Art-scène, Théâtre

Le Consentement, Vanessa Springora, Sébastien Davis, Rond-Point

Dans les années 1980, V. est une jeune fille de 14 ans qui succombe au charme sulfureux d’un adulte. Flattée d’être remarquée par un écrivain quinquagénaire qui fréquente l’élite parisienne, elle tombe résolument amoureuse de lui.

On peut trouver mille explications au fait qu’une fille pas encore sortie de l’enfance soit attirée par un vieux schnock : son charme sulfureux, l’absence de figure paternelle, la permissivité post-soixante-huitarde d’une mère, une certaine précocité pour la sensualité et la sexualité…

Mais une question demeure : « Lorsqu’il n’y a ni souffrance ni contrainte, c’est bien connu, il n’y a pas viol ». N’est-ce pas ?

Au départ, V. croit désespérément à l’amour de G. « Son amour pour moi est d’une sincérité au-dessus de tout soupçon ». Puis, progressivement, elle ouvre les yeux, en même temps qu’elle ose enfin ouvrir un livre de G. dans lequel il se vante de ses multiples abus (en forme de conquêtes) d’enfants. « A Manille, les petits garçons de 11 ou 12 ans que je mets dans mon lit sont un piment rare. »

Le récit de Vanessa Springora, dont est tirée la pièce, m’avait frappé par sa justesse et sa force. Pas de voyeurisme ni de règlement de comptes en forme de clash, mais un récit aussi glaçant qu’équilibré.

Au démarrage de la pièce de théâtre, je vous avoue avoir eu un peu peur. Déjà, parce qu’il semble impossible de se hisser au niveau du livre de Vanessa Springora, ensuite parce que la mise en scène ne se distingue pas forcément par sa finesse.

J’ai eu l’impression que Sébastien Davis ne faisait pas assez confiance au texte, et qu’il avait jugé nécessaire de lui adjoindre des béquilles scéniques.

Par moments, la voix amplifiée de la comédienne se dédouble (sur fond de percussions lancinantes et hypnotiques). Cela m’a rappelé ma jeunesse et les dramatiques radio de France Culture des années 2000, Mais, franchement, à quoi ça sert ? A part à perturber la compréhension du texte par les spectateurs ? Et je vous passe les micros qui crachouillent très fort par moments.

A certains moments, Ludivine Sagnier se livre à une danse frénétique sur fond de percussions. A d’autres, elle se déshabille… (Derrière un voile opaque en fond de scène, on n’est pas à Avignon !) On se demande ce que cela apporte au propos. Idem pour le tambour chamanique (même si le talent du batteur, Pierre Belleville, impressionne).

La pièce aurait gagné donc à un peu d’épure, à l’image d’une scénographie très simple avec, on l’a dit, un fond opaque en fond de scène et quelques meubles (dont un lit aux draps de satin noir) restituant efficacement le dépouillement des chambres de bonne ou d’hôtel où (sé)vit Gabriel Matzneff.

Soyons juste, la pièce n’est pas gâchée par ses quelques défauts, et elle mérite largement d’être vue. La force du texte est préservée. Ludivine Sagnier joue de façon crédible la petite fille, l’ado puis la femme qu’est devenue V. (même si, dans mon souvenir, la narratrice du livre est un peu moins en colère). La comédienne campe également avec justesse les différents adultes qui passent dans le paysage, médecin, psy, parents qui sont tous plus hallucinants les uns que les autres, la palme revenant à G. lui-même, personnage au cynisme et à la prétention sans borne qui se compare sans modestie à d’illustres artistes dévoreurs de petites filles : Edgar Allan Poe, Lewis Caroll, Roman Polanski…

On est soulagé que V., telle une vaillante petite Gretel, soit parvenue à « prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre »

Jusqu’au 06 avril 2024
Théâtre du Rond-Point
Paris VIIIème
De 8€ à 31€ – Durée 1h20

Texte Vanessa Springora
Mise en scène Sébastien Davis
Avec Ludivine Sagnier
et Pierre Belleville (batterie)

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