Mort d’un commis voyageur, Arthur Miller, Philippe Baronnet, Montansier

Une pièce de 2h30 sans entracte?! J'avoue avoir eu un peu peur de m'ennuyer. Au contraire, j'ai eu la chance d'assister à un spectacle captivant, porté par des comédiens impressionnants.

L’entrée en matière de la pièce est belle, visuellement parlant. Pas de panneaux de décor, une scène vide traversée par des silhouettes style années 50 (feutre et trench-coat) qui marchent à vive allure.

Puis les comédiens apportent un lit, une table, un portemanteau… Et nous voici chez Linda et Willy Loman, un voyageur de commerce sur le retour (il a 63 ans) qui rentre épuisé de sa tournée.

Très vite, on comprend que Willy est en pleine confusion et qu’il est usé par 34 ans passés sur la route à démarcher le client.

Il soliloque, il se réfugie dans la nostalgie d’un temps passé où il y avait encore des arbres dans son quartier et où la communication avec ses enfants était facile. Ses deux fils qui, maintenant, espionnent avec inquiétude leur père qui décaroche tout seul dans sa cusine.

Car il y a quelque chose de pourri au Royaume des Lonan. À bientôt trente ans, Biff (Marc Lamigeon), le fils aimé, se cherche encore. Happy, le cadet compense en faisant tomber les filles comme des quilles de bowling. Quant à Linda, elle feint d’être dupe de la forfanterie de son mari, autoproclamé « Roi de la Nouvelle-Angleterre ».

Tout le monde joue la comédie de la réussite mais étouffe sous la pression sociale.

« Tu ne peux pas tâter le terrain toute ta vie, Biff !»
« Passer toute sa vie à gérer des stocks ?! »

L’interprétation de Vincent Garanger dans le rôle de Willy m’a beaucoup impressionné. Il joue de façon réellement convaincante un homme confus, passant en un souffle de la vitalité débordante au désarroi le plus complet. Pour autant, le spectacle n’est pas centré sur la performance (et quelle performance !) de ce seul comédien. C’est un beau travail de troupe où tout le monde est à l’unisson.

Les autres interprètes ne sont pas en reste. La scène où Linda explique à ses fils qu’ils doivent respect et admiration à leur père est bouleversante. Le public est attentif et fasciné, l’atmosphère dans la salle se densifie.

La mise en scène est fluide, il n’y a pas de temps mort entre les scènes et pas de place pour l’ennui. Au contraire j’étais subjugué par l’intensité du drame et par la force de l’interprétation qui plonge le public dans une concentration et un silence absolus.

La scénographie est dynamique et belle esthétiquement.

Grâce à quelques effets simples en apparence, on voyage à travers les lieux et les époques. On retourne une nappe, on change une chaise et hop, on passe d’un restaurant guindé à une cuisine modeste. Par le jeu des costumes, on traverse les épisodes de la vie des personnages, sur une période de plus de vingt ans. Et le travail sonore est bien maîtrisé.

C’est un spectacle impressionnant de maîtrise de justesse et d’émotion, sans jamais tomber dans la démonstration de prétention. C’est sobrement magique.

Jusqu'au 09 novembre 2024
Théâtre Montansier Versailles
2h30

De Arthur Miller, traduction Kelly Rivière, mise en scène Philippe Baronnet, lumières Maxime Rousseau, son Haldan de Vulpillières avec le renfort en régie de Jean-Baptiste Augros, costumes Emilie Baillot, perruques, maquillage Cat Vandamme, collaboration artistique Alain Deroo, Marie-Cécile Ouakil, Michaël Pruneau,
avec Vincent Garanger, Anne Cressent, Marc Lamigeon, Romain Fauroux, René Turquois, Samuel Churin, Nine de Montal, Philippe Baronnet
production Jérôme Broggini, production déléguée Les Échappés vifs

coproduction Théâtre Montansier/Versailles, Théâtre de Rungis, Le Trident Scène nationale/Cherbourg-en-Cotentin, Théâtre municipal/Coutances, DSN Dieppe Scène nationale, CA Mont Saint-Michel Normandie

La Petite Communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon, Babel

Je n’avais jamais entendu parler de Nadia Comaneci (oui, je sais, il paraît que je suis un OVNI !), mais cela ne m’a pas empêché d’être passionné par l' histoire de cette gymnaste, brillamment racontée par Lola Lafon.

Je vais vous parler d’un temps que les moins de 45 ans ne peuvent pas connaître, ce qui ne les empêchera pas d’apprécier un texte résolument actuel.

En 1986, les Jeux Olympiques d’été se déroulent à Montréal, haut lieu d’affrontement symbolique entre l’URSS et les États-Unis. À la frontière des deux blocs, il y a la Roumanie de Ceaucescu.

Le dictateur voudrait profiter de la mondovision pour faire la promotion de son petit pays soviétique et pour montrer ses muscles à son grand frère Russe.

Le vieux chef d’état est trop heureux d’utiliser à son profit l’image d’une géniale gymnaste de 14 ans à peine qui met un sacré coup de vieux à sa concurrente russe d’une vingtaine d’années en obtenant le premier 10 sur 10 de l’Histoire en gymnastique. Même l’écran d’affichage des scores n’en croyait pas ses yeux !

Moi, je n’ai jamais aimé la gymnastique féminine. Ces enfants fardées en reines de beauté m’ont toujours mis mal à l’aise, même si j’admire leurs performances.

C’est bien pratique les petites filles obéissantes et taiseuses, on peut leur faire dire et faire ce qu’on veut.

Et puis on peut fantasmer… Les hommes peuvent se rincer l’oeil. On est, à cette époque, en pleine érotisation du corps des fillettes. En témoigne cette publicité américaine pour un parfum, mettant en scène une « petite fille en robe blanche (… de) huit ans. Au bas de l’affiche, ce slogan : « Parce que l’innocence est plus sexy que vous ne l’imaginez… » » (Page 124) !

Oui mais voilà. Nadia, elle, ne rêve pas de devenir une femme réduite à la séduction. D’ailleurs, les petites filles de tous les pays ne s’y trompent pas et s’identifient à cette étrange et mutique enfant qui défie les lois de la pesanteur et dont la force discrète est source d’espoir.

« On ne devrait pas appeler ça de la gym féminine, c’est sûr, les spectateurs ne viennent pas pour voir des femmes… Vous savez, si les lycras de compétition ont toujours des manches longues, c’est pour cacher les bras des filles. Nos biceps, nos veines. Parce qu’il ne faut surtout pas avoir l’air masculines non plus! ». (Page 127)

Ne pas avoir l’air masculine, mais ne pas non plus être une femme. Parce qu’une femme, avec ses règles, pour les hommes, c’est dégoûtant. Pour le plaisir des spectateurs, il aurait fallu que Nadia reste une elfe aux aptitudes de guerrière.

Petite fille deviendra grande. Et à dire vrai l’on n’aime pas trop les femmes, surtout celles qui s’osent publiquement fortes et talentueuses.

Avec élégance, Lola Lafon offre toujours un contrepoint à son propos. En s’imaginant dialoguer avec Nadia, l’autrice relativise ses propres certitudes. Non! l’utilisation brutale et cynique des sportifs à des fins de propagande n’était pas l’apanage des soviétiques, et oui! la Roumanie des 80’s fait office de miroir à peine déformant du monde occidental des 2020’s. (Songez donc aux Jeux Olympiques de Paris acclamés sans réserve…)

Pour le show, on accepte que des fillettes risquent la paraplégie. Pour le show, on tolère des méthodes plus que contestables.

Et question domination masculine, pas sûr qu’on soit bien meilleurs non plus. Les femmes sont réduites à être de dociles machines à donner du rêve ou à procréer. Pas d’autre alternative.

Comme dans l’excellent Quand tu écouteras cette chanson (consacré à Anne Franck), Lola Lafon nous rappelle que les petites filles sont bien plus fortes que l’image qu’on en a.

"On ne devrait pas appeler ça de la gym féminine, c'est sûr, les spectateurs ne viennent pas pour voir des femmes... Vous savez, si les lycras de compétition ont toujours des manches longues, c'est pour cacher les bras des filles. Nos biceps, nos veines. Parce qu'il ne faut surtout pas avoir l'air masculines non plus!". (Page 127)

Ne pas avoir l'air masculine, mais ne pas non plus être une femme. Parce qu'une femme, avec ses règles, pour les hommes, c'est dégoûtant. Il aurait donc fallu que Nadia reste une elfe aux aptitudes de guerrière, pour le plaisir des spectateurs.

Petite fille deviendra grande. Et à dire vrai l'on n'aime pas trop les femmes, surtout celles qui sont fortes et talentueuses.

Avec élégance, Lola Lafon offre toujours un contrepoint à son propos. En s'imaginant dialoguer avec Nadia, l'autrice relativise ses certitudes. Non l'utilisation brutale et cynique des sportifs à des fins de propagande n'était pas l'apanage des soviétiques, et oui la Roumanie des 80's fait office de miroir à peine déformant du monde occidental des 2020's. Songez donc aux Jeux Olympiques de Paris acclamés sans réserve...

Pour le show, on accepte que des fillettes risquent la paraplégie. Pour le show, on tolère des méthodes plus que contestables.

Et question domination masculine, pas sûr qu'on soit bien meilleurs non plus. Les femmes réduites à être de dociles machines à donner du rêve ou à procréer, pas d'autre alternative.

Comme dans l'excellent Elle est à toi cette chanson (consacré à Anne Franck), Lola Lafon nous rappelle que les petites filles sont bien plus fortes que l'image qu'on en a.

L’histoire de Souleymane, Boris Lojkine

Un homme pressé. Par le temps. Par les autres. Par l’histoire. Un portrait bouleversant des nombreuses ombres que l’on devine mais que l’on ne regarde jamais vraiment.

Il y a une seule scène où l’on souffle dans ce film discret et puissant: Souleymane, le livreur exploité aide René, un vieux monsieur en difficulté pour préparer sa pizza. Un petit moment tendre où Souleymane devient autre chose que le type qui dépose vos repas chez vous.

Un moment simple et tellement important pour ce héros qui ne fait que subir constamment. Dans deux jours, il doit passer un entretien pour valider ou non son asile en France. Il dort dans un dortoir social, prend l’identité d’un ami pour ses livraisons, doit gérer les doutes de sa fiancée et se demande ce qu’il fait ici…

Car le Paris nocturne devient une sorte de labyrinthe coloré où la violence est beaucoup moins sourde qu’en journée. Souleymane est une victime et ne profite aucunement du système. Il est un petit rouage de l’exploitation acceptée et une authentique victime d’une administration absurde.

Le film devient alors un thriller social qui nous amène à prendre conscience, sans angélisme, de la honteuse condition des sans papiers en France. La réalisation colle à son personnage principal et nous rappelle presque les règles dépouillées de Lars Von Trier: être au plus près du sujet et faire sentir ses angoisses et ses joies. Le Dogme 95 cherchait une forme de vérité dans le 7e art: c’est ce que fait le cinéaste Boris Lojkine.

Il nous fait respirer l’enfer d’un homme perdu et surtout pressé. Seuls la vitesse et le déplacement sont autorisés à un migrant qui n’aspire qu’à la paix et à la certitude d’exister quelque part. C’est une perpétuelle course contre la montre et c’est épuisant. En une heure trente, le réalisateur nous amène à un constat amer et désespérant où l’individu est broyé malgré tous ses efforts.

C’est bien entendu utile de voir ce film car le cinéma nous amène à regarder autrement le quotidien et casse une fois de plus les clichés et les conventions. C ‘est une oeuvre crue, qui vient vous cueillir sur vos certitudes et surtout vos émotions. C’est une histoire. Toute petite mais tout à fait importante.

Avec Abou Sangare, NIna Meurisse, Alpha Oumar Saw - Dire - 1h32

The Apprentice, Ali Abbasi, Metropolitan Filmexport

Donald Trump est un grand malade. Un film se charge d’expliquer ce qu’il s’est passé..

Et attention les mirettes! Sebastian Shaw, acteur assez discret, vu dans les films Marvel, va véritablement vous faire flipper. On débute le film en devinant l’acteur qui imite le Président américain puis il devient le sinistre personnage que l’on connaît.

C’est franchement effrayant. La performance fait froid dans le dos car le réalisateur nous montre comment le mal finit par habiter le personnage mais aussi l’acteur, qui rend les minutes du métrage de plus en plus malaisantes. Le cinéaste Ali Abbasi nous plonge dans l'âme sombre de l’Amérique sans retenue et un angoisse purement cinématographique naît.

Il utilise habilement une image vintage pour raconter les jeunes années de Donald Trump, arriviste dans l’immobilier, en attente des pires crasses pour arriver à être mis en avant et célébrer une Amérique capitaliste et dangereuse.

Épris de reconnaissance, il va s’allier au terrible Roy Cohn, avocat véreux et conservateur qui sera son mentor pour oublier toute éthique et affirmer une soif de puissance sans complexe. Le réalisateur nous met dans le cerveau malade d’un homme aigri et délirant.

Grandeur et décadence. C’est une sujet assez classique dans le cinéma américain quand il s’intéresse à ses présidents mais Ali Abbasi, par ses moyens restreints, n’utilise jamais la grandiloquence de la mise en scène mais plutôt un coté intimiste qui finit par surprendre. Il fait du Scorsese avec ses possibilités, et ça fonctionne plutôt bien.

Esthétiquement on devine un réalisateur qui se dépatouille pour trouver un style rétro et coller à la réalité des années 80, mais il n’oublie jamais son sujet : la fabrique d’un monstre. Et c’est une vraie séance de cinéma qui s’annonce : les personnages sont ambigus, délirants et cela colle à l’écran.

La volonté d’expliquer le présent par le passé est un peu poussive mais le réalisateur aspire à montrer frontalement comment un cynisme total peut provoquer la jouissance et en même temps la désespérance.

Avec Donald Trump, on voit le réel s’échapper, on reconnaît l’homme politique qui fera tant de mal à la démocratie, on relève un vrai sujet de cinéma où l’apparence cache bien des choses. C’est troublant et on est loin des conventions habituelles des biopics. Ce n’est pas un chef d'œuvre, mais un long métrage qui nous interroge. C’est déjà beaucoup.

Avec Sebastian Shaw, Jeremy Strong et Martin Donovan - Metropolitan Filmexport - 2h

Point de vue image du monde, Coldplay, Godspeed you Black Emperor, Avishai Cohen

La musique est un divertissement. Un art. Un plaisir. Un acte politique. Une industrie. Les petits gars de Coldplay ont bien compris cela : ils sont devenus planétaires. Ils errent sur les réseaux sociaux et sur la bien pensance avec des idées braves et courageuses. Ils n'aiment pas la guerre, la violence et les injustices. Ils invitent tout le monde à s'inscrire à Amnesty International. Ils ne veulent plus tourner parce que cela pollue...

Après de très bons albums, les membres de Coldplay sont devenus les Bisounours du rock, avec des ambitions louables mais des idées de musique de plus en plus fades. Tout le monde les adore et c'est bien cela le problème. Leur musique s'est édulcorée au fil du temps. Le groupe annonce qu'il va bientôt s'arrêter. Ça ressemble à un aveu de manque d'inspiration. Ce dixième effort, Moon Music, veut nous envoyer dans l'espace mais on se trouve plutôt dans un tunnel d'ennui poli. Ils n'agacent même plus car il y a un savoir-faire et ce sont des indécrottables optimistes. On ne peut pas leur enlever cela ! 

Mais on sera plus curieux de l'effort fait par Godspeed you Black Emperor en faveur de la Palestine. Voilà un groupe psychédélique qui redescend sur Terre et fait sa misère à la violence des hommes et aux infamies des tyrans.

Parce que leur son est virevoltant. Il imite une guerre mais il en sort une espèce de lumière spectrale qui nous fait voir le Monde autrement. Sans titre, le disque s'annonce comme un coup de pied au réel, avec des guitares incroyables qui se font l'écho respectable d'une ignominie dénoncée par une énergie que l'on ne connaissait plus à ce groupe canadien toujours en train de chercher...

A la différence de Coldplay, ce groupe affronte la réalité et lui renvoie une image contemplative et pourtant directe. La sauvagerie s'illustre sur les longues plages mais l'ambiance reste à la réflexion. L'exercice n'est pas facile d'approche mais on doit reconnaître que cette façon de foncer vers la monstruosité et en sortir quelque chose de beau, est une vraie forme d'héroïsme et de rapporter ce qu'il se passe en Palestine. 

La guerre hante aussi le nouveau récit du trompettiste Avishai Cohen (pas le bassiste). L'approche est morale et très mélodique. Une flûte ouvre le bal d'une histoire qui va se remplir de plusieurs émotions. Dans Ashes to Gold, la guerre est là et le souffle de Cohen nous fait entendre les atermoiements des gens touchés par la violence la plus effroyable.

Le quartet est en symbiose. On devine le travail collectif pour résister. On croit en ces plages d'émotions, magnifiquement illustrées par les musiciens. C'est très compact. Mais la sincérité transpire sur les notes étirées et les filouteries du quartet.

La solution du trompettiste, c'est jouer coûte que coûte. Face au désarroi, il convoque Ravel et il est certain que le classique a toujours lorgné avec le jazz de Avishai Cohen. Cela semble vital après ces morceaux désappointés mais tellement virtuoses. Il retrouve même un peu d'espoir avec un dernier morceau écrit avec sa fille.

Dans ces trois disques, très différents, il y a bien l'idée d'une transcendance par la musique. D'où son extrême importance lorsque rien ne va...

Lettres d’excuses, Patrick Chesnais, Lucernaire

Même s'il rechigne à y croire, Patrick Chesnais vieillit. Il est des signes qui ne trompent pas : il triche sur son année de naissance, un jeune homme lui cède sa place dans le bus et puis la prostate... "La prostate qui grossit, c'est un marqueur absolu d'une grande maturité" !

À l'heure de faire le bilan, il fallait toute l'élégance de Patrick Chesnais pour dresser un inventaire fait de ratages flamboyants ou pathétiques. Depuis mon enfance ("ma grand-mère vous adore depuis qu'elle est toute petite !"), j'ai de l'affection pour ce comédien à l'air triste mais joyeux et je me souviens de ma compassion quand j'ai appris en 2006 la mort de son fils, victime d'un chauffard.

C'est d'ailleurs à ce fils décédé, Ferdinand, que Patrick Chesnais consacre sa première lettre d'excuses. "Mon petit Ferdinand, je te demande pardon de n'avoir pas pu profiter un peu plus longtemps de tes beaux yeux bleus." C'est une déclaration sobre et belle, vraiment poignante. (En l'écoutant, j'ai senti une grosse larme couler sur ma joue.)

Pendant un peu plus d'une heure, Patrick Chesnais nous lit ses lettres d'excuses écrites à celles et ceux qu'il a blessés au cours de sa vie. Il le fait sans se donner le beau rôle. Il écrit à sa mère qui a terminé sa vie en EHPAD ("Je t'ai laissée tombée, ma mère"), à sa Mémé de la Garenne, à sa jeunesse, à sa vieillesse, à Naomi Watts ou encore à Jack Nicholson.

C'est doux amer, c'est tragique et joyeux comme la vie, c'est un beau moment passé en compagnie d'un homme attachant.

Jusqu'au 18 novembre 2024
Théâtre du Lucernaire - Paris VIème
Texte et interprétation Patrick Chesnais

Assisté d'Emilie Chesnais
1h10 | de 10€ à 32€

Bruno Liljefors, La Suède sauvage, Petit Palais

En son pays, la Suède, Bruno Liljefors (1860-1939) était surnommé le Prince des animaliers. Ce titre n'est pas usurpé. Dès la première salle, j'ai été saisi par cette irrésistible famille de renards. La touche du peintre est à la fois impressionniste et précise, il suffit de s'éloigner d'un pas pour être frappé par le réalisme des scènes présentées et par la restitution fidèle des plumes et des poils (la touffeur des queues de renard). La peinture de Liljefors est expressive mais nette.

Bruno Liljefors travaillait sur photos, sur modèles empaillés, mais il était surtout amateur d'affut et n'hésitait pas à grimper aux arbres pour observer les animaux. Peintre et chasseur, on ressent parfois sa fascination pour les prédateurs. Il montre d'ailleurs à de nombreuses reprises combien le chat est un ravissant destructeur de biodiversité.

Mésange huppées, chardonnerets élégants, bouvreuils pivoines, moineaux domestiques... (Aviez-vous remarqué que les noms d'oiseaux sont toujours composés?), l'amateur d'oiseaux que je suis s'est régalé devant ces véritables portraits d'animaux. Des portraits sur le vif, comme celui d'un lièvre courant sur la neige (tableau repris sur l'affiche de l'exposition). L'instant est saisi avec maestria.

Si vous voulez, sans sortir de Paris, vous offrir un véritable week-end à la campagne (avec une petite excursion en bord de mer), allez donc voir ces toiles fascinantes !

Jusqu'au 16 février 2025
Petit Palais Paris
de 10 à 12€ (Gratuit : - 18 ans)

En route vers la joie ! avec Nick Cave, Fontaines DC & Cassandra Jenkins

Le moral va sombrer vers des abîmes de tristesse. Heureusement Nick Cave est là ! Je n’ai pas encore bu mes trois Spritz autorisés ! Nick Cave et ses mauvaises graines ont décidé d’être joyeux. Ce qui n’était pas franchement gagné depuis quelque albums et la disparition tragique des fils du chanteur.

On était dans le noir complet et visiblement Nick Cave a trouvé une petite ampoule. De son éclat, il invente avec son groupe fidèle une dizaine de chansons qui semblent sortir d’une euphorie toute relative pour ce crooner de plus en plus chamanique ou christique. Il semble être le digne descendant d’un Johnny Cash : en vieillissant son charisme augmente et son aura le rend essentiel.

Ce 18ème album est donc une œuvre éclairée. Les musiciens reprennent le pouvoir dans une pastorale élégante. Les paroles sont étrangement optimistes. Un chœur supplante la voix toujours troublée de Nick Cave. Dieu serait sauvage mais l’écriture des Bad Seeds prend un nouveau tournant. Ce qui est franchement formidable après les derniers opus plus qu’élégiaques et torturés. Hé oui, c’est bien Nick Cave qui nous invite à sourire.

Eux aussi, ils n’avaient pas l’habitude de nous faire rigoler mais les Fontaines DC se sont faits un nouveau look pour signifier qu’ils avaient changé leurs habitudes. Les dandys sombres sont devenus pour leur 4ème album des punks californiens.

Les gars se prennent pour Sum 41 ou les Red Hot ! Mais le changement n’est pas si radical. On retrouve toute la verve littéraire qui a fait le succès de ce groupe irlandais populaire et exigeant. James Ford, complice de Gorillaz, transforme le quintet torturé en super groupe prêt à affronter les marchés internationaux. Les musiques sont plus abordables mais pas du tout honteuses.

Le groupe n’est pas l’ersatz du groupe britannique qui veut en découdre avec le reste du monde. Il conserve avec habileté son style post punk mais assez vivace. Le disque se nomme Romance et il est évident que Fontaines DC nous fait un peu la danse du ventre. Mais le rythme et les mélodies sont agréables et il est difficile de leur en vouloir : l’ambition les pousse vers nous un peu plus et sans se trahir. Eux aussi, par surprise, ont l’envie de rire pour cette rentrée.

Mais celle qui nous donne l'envie de plus sourire c'est l'inattendue Cassandra Jenkins et son album au titre tout aussi heureux : My light my destroyer. Cette fois-ci voilà une belle découverte à la rentrée : une petite nana l'air de rien, qui convoque Neil Young, Joni Mitchell et toute la pop la plus moderne. Le grand écart est périlleux mais il se révèle merveilleux.

Elle aurait pu rejoindre le supergroupe de l'année dernière, Boygenious. Encore une artiste au fort caractère, capable de répondre à toutes les contraintes de l'industrie et servir autre chose de de la soupe pour radio à tunnel de tubes. Son album est une magnifique piège. On devine de la pop et on se retrouve avec un truc indé, qui fait semblant de fuir dans tous les sens pour surprendre ensuite par sa cohérence.

Cassandra Jenkins assume une passion pour le jazz mais son album pique dans tous les styles avec une grâce assez rare. On se marre à écouter une réelle agilité. Elle bifurque sans arrêt mais ses mélodies restent très solides et entêtantes. Il y aussi des petits interludes qui mettent une ambiance si ouatée que l'on se met à penser à une lointaine cousine de Tom Waits.

Elle fabrique un petit univers bien à elle. Elle a laissé beaucoup de places pour nous. Par les temps qui courent, ce petit monde nous fera bien oublié le notre, un peu trop triste, un peu trop flippant. Et si Nick Cave se met à rire, autant dire que l'espoir d'un monde meilleur est certain... et les autres en sont la preuve. 

Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, Musset, Eric Vigner, Montansier

(c) jean_michel_ducasse_ville_de_pau

Thibault de Montalembert arrive par la salle, une bougie à la main. Ce clair obscur est assez joli. Il prend la parole et ce qu'il dit est assez obscur, aussi. Il parle de l'amour, de la passion, comme un poète, c'est-à-dire comme un mec qui aime aimer plus que l'être aimé.

Son costume est épouvantable, comme sa coupe de cheveux digne des années 90. Le comédien fut jadis Sociétaire de la Comédie Française, et cela s'entend. Il articule et surjoue la diction ampoulée du théââââtre classique.

Puis entre en scène sa partenaire, Christèle Tual. Tout deux, ils prennent des poses improbables, elle garde un bras grand levé pendant de longues minutes (mais pourquoi ? Un plaisir sadique de metteur en scène ? L'ambition de nous faire rire?). Montalembert se lance soudain dans une marche saugrenue. On se croirait alors dans le sketch "Ministry of silly walks" des Monty Python, sauf qu'ici le public n'est pas mort de rire.

A la quinzième minutes quelques spectateurs quittent la salle. Ma voisine ne peut réprimer un "j'ai envie de faire pareil !", mais je lui bouche le passage. Les lycéens au fond de la salle attendent sagement que cela se passe. Le public semble plongé dans une douce léthargie. Pour ma part, j'avais envie de rire très fort, mais j'étais au Montansier à Versailles, pas au théâtre de la Ville de Paris.

Et puis, vers la moitié du spectacle, je suis comme bercé par le texte d'Alfred de Musset qui se révèle intéressant. Le Comte déclare sa flamme à la Marquise et elle lui répond "Mon Dieu que vous m'ennuyez" ! L'auteur moque les hommes qui se ressemblent tous quand ils font la cour, qui mentent, qui enjolivent et prennent leur proie pour une gentille imbécile.

"C’est donc parce que je me suis trouvée seule que vous vous croyez tout à coup obligé, oui, obligé, pour votre honneur, de me faire cette même cour, cette éternelle, insupportable cour, qui est une chose si inutile, si ridicule, si rebattue. Mais qu’est-ce que je vous ai donc fait ?"

Il m'a semblé qu'Eric Vigner n'avait pas trop su comment monter ce texte spirituel (dans le sens d'à la fois intelligent et amusant). Je regrette que le metteur en scène n'ait pas davantage fait confiance à ce texte, et qu'il se fut senti obligé de demander à ses comédiens de jouer "comique".

Sincèrement, je ne vois pas trop comment on aurait pu monter cette pièce, et je me dis qu'au moins Eric Vigner s'y est colleté. J'ai donc fini par apprécier ce spectacle assez déroutant, à l'image du texte. Manifestement, je n'étais pas le seul car, à la fin de la représentation, les applaudissements étaient nourris,

Jusqu'au 05 octobre 2024
Théâtre Montansier Versailles
1h15 | de 15€ à 32€

Léonarde, La barbe du Houéran, Anne-Catherine Ott, Isabelle Bauthian, Drakoo

Léonarde est amie avec une princesse qu'elle emmène dans la forêt pour étudier les bêtes. Le roi n'est pas content, mais il lui fait grâce car elle est la fille du maître d'armes. Un jour, Léonarde se transforme en « Goupile » grâce à une formule magique volée au prince et elle part dans la forêt pour faire en sorte que les humains, les renards et les loups fassent la paix. 

Une histoire d'humaine qui se transforme en renard, moi je pensais que cela allait être une super BD ! Mais j'ai été déçue. L'histoire est ennuyeuse, tout le monde se fait la guerre. Les Renards et les Loups ne parlent pas la même langue et, franchement, je n'ai pas tout compris.

En plus, les dessins faits à l'ordinateur, ce n'est pas trop mon truc. Et j'ai trouvé les couleurs un peu trop criardes.

Norma (10 ans)

Paru le 10 janvier 2024
Drakoo Éditions
80 pages | 16,90€

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