Art-scène, Théâtre

40° sous zéro – Copi – Munstrum Théâtre – Louis Arene – Théâtre du Rond-Point

Cathartique, percutant. D’utilité publique !

40° sous zéro est un des petits bijoux de ce début d’année 2024 à ne pas manquer. Totalement fidèle à l’œuvre de Copi, avec un surréalisme, un humour trash et obscène cherchant à briser tous les codes, la mise en scène de Louis Arene parvient avec le spectaculaire Munstrum Théâtre à embarquer le spectateur dans un univers théâtral unique entre grotesque et œuvre esthétique d’une étrange et poétique beauté.

La création sonore de Jean Thévenin qui structure l’entrée des personnages et rythme certains tableaux avec des nappes sonores lyriques et de la musique techno, la création costume de Christian Lacroix, contribuent à ce voyage onirique en créant pour les deux pièces une continuité plastique à découvrir. Aussi étranges que les monstres de Jérôme Bosh et aussi fantastiques que les Mondes de Jodorowsky, les personnages dans une performance théâtrale défendent un texte qui veut se jouer de toute vraisemblance en toute liberté.

L’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer créée en 1971 résonne avec le mouvement Queer, en dehors de toute norme. Le jeu de François Praud dans Irina, objet marionnette sexuelle est particulièrement décisif et marquant. Il faudra toute la dérision et la vacuité du chien interprété par Alexandre Ethève, toute la cruauté de Madre jouée par Louis Arene pour rappeler que tout n’est que fable théâtrale, tragi-comédie. Un éloge de la laideur et du détour.

Dans Les Quatre Jumelles (1973), transportés dans un monde japonisant rappelant graphiquement le théâtre Nô des démons japonais, les quatre personnages déroulent un Feydeau surréaliste dans lequel la drogue est au centre d’une intrigue prétexte à une débauche de dialogues et jeux de scènes burlesques. Une fuite en avant sans fin qui se joue des morts scéniques et des rebondissements. Hors de toute vraisemblance mais avec une réelle nécessité dionysiaque.

Le spectateur rit, se tait, médusé devant la violence du verbe, bouche-bée devant des scènes flash d’une intense beauté dès que musique de Jean Thévenin et la lumière de François Menou s’en mêlent. La fraternelle beauté nait de la violence cruauté et du contraste permanent d’une scène ou tout semble possible. Proche à de nombreux moments d’une performance, la pièce finit sur un splendide tableau visuel après des mots qui rappellent le Indignez-vous ! de Stephan Hessel. Le Munstrum Théâtre proclame dans Les Quatre jumelles : « Nous sommes vivantes ! Nous sommes vivantes ! Réveillez-vous ! ». Un théâtre plus politique qu’il n’y parait. Percutant et d’utilité publique. Une partie des spectateurs ce soir-là applaudit debout.

NB : Après le salut, la Compagnie lira une lettre pour demander un cessez-le-feu inconditionnel pour la vie sur l’ensemble des territoires actuellement en guerre.

40° sous zéro – L’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer & Les Quatre Jumelles – Théâtre du Rond-Point Paris (theatredurondpoint.fr)


Tournée : 7 — 10 février 2024 Les Célestins, Théâtre de Lyon (69) // 13 et 14 février 2024 La Comédie de Valence, Centre Dramatique National (26)

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