The Edge porte toujours des petits chapeaux fantaisies. Ardam Clayton continue de ressembler à une comptable se prenant pour une rock star. Comme Dorian Gray, le batteur Larry Mullen Jr ne vieillit plus. C’est tellement troublant que le groupe a décidé de le mettre seul sur la couverture de leur treizième album studio.

Parce que les jeunes n’achètent plus de disques, Bono et sa bande sont de fins commerciaux et ont d’abord balancé leur nouvel effort sur iTunes. Des millions de téléchargement plus tard, le groupe matérialise enfin le disque et peut être que ca intéressera les moins jeunes. Il est beaucoup question de jeunesse dans Songs of Innocence.

On devine le temps qui passe chez ses héros du rock, un peu fatigués mais toujours heureux de lutter contre Coldplay, Muse et autres spécialistes anglais des stades. Ca les ronge ce passé. Les Irlandais font donc remonter de nombreux souvenirs grâce au talent du producteur DangerMouse.

Certains sons sont empruntés aux premiers disques du groupe. Très bonne idée. D’autres chansons sont des hommages aux Ramones ou aux Clash. U2 fait toujours du son pop rock pour le Monde entier mais s’aventure avec un peu de fébrilité sur des terrains personnels. On les sentirait presque fébriles.

Le disque ne sera jamais Achtung Baby, révolution géniale du groupe, mais après cinq années d’attente, U2 tente encore des choses au lieu de s’arrêter à quelques hymnes pour foule en délire. Ils sont moins feignants que certains. Ils n’inventent plus rien mais leur carrière est assez riche et les producteurs, assez malins, pour revitaliser la flamme qui habite ce quatuor indestructible, engagé et parfaitement agaçants. Ils continuent d’intriguer. Songs Of Innocence n’est toujours pas l’album de trop qu’on leur a tant promis.

Island - 2014

Notre festival d’animation: Shugo Tokumaru

Quand le requin dort

Une jeune femme raconte sa famille. Comme nous sommes en Italie, ils sont tous un peu fous et composent un ensemble baroque, où la folie se conjuguent avec le grotesque ou la beauté. Tout dépend de la personne. Il y a la grand mère qui parle trop. Il y a la mère malade. Le fils mélomane. Le père absent. La tante pulpeuse et toute une tripotée d'amants.

Milena Agus est une romancière à succès. L'exotisme de son écriture est réel. La profondeur derrière ses descriptions poétiques est palpable à travers ce court roman. La fiction aide à imposer quelques réalités et vérités qui ne sont pas pas toujours bonnes à dire, lire ou décrire.

Pourtant elle le fait avec une certaine grâce et une fausse candeur, qui pourtant finit par agacer. Car finalement ce premier essai de l'écrivain (qui sera reconnu chez nous avec Mal de Pierres) accumule avec gentillesse des poncifs sur les familles dysfonctionnelles.

Milena Agus, la fille de Sardaigne, souligne les non dits de la société rigide mais aligne des personnages un peu trop caractériels pour être attachants. Certains sont transparents et d'autres, trop imposants. On aime la tante et sa libido un peu farfelu mais le portrait des hommes reste fade. On finit par s'ennuyer, à rebondir de névroses en psychodrames. Comme le requin du titre, on aurait bien tendance à somnoler.

168 pages - Livre de Poche

TRATANDO DE HACER UNA OBRA QUE CAMBIE EL MUNDO,

Comment décrire cet objet sans modèle, ce jamais vu, ce spectacle inouï de la jeune compagnie chilienne LA RE-SENTIDA ? (suite…)

Puzzle 14

Il ne bouge pas. Il ne changera pas. On ne va pas lui en vouloir! Paul Personne trace sa route sans aucun doute et toujours avec cette rage de faire du rock en version française. Champion de la guitare, il continue de se prendre pour le Stevie Ray Vaughan d'Argenteuil.

A 64 ans, il apprécie faire couiner sa six cordes avec un talent inégalable dans notre hexagone. Il est peut être le seul actuellement à faire réellement du blues rock tout en français. Cela donne des albums qui se ressemblent les uns aux autres mais qui restent foncièrement sympathiques.

Car Paul Personne réalise son rêve. Il joue du rock. Depuis les années 80, il s'est battu pour s'imposer dans le paysage français. Il est devenu une référence. Un talent brut, inégal mais d'une sincérité déconcertante. Il est très difficile de dire  du mal de ce type tellement sa passion déborde sur ses compositions!

Ce quatorzième essai est donc très roots. Il fabrique une nouvelle pièce de son puzzle personnel. Comme les autres, elle part un peu dans toutes les directions pour qu'il puisse jouer de la guitare. Entre blues, rock et pop, il tente des hymnes parfois héroïques, parfois paresseux.

Bizarrement on admire le musicien mais assez peu le compositeur. Les paroles ne sont pas toujours heureuses. Un peu faciles. Les accords de guitare rutilants sauvegardent un intérêt pour des chansons assez classiques finalement. Paul Personne n'arrive pas à étonner. C'est dommage mais c'est le gros défaut de Personne, qui pourtant bataille avec ses armes.

On est toujours indifférent à ses nouveaux titres mais on apprécie toujours le voir jouer et chanter avec une innocence sans âge.

Notre festival: Peter Bjorn & John

Trahisons, Harold Pinter, Comédie Française

Le classique trio amoureux du théâtre bourgeois (le mari, la femme, l'amant) est ici décortiqué et raconté à rebours.

Dans la première scène, Emma et Jerry se revoient deux ans après leur rupture. Jerry est l'ami de jeunesse de Robert, le mari d'Emma. En quelques tableaux situés de plus en plus loin dans le passé, on ausculte le sentiment amoureux (et amical) au cours de conversations brillantes et de remises en question permanentes. (suite…)

« Faites entrer Dominique Rizet »

rizet

Un peu à l’image d’un petit troll diablotin imaginaire qui, après une soirée spacecake/rhum/téquila, apparait partout où tu vas, une fois rentré chez toi, titubant la langue en gant de toilette, la mèche qui colle et le poil qui bave, te suit dans ta salle de bain, sous ton lit, dans tes chiottes, que tu crois qu’il est parti et puis non tu ouvres ton frigo et Bam !, il est encore là en ricanant bêtement et t’assiégeant d’un « t’as trop bu, tu vas être malade, gnarf gnarf garf », il est des personnages du paf qui surgissent de partout, genre petit troll diablotin donc, et se collent dans un coin de ta télé ou de ta radio en faisant « gnarf gnarf gnarf » re-donc. (suite…)

Le dernier gardien d’Ellis island

New York, 3 novembre 1954. Dans cinq jours, le centre d'Ellis Island, passage obligé depuis 1892 pour les immigrants venus d'Europe, va fermer. John Mitchell, son directeur, officier du Bureau fédéral de l'immigration, resté seul dans ce lieu déserté, remonte le cours de sa vie en écrivant dans un journal les souvenirs qui le hantent : Liz, l'épouse aimée trop tôt disparue ; Nella, l'immigrante Sarde porteuse d'un étrange passé ;  Lazzarini, l’anarchiste Italien exfiltré qu’il laissera entrer sur le territoire américain malgré son passé…

« En août 2012, je visitais à New York Ellis Island, aujourd’hui transformée en un musée de l’Immigration, à quelques brasses de la statue de la Liberté. Comment expliquer la fulgurante émotion dont j’ai été saisie dans ce lieu chargé du souvenir de tous les exils ? Comment expliquer l’état second, à la fois vertige et apnée, dans lequel j’ai parcouru ce lieu[…] ? Quelques semaines plus tard, sans que j’aie, à un seul moment, pensé ou même souhaité écrire quoi que ce fût à ce sujet, cette histoire s’imposait. » (P. 165)

Plutôt que « roman fleuve » bruyant et grouillant de millions de destins qui se jouent, se croisent, se font et se défont, Gaëlle Josse a choisi le format « nouvelle ». Trois petites histoires, trois petits destins qui se jouent eux aussi, se croisent, se font et se défont. Trois petites histoires vécues au plus intime par le narrateur, un homme solitaire et sensible, à qui elle prête sa plume délicate.

Il est rarement donné de lire une prose à ce point sensible, émouvante et fluide. Gaëlle Josse a ce talent de savoir exprimer beaucoup avec peu de mots. Beaucoup de sentiments puissants, beaucoup de malheurs terribles, mais aussi beaucoup d’espoirs d’une vie meilleure.

Le dernier gardien d’Ellis Island a la beauté fragile et tragique des femmes et des hommes que l’on y côtoie et dont on se souvient longtemps après les avoir laissés à leur destin.

De Gaëlle Josse

Notabilia - 165 pages

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