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Une voisine idéale, The perfect neighbor, Geeta Gandbhir, Netflix

Les catalogues de nos chères plateformes sont remplis d’enquêtes criminelles et de true crimes. Cela participe au succès de ces médias. Au point d’en devenir caricatural, avec des films racoleurs et des documentaires spectaculaires. Ce qui n’est absolument pas le cas de La Voisine Idéale, enquête froide mais passionnante d’un crime ordinaire aux Etats-Unis.

La réalisatrice Geeta Gandbhir a l’idée simple et lumineuse de raconter son film avec uniquement les images de la police qui se promène avec une bodycam en permanence. Toutes les interventions sont filmées pour éviter les débordements ou servir contre toute contestation ou procès.

Les policiers du petit comté de Marion en Floride seront donc d’abord les observateurs bienveillants d’une guerre entre une femme acariâtre et ses voisins. Susan ne supporte pas que les enfants ne jouent pas loin de son terrain. Elle appelle dès qu’elle le peut la police pour se plaindre. Les interventions sont différentes et la police commence même à prendre parti pour les jeunes et les parents, victimes d’une vraie emmerdeuse.

Mais cette dernière va commettre l’irréparable. La colère monte. La peur aussi. Susan se dit être une voisine idéale mais elle tuera à travers sa porte, une mère de famille qui voulait apaiser les choses. Les images nous obligent à voir le drame dans son entièreté jusqu’aux larmes des enfants lorsqu’on leur annonce que leur maman ne reviendra pas. Les policiers joviaux vont devenir des enquêteurs coriaces eux-mêmes étonnés par certaines lois dangereuses de leur pays.

Le choc est immense car il n’y a aucun recul dans la réalisation. On est dans l'action. Pas de voix off. Pas d’analyse de spécialiste. Rien que les faits. Et ils n’ont de sens qu’avec un montage élégant qui montre mais n’oublie pas de suggérer. Car ce que l’on observe une fois de plus, c’est le racisme et la violence devenus un vrai système sociétal et politique. Le documentaire est très révélateur de cette Amérique trumpiste ou simplement aveuglée par la peur, le déclassement, la différence… bref, vous l’aurez compris, le film ne se prive pas de penser et de nous interpeller.  

Netflix - 2024

L’oiseau de Bergen-Belsen, Florence Schulmann, Géraldine Meignan, Éditions Grasset

Bergen-Belsen… Chez tous  ceux que l’Histoire intéresse, ce nom terrible incrusté dans le titre de l’ouvrage de Florence Schullmann évoque l’ignoble. L’innommable. Un camp de concentration. 

A l’heure où la haine refait surface, où la peur s’insinue à nouveau, il est bon de ne pas oublier que de tels lieux ont existé.  Mais ce livre n’est pas un livre sur les camps de concentration, de ceux qui racontent en détail, et vous laissent à la fin un sentiment de honte et de peine infinie.

Non, ce livre parle de courage et d’amour. Florence Schulmman a choisi d’évoquer avant tout ses parents. Sa mère, qui l’a mise au monde dans ce camp en mars 1945. Son père. Leur amour qui les a aidés à tenir, à vivre. Comme beaucoup de juifs en Europe à l’époque, ils ne croyaient pas qu’on les déporterait. Parce qu’ils étaient honnêtes, travailleurs, ne faisaient pas de bruit. En France, nombre de juifs se disaient que, parce qu’ils avaient eu la Croix de guerre en 1914-1918, ils étaient à l’abri. Les parents de Florence, eux, ont connu le ghetto en Pologne puis Auschwitz , avant d’être séparés et de se retrouver à la fin de la guerre.

Durant son enfance, Florence entend souvent ses parents pleurer. Avant elle, ils avaient eu un fils, disparu au moment des rafles. Florence va nier, taire, ce fardeau. Personne ne doit savoir qu’elle est née dans un camp.  Elle n’arrivera réellement à en parler qu’à ses 80 ans.

Le style est fluide, l’écriture simple, et ce livre, étonnamment, se lit très facilement. Il a quelque chose d’extrêmement lumineux. Chacun des personnages est évoqué avec une grande douceur. Et de la pudeur. L’auteure a choisi l’angle de l’amour et du courage. On y croise à peine des noms de nazis. Avec délicatesse, elle esquisse des images de tortures et d’assassinats. L’essentiel est ailleurs pour elle : des vies détruites mais reconstruites, malgré tout. Ses parents, après les camps, se sont installés et ont travaillé avec acharnement et réussi socialement. Ils sont allés savourer leur retraite dans le sud de la France. Florence, elle, aura un enfant. Un seul.

Ce livre est une belle leçon d’amour et de force pour les nouvelles générations et celles à venir. Afin que demain, après-demain, plus jamais, la folie des hommes ne rattrape tous ces gens qui ne demandaient rien d’autre que de vivre et d’aimer.

Paru le 26 mars 2025
110 pages, 14,90 €

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