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La Petite Communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon, Babel

Je n’avais jamais entendu parler de Nadia Comaneci (oui, je sais, il paraît que je suis un OVNI !), mais cela ne m’a pas empêché d’être passionné par l' histoire de cette gymnaste, brillamment racontée par Lola Lafon.

Je vais vous parler d’un temps que les moins de 45 ans ne peuvent pas connaître, ce qui ne les empêchera pas d’apprécier un texte résolument actuel.

En 1986, les Jeux Olympiques d’été se déroulent à Montréal, haut lieu d’affrontement symbolique entre l’URSS et les États-Unis. À la frontière des deux blocs, il y a la Roumanie de Ceaucescu.

Le dictateur voudrait profiter de la mondovision pour faire la promotion de son petit pays soviétique et pour montrer ses muscles à son grand frère Russe.

Le vieux chef d’état est trop heureux d’utiliser à son profit l’image d’une géniale gymnaste de 14 ans à peine qui met un sacré coup de vieux à sa concurrente russe d’une vingtaine d’années en obtenant le premier 10 sur 10 de l’Histoire en gymnastique. Même l’écran d’affichage des scores n’en croyait pas ses yeux !

Moi, je n’ai jamais aimé la gymnastique féminine. Ces enfants fardées en reines de beauté m’ont toujours mis mal à l’aise, même si j’admire leurs performances.

C’est bien pratique les petites filles obéissantes et taiseuses, on peut leur faire dire et faire ce qu’on veut.

Et puis on peut fantasmer… Les hommes peuvent se rincer l’oeil. On est, à cette époque, en pleine érotisation du corps des fillettes. En témoigne cette publicité américaine pour un parfum, mettant en scène une « petite fille en robe blanche (… de) huit ans. Au bas de l’affiche, ce slogan : « Parce que l’innocence est plus sexy que vous ne l’imaginez… » » (Page 124) !

Oui mais voilà. Nadia, elle, ne rêve pas de devenir une femme réduite à la séduction. D’ailleurs, les petites filles de tous les pays ne s’y trompent pas et s’identifient à cette étrange et mutique enfant qui défie les lois de la pesanteur et dont la force discrète est source d’espoir.

« On ne devrait pas appeler ça de la gym féminine, c’est sûr, les spectateurs ne viennent pas pour voir des femmes… Vous savez, si les lycras de compétition ont toujours des manches longues, c’est pour cacher les bras des filles. Nos biceps, nos veines. Parce qu’il ne faut surtout pas avoir l’air masculines non plus! ». (Page 127)

Ne pas avoir l’air masculine, mais ne pas non plus être une femme. Parce qu’une femme, avec ses règles, pour les hommes, c’est dégoûtant. Pour le plaisir des spectateurs, il aurait fallu que Nadia reste une elfe aux aptitudes de guerrière.

Petite fille deviendra grande. Et à dire vrai l’on n’aime pas trop les femmes, surtout celles qui s’osent publiquement fortes et talentueuses.

Avec élégance, Lola Lafon offre toujours un contrepoint à son propos. En s’imaginant dialoguer avec Nadia, l’autrice relativise ses propres certitudes. Non! l’utilisation brutale et cynique des sportifs à des fins de propagande n’était pas l’apanage des soviétiques, et oui! la Roumanie des 80’s fait office de miroir à peine déformant du monde occidental des 2020’s. (Songez donc aux Jeux Olympiques de Paris acclamés sans réserve…)

Pour le show, on accepte que des fillettes risquent la paraplégie. Pour le show, on tolère des méthodes plus que contestables.

Et question domination masculine, pas sûr qu’on soit bien meilleurs non plus. Les femmes sont réduites à être de dociles machines à donner du rêve ou à procréer. Pas d’autre alternative.

Comme dans l’excellent Quand tu écouteras cette chanson (consacré à Anne Franck), Lola Lafon nous rappelle que les petites filles sont bien plus fortes que l’image qu’on en a.

"On ne devrait pas appeler ça de la gym féminine, c'est sûr, les spectateurs ne viennent pas pour voir des femmes... Vous savez, si les lycras de compétition ont toujours des manches longues, c'est pour cacher les bras des filles. Nos biceps, nos veines. Parce qu'il ne faut surtout pas avoir l'air masculines non plus!". (Page 127)

Ne pas avoir l'air masculine, mais ne pas non plus être une femme. Parce qu'une femme, avec ses règles, pour les hommes, c'est dégoûtant. Il aurait donc fallu que Nadia reste une elfe aux aptitudes de guerrière, pour le plaisir des spectateurs.

Petite fille deviendra grande. Et à dire vrai l'on n'aime pas trop les femmes, surtout celles qui sont fortes et talentueuses.

Avec élégance, Lola Lafon offre toujours un contrepoint à son propos. En s'imaginant dialoguer avec Nadia, l'autrice relativise ses certitudes. Non l'utilisation brutale et cynique des sportifs à des fins de propagande n'était pas l'apanage des soviétiques, et oui la Roumanie des 80's fait office de miroir à peine déformant du monde occidental des 2020's. Songez donc aux Jeux Olympiques de Paris acclamés sans réserve...

Pour le show, on accepte que des fillettes risquent la paraplégie. Pour le show, on tolère des méthodes plus que contestables.

Et question domination masculine, pas sûr qu'on soit bien meilleurs non plus. Les femmes réduites à être de dociles machines à donner du rêve ou à procréer, pas d'autre alternative.

Comme dans l'excellent Elle est à toi cette chanson (consacré à Anne Franck), Lola Lafon nous rappelle que les petites filles sont bien plus fortes que l'image qu'on en a.

L’histoire de Souleymane, Boris Lojkine

Un homme pressé. Par le temps. Par les autres. Par l’histoire. Un portrait bouleversant des nombreuses ombres que l’on devine mais que l’on ne regarde jamais vraiment.

Il y a une seule scène où l’on souffle dans ce film discret et puissant: Souleymane, le livreur exploité aide René, un vieux monsieur en difficulté pour préparer sa pizza. Un petit moment tendre où Souleymane devient autre chose que le type qui dépose vos repas chez vous.

Un moment simple et tellement important pour ce héros qui ne fait que subir constamment. Dans deux jours, il doit passer un entretien pour valider ou non son asile en France. Il dort dans un dortoir social, prend l’identité d’un ami pour ses livraisons, doit gérer les doutes de sa fiancée et se demande ce qu’il fait ici…

Car le Paris nocturne devient une sorte de labyrinthe coloré où la violence est beaucoup moins sourde qu’en journée. Souleymane est une victime et ne profite aucunement du système. Il est un petit rouage de l’exploitation acceptée et une authentique victime d’une administration absurde.

Le film devient alors un thriller social qui nous amène à prendre conscience, sans angélisme, de la honteuse condition des sans papiers en France. La réalisation colle à son personnage principal et nous rappelle presque les règles dépouillées de Lars Von Trier: être au plus près du sujet et faire sentir ses angoisses et ses joies. Le Dogme 95 cherchait une forme de vérité dans le 7e art: c’est ce que fait le cinéaste Boris Lojkine.

Il nous fait respirer l’enfer d’un homme perdu et surtout pressé. Seuls la vitesse et le déplacement sont autorisés à un migrant qui n’aspire qu’à la paix et à la certitude d’exister quelque part. C’est une perpétuelle course contre la montre et c’est épuisant. En une heure trente, le réalisateur nous amène à un constat amer et désespérant où l’individu est broyé malgré tous ses efforts.

C’est bien entendu utile de voir ce film car le cinéma nous amène à regarder autrement le quotidien et casse une fois de plus les clichés et les conventions. C ‘est une oeuvre crue, qui vient vous cueillir sur vos certitudes et surtout vos émotions. C’est une histoire. Toute petite mais tout à fait importante.

Avec Abou Sangare, NIna Meurisse, Alpha Oumar Saw - Dire - 1h32

The Apprentice, Ali Abbasi, Metropolitan Filmexport

Donald Trump est un grand malade. Un film se charge d’expliquer ce qu’il s’est passé..

Et attention les mirettes! Sebastian Shaw, acteur assez discret, vu dans les films Marvel, va véritablement vous faire flipper. On débute le film en devinant l’acteur qui imite le Président américain puis il devient le sinistre personnage que l’on connaît.

C’est franchement effrayant. La performance fait froid dans le dos car le réalisateur nous montre comment le mal finit par habiter le personnage mais aussi l’acteur, qui rend les minutes du métrage de plus en plus malaisantes. Le cinéaste Ali Abbasi nous plonge dans l'âme sombre de l’Amérique sans retenue et un angoisse purement cinématographique naît.

Il utilise habilement une image vintage pour raconter les jeunes années de Donald Trump, arriviste dans l’immobilier, en attente des pires crasses pour arriver à être mis en avant et célébrer une Amérique capitaliste et dangereuse.

Épris de reconnaissance, il va s’allier au terrible Roy Cohn, avocat véreux et conservateur qui sera son mentor pour oublier toute éthique et affirmer une soif de puissance sans complexe. Le réalisateur nous met dans le cerveau malade d’un homme aigri et délirant.

Grandeur et décadence. C’est une sujet assez classique dans le cinéma américain quand il s’intéresse à ses présidents mais Ali Abbasi, par ses moyens restreints, n’utilise jamais la grandiloquence de la mise en scène mais plutôt un coté intimiste qui finit par surprendre. Il fait du Scorsese avec ses possibilités, et ça fonctionne plutôt bien.

Esthétiquement on devine un réalisateur qui se dépatouille pour trouver un style rétro et coller à la réalité des années 80, mais il n’oublie jamais son sujet : la fabrique d’un monstre. Et c’est une vraie séance de cinéma qui s’annonce : les personnages sont ambigus, délirants et cela colle à l’écran.

La volonté d’expliquer le présent par le passé est un peu poussive mais le réalisateur aspire à montrer frontalement comment un cynisme total peut provoquer la jouissance et en même temps la désespérance.

Avec Donald Trump, on voit le réel s’échapper, on reconnaît l’homme politique qui fera tant de mal à la démocratie, on relève un vrai sujet de cinéma où l’apparence cache bien des choses. C’est troublant et on est loin des conventions habituelles des biopics. Ce n’est pas un chef d'œuvre, mais un long métrage qui nous interroge. C’est déjà beaucoup.

Avec Sebastian Shaw, Jeremy Strong et Martin Donovan - Metropolitan Filmexport - 2h

Point de vue image du monde, Coldplay, Godspeed you Black Emperor, Avishai Cohen

La musique est un divertissement. Un art. Un plaisir. Un acte politique. Une industrie. Les petits gars de Coldplay ont bien compris cela : ils sont devenus planétaires. Ils errent sur les réseaux sociaux et sur la bien pensance avec des idées braves et courageuses. Ils n'aiment pas la guerre, la violence et les injustices. Ils invitent tout le monde à s'inscrire à Amnesty International. Ils ne veulent plus tourner parce que cela pollue...

Après de très bons albums, les membres de Coldplay sont devenus les Bisounours du rock, avec des ambitions louables mais des idées de musique de plus en plus fades. Tout le monde les adore et c'est bien cela le problème. Leur musique s'est édulcorée au fil du temps. Le groupe annonce qu'il va bientôt s'arrêter. Ça ressemble à un aveu de manque d'inspiration. Ce dixième effort, Moon Music, veut nous envoyer dans l'espace mais on se trouve plutôt dans un tunnel d'ennui poli. Ils n'agacent même plus car il y a un savoir-faire et ce sont des indécrottables optimistes. On ne peut pas leur enlever cela ! 

Mais on sera plus curieux de l'effort fait par Godspeed you Black Emperor en faveur de la Palestine. Voilà un groupe psychédélique qui redescend sur Terre et fait sa misère à la violence des hommes et aux infamies des tyrans.

Parce que leur son est virevoltant. Il imite une guerre mais il en sort une espèce de lumière spectrale qui nous fait voir le Monde autrement. Sans titre, le disque s'annonce comme un coup de pied au réel, avec des guitares incroyables qui se font l'écho respectable d'une ignominie dénoncée par une énergie que l'on ne connaissait plus à ce groupe canadien toujours en train de chercher...

A la différence de Coldplay, ce groupe affronte la réalité et lui renvoie une image contemplative et pourtant directe. La sauvagerie s'illustre sur les longues plages mais l'ambiance reste à la réflexion. L'exercice n'est pas facile d'approche mais on doit reconnaître que cette façon de foncer vers la monstruosité et en sortir quelque chose de beau, est une vraie forme d'héroïsme et de rapporter ce qu'il se passe en Palestine. 

La guerre hante aussi le nouveau récit du trompettiste Avishai Cohen (pas le bassiste). L'approche est morale et très mélodique. Une flûte ouvre le bal d'une histoire qui va se remplir de plusieurs émotions. Dans Ashes to Gold, la guerre est là et le souffle de Cohen nous fait entendre les atermoiements des gens touchés par la violence la plus effroyable.

Le quartet est en symbiose. On devine le travail collectif pour résister. On croit en ces plages d'émotions, magnifiquement illustrées par les musiciens. C'est très compact. Mais la sincérité transpire sur les notes étirées et les filouteries du quartet.

La solution du trompettiste, c'est jouer coûte que coûte. Face au désarroi, il convoque Ravel et il est certain que le classique a toujours lorgné avec le jazz de Avishai Cohen. Cela semble vital après ces morceaux désappointés mais tellement virtuoses. Il retrouve même un peu d'espoir avec un dernier morceau écrit avec sa fille.

Dans ces trois disques, très différents, il y a bien l'idée d'une transcendance par la musique. D'où son extrême importance lorsque rien ne va...

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Norma (10 ans)

Paru le 10 janvier 2024
Drakoo Éditions
80 pages | 16,90€