Musique, Punk, RAP, Rock

La peine, la tranquillité et l’espoir en trois disques

Le petit monde du rock indépendant est en deuil : le grand Steve Albini est mort à l’âge de 61 ans. Artiste discret, ce joyeux aventurier du son a révolutionné le rock en 1990 et mis en place un style unique en son genre.

Le grunge correspond à une furieuse époque pour le rock indépendant, mais le destin a joué de mauvais tours à de nombreuses étoiles filantes du genre. On ne va pas les énumérer : cela fait trop de peine.

Et forcément le nom de Steve Albini qui complète le triste tableau, ça nous rappelle cette période heureuse où l’électricité passait dans toutes les angoisses existentielles de quelques chanteurs de Seattle et d’ailleurs. L’ingénieur et le producteur Steve Albini était le seul à si bien maîtriser ce courant alternatif.

Et cela s’entend dans le dernier album de Shellac, son petit groupe rien qu’à lui. Une sorte de rock totalement décharné mais organique. To all trains fonce à cent à l’heure et ne nous laisse pas respirer avec un trio assez classique dans la forme.

On redécouvre cette forme d’urgence qui faisait le charme adolescent du rock des années 90. Tout y est agressif mais particulièrement lyrique. Albini a souvent monté et démonté des groupes. Celui-ci est un idéal. Une basse. Une guitare et une batterie. Et du bruit. Bien construit mais qui commente encore et encore les troubles et le goût de l’expérimentation. Comme toujours avec les productions de Steve Albini, c’est assez captivant et ce dernier album est une sacrée dose d’énergie qui nous fait oublier le vide que l’ingénieur du son va laisser.



Mais il y a encore quelques vestiges du grunge et le plus célèbre d’entre eux, Pearl Jam, continue de tracer sa route avec plus ou moins d’inspirations. Dark Matter est nettement plus réussi que le précèdent, sacrifié en pleine crise du covid.

Depuis l’album Ten, le groupe est devenu une véritable institution américaine. Leurs concerts sont légendaires et le groupe n’a plus grand-chose à prouver. Leurs derniers efforts n’étaient que des excuses pour des tournées rondement menées.

Mais le style si sincère du groupe a perduré. On est tout de même touchés par certains morceaux de ce douzième album. L’ego du chanteur Eddie Vedder s’est gonflé sur un album solo qui date d’un an : Pearl Jam n’a jamais autant ressemblé à un vrai groupe. Et on se surprend à redécouvrir les guitares héroïques du groupe. Stone Gossard soutient un Mike McCready requinqué et en grande forme. Jeff Ament retrouve le goût des entourloupes rythmiques. Et Matt Cameron tambourine comme à l’époque de Soundgarden. On voyage effectivement sur la planète rock. On est mis sur orbite. On ne va pas bouder son plaisir.


Mais nous sommes loin de la philosophie Steve Albini. Pour la sécheresse de ton et le coup de folie, il faut traverser l’Atlantique et découvrir les très décalés Big Special sortis de terres ravagés d’Angleterre. Leur premier disque Postindustrial homtown blues est fait d’une ivresse et d’une rage que l’on entend peu.

Des pubs anglais, aux matins pluvieux en passant par les lectures de Bukowski ou Kerouac, le batteur et le chanteur ont ramassé toute la misère et sa beauté pour la confondre sur des morceaux déconstruits mais qui impressionnent par l’énergie.

Dans l’urgence, le duo met tout dans ces 45 minutes de musique intense, inspiré par le rap, le punk et plein d’autres choses qui vont apparaître petit-à-petit au fil des écoutes. C’est de la poésie barbare. Le duo rend hommage aux ouvriers de Birmingham avec un minimalisme qui nous va droit au cœur. Leur œuvre au noir illumine un monde un peu trop propre. Cela aurait certainement plus au regretté Steve Albini. La peine et l’espoir : deux sentiments qui nous rendent si vivants. 

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