Ce Pays qu’on Abat

La journaliste, essayiste et polémiste sort un nouvel opus, juste et pertinent. Mordant, érudit, l’ouvrage fait la part belle à l’actualité politique et sociétale, avec une lucidité et une précision qui forcent l’estime.

Dire qu’on aime Natacha Polony, c’est s’exposer à la vindicte publique. Surtout depuis que cette dame s’est amusée dans un tweet à moquer « l’affaire Leonarda », tweet que l’auteure de ces lignes a vaillamment défendu. Mais voilà que les injures, les menaces, la colère de cette « gauche autoproclamée » comme dit Polony, ont été les plus forts. Elle a retiré son message, qui ne se voulait rien de plus qu’un clin d’œil ironique.

Mail il semble qu’en France l’humour ne puisse être que de gauche, de cette gauche bobo ou bien-pensante qui nous étouffe depuis déjà trop longtemps. Cependant, tout en écrivant pour Le Figaro, la journaliste se défend d’être de droite. Elle se dit davantage ouverte à une alternative, et conservatrice plutôt que réac, elle qui, en son temps, a soutenu Chevènement.

Natacha Polony, donc, n’est pas une polémiste au petit pied, de ceux qu’on voit sans cesse à la télévision et qui se croient arrivés. Non, la dame est sérieuse et sait de quoi elle parle. C’est d’ailleurs ce qui épate en lisant ce livre. La langue ici est belle, classique certes mais riche, et les références culturelles sont solides. Et quelqu’un qui manie avec autant de brio l’imparfait du subjectif en ces temps où l’orthographe et la grammaire s’absentent de tous les écrans, rien que cela force le respect.

Mais de quoi parle-t-elle exactement ? D’abord, de ce pays, notre pays : la France. Ce livre est en effet une véritable déclaration d’amour au prestigieux passé politique et culturel, à la beauté des campagnes et de la province, à la République, bref à tout ce qui fait la richesse et la particularité de l’Hexagone.

Choix de chroniques de son blog et du Figaro, les billets publiés ici sont ironiques et percutants, face à des hommes politiques déconnectés, pétris de contradictions et qui portent l’Europe sacro-sainte en étendard malgré leurs propres doutes et ceux des électeurs.

Le chômage, les multiples réformes inefficaces de l’Education nationale, le dégoût des ouvriers pour la gauche, le racisme qui n’est pas toujours là où on pense, mais aussi les différents communautarismes, les intégristes de tout poil et leur égale sottise, tout y passe ou presque.

Mais réclamer davantage de respect pour la loi, d’écoute des autres, d’intégration et regretter un temps où tout cela semblait évident, oui c’est de la nostalgie. Mais on ne doit pas en avoir honte. La nostalgie est constructive, elle sert d’outil de comparaison pour des lendemains vivables.

Citant Condorcet, Jean Zay et bien d’autres, soulignant les erreurs passées en matière de tolérance religieuse (comme l’affaire du voile à l’école), elle passe pour anti-musulmans aux yeux de ceux qui n’ont pas envie de réfléchir. Pourtant, elle pose les vraies questions et, surtout, ose penser différemment. Non, le mariage pour tous n’est pas une évidence pour tout le monde. Certes, le chômage est problématique, mais combien de jeunes veulent véritablement travailler, comme le rapportent nombre de patrons et d’artisans ?

Oui, les intégrismes religieux posent problème. Et oui, les parents qui ont appris aux enfants le « tout, tout de suite » sont responsables de ces attitudes capricieuses et ultra consuméristes qui provoquent de terribles faits divers. La liste est longue et peut sembler à certains un tissu de blabla démagogique. Mais il y a derrière ces textes une vraie réflexion constructive et des propositions intéressantes. Car Natacha Polony, si ce constat l’attriste, tend la main à ceux qui croient au ciel, à ceux qui n’y croient pas (pour paraphraser Aragon). Elle ne perd jamais espoir. Puisse-t-elle être entendue.

Plon - 390 pages

Letters kept to ourselves

Cela commence avec une guitare gratouillée et une petite voix masculine qui sort à peine de l'adolescence. Très mignon tout cela puis intervient une voix féminime, claire et imposante. C'était inoffensif, cela devient sacrément costaud lorsque le féminin se mêle au masculin, pour une fois plus faible. Pourtant on est bien dans un monde de bisounours folkeux!

C'est encore une histoire de famille. Dans la folk music, c'est presque un réflexe. On est drôlement bien en famille. On apprend effectivement à gratouiller de jolis instruments en bois, on se promène ensemble dans la forêt, on se raconte des histoires...

Il s'agit donc ici d'un frère et d'une soeur. Ryan et Kaylee Williams. De Santa Cruz. L'union fait la force et cela s'entend dans ce premier opus élégiaque, d'une subtilité délicate et qui prouve que les Américains sont capables de tendresse. C'est un album très beau et très doux.

Leurs voix caressent l'auditeur. On se sent parti à la campagne en les écoutant. Les harmonies vocales nous transportent. On pense à Civil Wars et même des choses plus populaires comme une version frangin frangine de Mumfords & sons ou les Lumineers.

A la fin, on se sent être une personne saine dans un corps sain. C'est une bouffée d'airs frais. Des ritournelles jolies comme tout et parfaitement interprétées, entre espièglerie familiale et professionnalisme typiquement américain. En tout cas, c'est un petit bonheur de douceur et dans notre monde de brutes, ca fait du bien!

Marseille – De Guerre Lasse

Polar marseillais, De Guerre Lasse mérite un petit coup d'oeil. On est loin des productions habituelles. Le réalisateur Olivier Panchot aurait dû écrire un livre plutôt que de faire un long métrage. Son cinéma est proche de Jérémie Guez, héros du polar français, collé au bitume et sondant les bas fonds de la ville. A la vue de la carrière du film, De Guerre Lasse aurait certainement donné un excellent bouquin et un possible succès en librairie. Trop peu d'entrées ont rapidement réglé le compte de ce drôle de film.

Car le constat du réalisateur est dur et indélicat. Donc il ne manque pas de charme. La situation marseillaise est proche de la guerre. Un ex soldat revient donc en ville après des années d'absence. Il se veut discret mais bien entendu le passé le rattrape et les ennuis s'accumulent à toute vitesse...

C'est assez classique. Il y a le fils prodigue, le père coupable, les vieux amis qui trahissent, la jeune femme qui veut échapper à son destin etc. C'est une guirlande de clichés, pas désagréables. Depuis Olivier Marchal et ses flics aux yeux vitreux, on a l'habitude de voir des types lessivés, se tirer dessus pour conclure que leur vie est une morne descente aux enfers!

Mais Olivier Panchot a l'art du détail. C'est ce qui sauve son film du pale ersatz. Il place le spectateur au coeur de la ville. La photo est magnifique, claire obscure, transformant la cité en lieu de guerrilla.  Il a la bonne idée d'embaucher Jalil Lespert pour jouer le héros blasé et dangereux. Tous les comédiens sont bien choisis. Peu connus, ils permettent de faire des protagonistes, de vrais personnages désarmants. Le film finalement intrigue sans convaincre réellement. Il a le grand mérite de ne pas rendre la violence facile et visuellement acceptable. C'est un film hargneux. C'est sa grande qualité. Ne jamais être gentil avec le spectateur. Ne jamais se renier! Pas mal!

Avec Jalil Lespert, Tcheky Karyo, Hiam Habbass et Mhamed Arezki - M6 Video - 2013

La Dune

Bon franchement, c'est le genre de film que l'on adore détester. Parce qu'il est inattaquable dans le fond.  Les sentiments sont bons et remplis de chlorophylle. Le réalisateur Yossi Aviram se promène entre la terre aride d'Israël et le littoral français avec une douceur de vivre sympathique.

Le voyage  s'exécute en quelques plans mais il est agréable et réchauffe nos envies d'un monde sans frontière, où les hommes ont encore de la bienveillance entre eux. Pourtant ce n'est pas un film de béni oui oui. Les sujets sont graves mais traités avec une infinie tendresse qui change des habitudes.

Voyage initiatique, douloureux, le film compte aussi sur le talent de ses comédiens pour nous prendre au piège. On aime la trogne de Niels Arestrup, en vieux flic à la retraite rattrapé par le passé. La meilleure idée est de l'associer à Guy Marchand, toujours parfait.

En face de lui, le regard bleu du comédien Lior Ashkenasi est saisissant. Un mélange un peu mélancolique de Griffin Dunne et d'Owen Wilson. Pas étonnant de voir la belle Emma de Caunes craquer dans son rôle de néo agricultrice, stéréotype du candidat parfait pour L'amour est dans le pré...

On se moque mais on n'a pas vraiment le choix car malgré les bonnes intentions, le scénario est lourdingue face à la réalisation plutôt aéré de Yossi Aviram. Entre les échecs, le jeu mutique du héros et les opportunités un peu faciles autour des personnages, tout cela est un peu gros. Mais il fait du bien au coeur et aux yeux, ce qui est déjà pas mal.  Inattaquable cette dune sans être un sommet!

Le Pacte - 13 aouot 2014 - 1h30

Chère Elena, de Ludmila Razoumovskaïa

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Du fond du cœur quatre élèves viennent souhaiter son anniversaire à leur professeur de mathématiques. Du fond du cœur ces quatre adolescents vont se transformer en bourreaux manipulateurs. Du fond du cœur Ludmilla Razoumovskaïa, l’auteure, a écrit en 1981 cette pièce subversive et corrosive, pièce interdite par les autorités soviétiques, magistralement portée, aujourd’hui, par Myriam Boyer et une partie de la nouvelle garde théâtrale. (suite…)

“De quoi parlez-vous?, cinq pièces courtes de Jean Tardieu

 

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Avec “De quoi parlez-vous?”, la Compagnie C’est-pas-du-jeu rend toute la malice de l’écriture de Jean Tardieu. (suite…)

The Bridge School Concert

Depuis 1986, Neil Young et sa femme organisent un concert caritatif. Parents d'un enfant handicapé, Neil Young soutient à sa manière son épouse, créatrice de la Bridge School pour soutenir les jeunes handicapés qui demandent des moyens lourds. Education, recherches, aide, c'est peut être ce dont les Young sont le plus fier. Tous les profits du concert permettent de faire marcher l'école.

Intention louable qui va bientôt fêter ses trente ans d'existence. Le Bridge School Concert a lieu en Californie et semble être un passage obligé pour tous les groupes à la mode ou les mastodontes des tournées à travers le pays. Le concept est simple: on doit jouer en acoustique.

Un exercice facile quand on s'appelle Jack Johnson ou Willie Nelson. Beaucoup plus complexe lorsqu'on a l'habitude de transpirer sur des accords comme Metallica, No Doubt ou Sonic Youth. Pour les 25 ans de l'événement, Reprise a donc réuni quelques passages mémorables du Bridge School Concert.

La bonne volonté va bien à tous ses artistes. Le casting est réjouissant car il traverse tous les genres de la musique. Bien entendu Neil Young amène ses proches amis comme Crosby Stills & Nash mais aussi le Crazy Horse ou Pearl Jam. On croise aussi un crooner comme Tony Bennett ou les perchés de Fleet Foxes.

Le disque est riche en morceaux variés et souvent spectaculaires même s'ils sont débranchés! On s'imagine bien avec tous ses géants, en Octobre, sous le soleil doux de Californie à Mountain View. Le disque est un prospectus de qualité. On est bien loin de nos Enfoirés. On n'est pas du tout sur la même planète!

Reprise - 2011

Qui joue SUR Pamela ?

Les Meilleurs Ennemis T1 et T2

Comment se retrouvait dans ce gigantesque sac de noeuds que sont les relations entre les Etats Unis et les pays du Moyen Orient? Un universitaire  Jean Pierre Filiu et le dessinateur David B réussissent à nous éclairer avec une intelligence rare.

Cette bande dessinée a ce grand mérite d'être claire, précise et un peu folle en même temps. On devine la rigueur du chercheur et la grande création de David B, dessinateur qui aime prendre des libertés. Le résultat est stupéfiant. Un mélange d'enquête et d'art. Une étude avec un sens esthétique aiguisé et passionnant!

Avant que Bush Jr envahisse l'Irak, l'Amérique a donc connu une relation plus que dissolue avec les pays du Moyen Orient. Le premier ouvrage fouillait dans l'histoire pour comprendre les racines du "mal" si on peut dire cela. La jeune Nation se sentait agresser les états barbaresques qui régnaient sur les eaux.

Avant le pétrole et les coups d'état, l'Amérique et quelques pachas se sont livrés une guerre navale assez héroïque avec des faits d'armes spectaculaires. Ensuite ce sera le second conflit mondial qui va pousser les Etats Unis à s'impliquer au Moyen Orient.

Là, nos connaissances sont un peu plus étoffées mais les deux auteurs donnent des détails qui permettent d'éviter des raccourcis rapides, des facilités de pensées qui en disent long sur la complexité de la situation. Après les puissances coloniales, les Etats Unis prennent la place dans la région, plutôt accueillante finalement. La bédé est donc contemporaine et aide à discerner des réalités brouillées depuis longtemps.

Le second volet raconte le Liban, l'Iran et Israel à la fin des années 70. La politique Reagan a violemment marqué cette époque et explique ce qu'il se passe en ce moment. Une fois de plus, on se plait à suivre les idées loufoques du dessinateur qui ne gène jamais la pédagogie de Jean Pierre Filiu.

Au lieu de vous limitez à des débats télévisés, nous vous conseillons fortement la lecture de ces deux oeuvres étonnantes et éducatives. Une nouvelle facon d'aborder l'actualité!

Yes

Jason Mraz est un type à la sympathie évidente. Depuis ses débuts, il n'est qu'amour, fraternité et harmonie. Il est un rayon de soleil. Il veut transmettre ses bonnes ondes au plus grand nombre. Il aime le soleil, la nature et l'amour. C'est un grand benêt au talent sûr pour inventer des ritournelles mainstream, idéales pour les radios du monde entier.

Personnage inoffensif, ses albums lui ressemblent. Ils ne vont pas du tout vous troubler. Ils vont vous bercer. Ce n'est pas désagréable du tout. Au contraire. Sa guitare a du rythme et ses chansons sont enthousiastes. Avec un titre comme Yes, ce nouvel album ne peut être que positif.

Il vit sur sa planète de béni oui oui. Les thèmes sont encore une fois, l'amitié, l'amour à partager et toutes les choses qui font de la vie, un cadeau merveilleux! Pour l'occasion il s'est entouré d'un groupe féminin, ce qui doit augmenter son karma. Il est heureux et il est content de le chanter.

Le disque est un peu plus convaincant que le précédent. Il fait du Jason Mraz. Il prend la pose romantique lorsque le tempo baisse et devient tout sourire dès qu'il faut sautiller sur un refrain charmant. Ca peut être agaçant mais son obstination force pas mal le respect.

Ce n'est pas du cynisme. Jason Mraz a l'air d'y croire. Plus acoustique, il est parfois touchant sur certains morceaux. Yes est donc une oeuvre chaleureuse, un peu niaise mais qui ne manque pas de rappeler les bons moments de la vie, nos copains, nos amours et pas trop nos emmerdes!

Atlantic - 2014

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