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Made in England (Part 2) : Divine Comedy, Suede, The Darkness

La britpop toujours et encore. Là ca devient un flashback musical sans précédent. Toutes les vieilles gloires sont de sortie. Et ça ne devrait pas s’arrêter. Est ce un manque d’imagination ? Un besoin nostalgique ou une collusion commerciale ?

Ce qui est certain, c’est la forme olympique des vieux héros des années 90. Il a beau avoir une belle moustache et un regard de chien battu, l’homme orchestre Neil Hannon revient en pleine forme avec le treizième album de Divine Comedy.
Fan de Jacques Brel et de Scott Walker, le fantaisiste irlandais, francophile, revient à ses premiers amours. Des histoires tendres et doucement cyniques. L’onirisme reprend le dessus dans cet album qui montre un artiste qui se regarde vieillir.
Cela faisait six ans qu’il était silencieux, et le revoilà comme un vieux dandy endormi en train de bavarder sur le mauvais temps. Rainy Sunday Afternoon. Bien vu de le sortir en automne ! La vie ralentit. Les mélodies sont délicates. L’envie symphonique n’est jamais loin mais le musicien reste dans cet état ouateux pour de nouvelles chansons qui ne sont pas surprenantes mais qui se laissent aller à un spleen d’une rare élégance, qui fait la marque de fabrique de Divine Comedy.

Bien entendu ce n’est pas un disque d’enragés et cela nous aurait surpris. Au début des années 90, Suede était le fer de lance du courant avant que Oasis et Blur se fassent la guerre. Aujourd’hui le groupe de Brett Anderson bouscule encore. Au bout de dix albums et des séparations à gogo, le groupe londonien remet le couvert avec une sérénité absolument incroyable et un sens de la mélodie imparable.
De disque en disque, le groupe est l’un des rares à progresser. Le groupe a échappé au fur et à mesure aux clichés des dandys androgynes pour glisser vers un rock quasi post punk, avec des albums concepts et des concerts convaincants. Suede devient un valeur sûre dans le sens authentique et réconfortant.
On ne se trompe pas à écouter ce groupe trépidant, qui ne se nourrit de toutes ses émotions et offre de beaux moments électriques avec une voix toujours aussi splendide et prenante ainsi que des guitares orageuses et tout aussi passionnantes. Au bout de toutes ces décennies, Brett Anderson et ses complices arrivent encore à être poignants et leur présence est toujours aussi forte lorsqu’ils nous présentent de nouvelles chansons. Ils se bonifient avec le temps. La profondeur de Antidepressants est incroyable. Avec le temps tout s’en va mais pas la performance de Suede. Comme David Byrne la semaine dernière, on se demande si on n’est pas en face d’un petit chef-d’œuvre de l’année 2025.

Il aurait été normal de terminer sur cet album spectaculaire de Suede mais face à tous ces retours de vieux beaux qui ne veulent plus être fatigués ou fatigants, on va parler du dernier disque de The Darkness, groupe anglais glam rock qui a aussi connu son heure de gloire au début des années 2000.
Voilà donc Dreams on Toast, sorte de fanwork de Queen avec une voix qui monte et qui descend entre rock heavy et délire baroque tout en électricité. C’est absolument amusant et d’une légèreté assumée. Le groupe ne veut plus rien prouver si ce n’est une certaine vitalité qui existe au-delà des cinquante ans.
Donc en trente minutes environ, le groupe vous fait traverser tout un genre avec des facilités un peu lourdes et de coups d’éclat qui donnent le sourire. Ces Anglais militent pour un style vintage aussi ringard que résolument séduisant. Comme Oasis et les autres, les quinquas anglais ne veulent pas être enterrés trop vite. Depuis le Brexit, on devine l’Angleterre dans un brouillard épais : quelques vieux se font le phare d’une résistance qui fait plaisir à entendre.
Une bataille après l’autre, Paul Thomas Anderson, Warner Bros. Pictures


Je ne sais pas vous, mais moi, quand je vois que Paul Thomas Anderson (réalisateur de There Will Be Blood en 2007 et de The Master en 2012) sort un film, et en plus avec Leonardo DiCaprio, je fonce au cinéma ! Surtout quand les affiches proclament partout en ville « visionnaire, hilarant et bouleversant » et quand, d’après AlloCiné, les critiques professionnels lui décernent la note royale de 4,8/5 ! Je ne voudrais pas gâcher la fête, mais je ne comprends pas trop à quoi sert ce film.
Si c’était un devoir de philo, le sujet pourrait être « Révolution et parentalité », avec comme problématique : la révolution est-elle compatible avec la parentalité ? ou encore, Devenir parent est-il révolutionnaire ?
Car les enfants bouleversent votre vie, c'est un fait. C'est ce que vont comprendre les protagonistes de cette histoire : Perfidia Beverly Hills (Teyana Taylor), une femme rebelle et indépendante qui veut changer le monde, quitte à exercer la violence, Bob Ferguson (Leonardo DiCaprio) son mec - un peu plus mesuré qu'elle - et leur ennemi juré, le colonel Steven J. Lockjaw (Sean Penn).
Dans ce film, les révolutionnaires sont ridicules, qu’ils soient progressistes ou réactionnaires extrémistes . On retiendra la scène où DiCaprio cherche à joindre son organisation clandestine : après la musique d’attente de rigueur dans les administrations, il en est réduit à demander à parler au supérieur de l’opérateur téléphonique qui pinaille et exige un mot de passe avant de prendre en charge son appel !
De l’autre côté du spectre, ce n’est pas mieux : la société secrète suprémaciste s’appelle le Christmas Adventurers Club, c’est tout dire !
Leonardo DiCaprio est toujours aussi bon comédien et nous émeut comme il veut quand il veut. De son côté, Sean Penn surjoue le méchant militaire torturé, tic de mâchoire et boitillement compris. Mais même si le réalisateur appuie ses références au Big Lebowski des frères Cohen, il ne parvient pas à être aussi drôle qu’eux. Les USA montrés par Paul Thomas Anderson sont assez effrayants, avec cette police surarmée qui outrepasse ses droits et exerce une violence débridée au service de son racisme, tandis que les pauvres gens bricolent comme ils peuvent pour résister à cette machine de guerre dégénérée. « On est assiégés depuis des siècles ».
Pour le reste, on a un peu une impression de déjà-vu à chaque scène, ce qui est regrettable pour un film qui affiche un budget à 140 millions de dollars ! On est assez loin de la densité de Civil War d'Alex Garland, par exemple. Ce n’est pas qu’on s’ennuie mais c’est un peu long quand-même… Comme cette scène de poursuite où - malgré le vrombissement des moteurs et les carlingues qui tremblent - on a l’impression que les voitures roulent au ralenti.
Au cinéma le 24 septembre 2025
Durée : 161 minutes
Warner Bros. Pictures
Made in England : Pulp, Stereophonics, The Royston Club

Oasis s’est reformé. Oasis a triomphé. Les deux frères s’aiment désormais d’amour et la brit pop refait surface. L’Angleterre a sauvé son PIB avec LIam et Noel mais on constate une vraie nostalgie pour ce mouvement éclatant et influent.

Si bien que Jarvis Cocker a retrouvé les musiciens de Pulp pour un tout nouvel album. More. 24 ans après leur dernier effort. Le dandy de Sheffield a tenté une carrière solo mais il faut l’avouer : qu’est ce qu’il est à l’aise lorsqu’il retrouve son groupe si astucieux.
On est loin du génie sarcastique de Different Class mais More ressemble bien à une leçon de pop britannique. Oasis sont de gros lads et Pulp est le versant élégant et rigolard de cette génération musicale.
More reprend donc tous les archétypes de Pulp. C’est sensuel : la musique est très bien arrangée et les orchestrations méritent que l’on y revienne après plusieurs écoutes. La nonchalance n’est qu’apparente. En trois semaines d’enregistrement, le groupe a conservé toute sa verve mélodique.
Mais il y a toujours les textes exquis du groupe qui croquent ses contemporains. Et pourtant c’est bel et bien la même énergie des débuts. C’est impressionnant, une telle cohérence. Ce nouvel album montre une fois encore le talent quasi littéraire d’un groupe délicieusement bavard et musicalement passionnant.

Pulp revient de nulle part mais le trio de Stereophonics, lui, n’a jamais cessé de défendre son rock caractériel et pas toujours nuancé. Mais, honnêtement, on s’en fout. A la différence d’Oasis, Pulp ou Supergrass (qui s’offre lui aussi une reformation pour les 30 ans du cartoonesque I should Coco), le groupe continue d’accompagner notre mélomanie et nos passions électriques.
Ils ont raté des albums. Il y a eu des passages à vide mais le Gallois Kelly Jones continue d’être un chanteur rugueux et un passionné de rock qui fait bouger les foules. Son groupe suit encore un style simple mais complice.
Stereophonics ne sera jamais un grand groupe mais il dure et semble s’accrocher à sa mission mélodique. Ce que fait plutôt bien leur 13e album, Make’em laugh, make’em Cry make’em Wait. Encore un effort très électrique où la voix de Jones ne semble pas vieillir.
Mais bon, l’inspiration du groupe est limitée. Le disque est franchement sympathique. Il y a un vrai plaisir à entendre la hargne d’un groupe qui n’a jamais rien lâché. Il tient sa ligne. C’est du rock racé. Ils écrivent des chansons : ils semblent y tenir très fort et le groupe défend chacune de ses compositions. C’est un peu répétitif mais on admire la démarche et tout le chemin parcouru par les Stereophonics.

Dans quelques semaines, ce sera au tour de Suede de sortir un tout nouvel album mais il y a des petits jeunes qui méritent aussi d’être enfin reconnus : on reste au Pays de Galles avec The Royston Club, encore un groupe qui a tout compris à la pop anglaise.
Eux, ils ont goûté à cette bonne vieille brit pop et ils en ressortent un disque qui pulvérise les clichés tout en les assumant. On va entendre des guitares qui semblent appartenir aux Strokes comme à Radiohead mais on va découvrir une voix qui ne peut que vous marquer : Tom Faithfull est un talent brut.
Leur album Songs for the Spine est effectivement une petite merveille de pop très bien calibrée. Le quatuor semble armé pour faire vibrer prochainement les festivals et les stades. Chacune des chansons sont des harpons.
On fredonne rapidement. On se laisse prendre. On entend bien les références mais tout cela est fait avec une finesse qui ressemble à de l’inventivité. On peut se dire que l’on tient un futur groupe à stades. Cela arrive très souvent au Royaume-Uni et on ne va pas s’en plaindre.
L’oiseau de Bergen-Belsen, Florence Schulmann, Géraldine Meignan, Éditions Grasset


Bergen-Belsen… Chez tous ceux que l’Histoire intéresse, ce nom terrible incrusté dans le titre de l’ouvrage de Florence Schullmann évoque l’ignoble. L’innommable. Un camp de concentration.
A l’heure où la haine refait surface, où la peur s’insinue à nouveau, il est bon de ne pas oublier que de tels lieux ont existé. Mais ce livre n’est pas un livre sur les camps de concentration, de ceux qui racontent en détail, et vous laissent à la fin un sentiment de honte et de peine infinie.
Non, ce livre parle de courage et d’amour. Florence Schulmman a choisi d’évoquer avant tout ses parents. Sa mère, qui l’a mise au monde dans ce camp en mars 1945. Son père. Leur amour qui les a aidés à tenir, à vivre. Comme beaucoup de juifs en Europe à l’époque, ils ne croyaient pas qu’on les déporterait. Parce qu’ils étaient honnêtes, travailleurs, ne faisaient pas de bruit. En France, nombre de juifs se disaient que, parce qu’ils avaient eu la Croix de guerre en 1914-1918, ils étaient à l’abri. Les parents de Florence, eux, ont connu le ghetto en Pologne puis Auschwitz , avant d’être séparés et de se retrouver à la fin de la guerre.
Durant son enfance, Florence entend souvent ses parents pleurer. Avant elle, ils avaient eu un fils, disparu au moment des rafles. Florence va nier, taire, ce fardeau. Personne ne doit savoir qu’elle est née dans un camp. Elle n’arrivera réellement à en parler qu’à ses 80 ans.
Le style est fluide, l’écriture simple, et ce livre, étonnamment, se lit très facilement. Il a quelque chose d’extrêmement lumineux. Chacun des personnages est évoqué avec une grande douceur. Et de la pudeur. L’auteure a choisi l’angle de l’amour et du courage. On y croise à peine des noms de nazis. Avec délicatesse, elle esquisse des images de tortures et d’assassinats. L’essentiel est ailleurs pour elle : des vies détruites mais reconstruites, malgré tout. Ses parents, après les camps, se sont installés et ont travaillé avec acharnement et réussi socialement. Ils sont allés savourer leur retraite dans le sud de la France. Florence, elle, aura un enfant. Un seul.
Ce livre est une belle leçon d’amour et de force pour les nouvelles générations et celles à venir. Afin que demain, après-demain, plus jamais, la folie des hommes ne rattrape tous ces gens qui ne demandaient rien d’autre que de vivre et d’aimer.
Paru le 26 mars 2025
110 pages, 14,90 €
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La BO de l’été (des blockbusters) – Alexandre Desplat, John Murphy, Michael Giacchino
Allez on reste sur la thématique des blockbusters de l’été avec trois partitions qui doivent se remuer les méninges pour échapper à un imposant héritage. Et ça ne marche pas à tous les coups.
C’est le cas de la musique de Jurassic World Renaissance, signée par le Français Alexandre Desplat. Le type est talentueux mais très paresseux lorsqu’il faut revisiter des sonorités déjà connues de tous.
Desplat a bien du mal à se démarquer lorsqu’il faut créer un thème. Il est sacrément doué pour l’orchestration mais bon la créativité ce n’est pas forcément son truc. Donc le voilà pour ce nouveau volet en train de refaire la partition de Jurassic Park. De John Williams. Il ne se confronte pas au maître. Il fait une révérence en reprenant l’emphase de la toute première partition de Jurassic Park, la plus emblématique.
Cela dit c’est assez bien fait. Une fois encore, le musicien permet tous les excès avec un vrai sens de l’harmonie. Le rythme est soutenu. Il y a de la tension. Mais aucune idée originale ou percutante. Desplat se raccroche aux notes de John Williams. Il n’innove jamais. C’est bel et bien de la musique de film d’aventures… mais c’est sans surprise.

C’est le discret John Murphy qui réussit à nous surprendre. Lui aussi a un sacré défi à relever : faire la musique du nouveau Superman. Il collabora avec un autre compositeur, David Fleming et prend le parti de piller John Williams et son légendaire générique.
Comme James Gunn avec le personnage, John Murphy semble beaucoup s’amuser avec la mythologie qu’on lui offre. Il joue les notes légendaires de Superman puis brode autour avec une volonté qui n’exclut pas les excès ou même le mauvais goût. Quelques effets synthétiques et de grosses rythmiques sont tout à fait lourdingues.
Mais cela fait écho à un film ludique où James Gunn décide de se marrer franchement et d’y aller avec envie dans l’exagération et la fantaisie quasi enfantine. La musique de Murphy est un patchwork de sons plus ou moins bien emboîtés.
Le style est clairement foutraque mais très plaisant car on devine le plaisir de gosses à qui on a donné un super jouet : la musique de Superman, l’homme d’acier à jamais attaché au thème de John Williams. Les deux sales gosses font tout et n’importe quoi mais c’est à l’image du film : jubilatoire.

Enfin Michael Giacchino se met clairement la pression pour la musique des Quatre Fantastiques. Le compositeur n’a plus rien à prouver en matière de super héros : il a écrit la partition des Indestructibles, Docteur Strange, The Batman et a su imposer son style sur les trois derniers Spider-Man avec une verve quasi adolescente. La culture populaire ne lui fait pas vraiment peur: il a travaillé sur Mission Impossible, Star Trek, La Planète des Singes ou même Star Wars.
Pour les Quatre Fantastiques, il sort l’artillerie lourde. On sent qu’il veut donner du sens à sa musique et offrir des thèmes caractéristiques pour ces super héros kitsch et rétro futuristes. Il s’y emploie avec une énergie surprenante.
Le complice de longue date du fanboy JJ Abrams ne veut pas faire dans la redite et s’oblige à une partition qui, bien entendu, une fois encore, rappelle John Williams. Crescendo, le style s’empare d’un orchestre symphonique et d’un chœur de voix pour trouver la quintessence de la musique de film de super héros.
Si le film est décevant par son rythme, il est sauvé par une production design aux petits oignons et donc ce délire symphonique où Giacchino se lance dans un grand huit mélodique bourré de bonnes idées. Il y a un peu de mélancolie ici ou là. Quelques effets sixties électrisent l’ensemble mais on ressent un tel enthousiasme que l’on ne peut qu’adhérer à la flamboyance forcée du projet.
Il y a une vraie dramaturgie dans la musique. C’est très émotionnel et ça nous emporte. Une fois encore, le musicien rivalise avec John Williams et semble avoir tout compris de la musique de super héros. Dommage que le film ne soit pas à la hauteur de ce talent immense.
Après ces trois écoutes, vous aurez certainement qu’une seule envie. Ce sera de rencontrer des dinosaures, se battre contre Lex Luthor ou sauver la Terre du dévoreur de planètes. Ce sera se replonger dans la discographie de John Williams, jeune retraité de 92 ans mais omniprésent lorsqu’on écoute ses héritiers.





















