19 secondes

Un court roman habile et bien écrit qui, en nous faisant les intimes de quelques passagers d'un wagon de RER, nous bouleverse imparablement à la seconde où le drame survient.

Cet après-midi-là, à 17h43, le RER Zeus doit déposer Sandrine sur le quai de la station Gare de Lyon. Gabriel sera là pour l'attendre. Si, effectivement, Sandrine est dans la troisième voiture en partant de la tête et qu'elle descend à sa rencontre, leur vie commune pourra continuer comme avant, mieux qu'avant, pour toujours. Mais si Sandrine choisit de ne pas venir, Gabriel saura qu'elle est déjà chez eux en train de faire ses valises. Il ne rentrera pas pour lui laisser tout le temps dont elle a besoin pour refermer ces années de vie commune.

Gabriel arrivé tôt, pour se donner le temps de repenser à leur histoire, a cet amour qui s'est émoussé. Mais le temps passe et Gabriel guette maintenant l'arrivée de Zeus. Trac, le train précédent, est passé. Zeus s'apprête à entrer à son tour en gare. Il reste dix-neuf secondes avant la tragédie…

En mêlant étroitement un terrible suspense dramatique (que va-t-il se passer au bout de dix-neuf secondes lentement égrénées ?) et une puis plusieurs histoires intimistes et privées, 02

En grand horloger céleste, il décompte les dix-neuf secondes capitales en autant de courts châpitres qui sont le reflet des pensées de ces passagers qui roulent vers leur destin. On se prend d'affection pour la jeune Sophie qui court vers Ludo, son amoureux, ou d'anthipatie pour Gilbert avec sa malette et ses plaisirs malsains. On se dit qu'Emmanuel est un type plutôt sympa et que la pauvre a peut-être raison de se détacher de Francis pour les beaux yeux de Gérard… Rien de bien important en somme, sauf que ces petits riens vous mettent par terre quand survient le drame. Nous sommes bouleversés par la destinée de ces inconnus qui ne le sont plus tout a fait. Pierre Charras nous a piégé, nous a ému…

145 pages - Folio

Partita 2, Anne Teresa DE KEERSMAEKER et Boris CHARMATZ

article_5267Une pièce que les deux chorégraphes travaillent depuis 2010 est l’occasion pour Anne Teresa De Keersmaeker de renouveler son dialogue avec la musique de Bach.

 

 

Un duo accompagné par la musique en live de la violoniste Amandine Beyer : pour la chorégraphe flamande, une nouvelle pièce travaillant les liens entre le mouvement et la musique, les infinies possibilités de faire de la danse un outil d’analyse visuelle de la musique.

Après s’être confrontée à la musique de Bach avec Toccata et, plus récemment, Zeitung, Anne Teresa De Keersmaeker choisit Partita 2 de Bach que la violoniste joue d’abord dans le noir absolu de la salle : une manière de proposer une immersion totale dans la partition sonore qui sera le point de départ de la danse en duo qui va suivre, longuement et dans le silence.

Partita 2 interroge la mémoire sonore et visuelle : comment regarder une partition chorégraphique composée à partir d’une partition musicale en les séparant dans un premier temps l’une de l’autre, en les faisant se succéder pour qu’elles se retrouvent finalement ensemble dans la troisième partie de la pièce.

Les deux danseurs jouent avec les nombreux cercles dessinés au sol et avec une seule source de lumière qui, de manière elle aussi circulaire, traverse petit à petit la scène. Les mouvements de De Keersmaeker et de Charmatz travaillent de l’intérieur la structure de la musique de Bach, ils en révèlent l’ironie, la joie, les répétitions, les moments de surprise.

Lorsque les deux partitions, celle musicale et celle chorégraphique, se retrouvent enfin unies, les spectateurs ont assisté à un long travail d’analyse, et les retrouvailles du son et des mouvements sont à la fois intrigantes et émouvantes.

Les créations de De Keersmaeker sont toujours un moment de partage avec le public d’une joyeuse et passionnante analyse structurelle de la musique à travers le plaisir de la danse, danse qui dans Partita 2 est faite de marches, de courses, de suspensions, de jeux de correspondances et de démarcations entre les deux danseurs.

Les pièces de la chorégraphe flamande oscillent savamment entre intelligence et émotion, entre distance et immersion.

 

Gloria Morano

© Etat-critique.com - 10/12/2013

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Un music hall féerique tiré d’une histoire pleine d’enchantement. Après 13 ans de triomphe à Broadway, il s’installe au théâtre Mogador à Paris. Une version fidèle au Disney et drôle par ses objets animés! (suite…)

Jeanne l’Etang, de Perrine Le Querrec

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Jeanne l’Etang se dévore comme un journal intime, brut mais d’une douceur poétique. (suite…)

École des femmes, Molière, Philippe Adrien, la Tempête

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Les délectables ficelles de l’intrigue de Molière mises en scène avec créativité et jouées avec talent. De quoi réveiller l’École! Incontournable pour les femmes comme pour les hommes!

La jeune Agnès à l’école de la vie. Entre Horace, jeune amoureux qui fait battre son cœur et le plus âgé Arnolphe qui a tout orchestré pour la façonner à son goût, son apprentissage va être formateur.

Dans la Cartoucherie, Philippe Adrien dirige avec brio le théâtre de la Tempête sans délaisser le temps accordé à la mise en scène. Son École des femmes, créé en 2013 avait connu un grand succès et été nominée aux Molières 2014 de la mise en scène du théâtre public et Molière 2015 de la révélation féminine pour Valentine Galey.

Comment s’y est-il pris ? En transposant l’histoire de l’école des femmes à la fin du XIXe. Les décors  de Jean Haas : la ferme, son potager, son linge sur la corde, semblent prendre vie sur scène. Les costumes de Cidalia Da Costa facilitent l’identification des comédiens aux personnages. Joanna Jianoux et Gilles Commode sont absolument truculents en Georgette et Alain. Chacun met sur scène l’énergie que mérite Molière en se donnant entièrement. Mention spéciale à la performance remarquable de Patrick Paroux rendant Arnolphe aussi agaçant qu’attachant.

Pourquoi monter l’École des femmes aujourd’hui?. Au-delà de l’intérêt des classiques du répertoire, parce que ce texte de 1662 a tant à dire à chaque génération. Molière adresse une critique à la société sur la place de la femme, son interrogation du rapport homme-femme continue d’interpeller plus de 3 siècles après. La savoureuse langue en alexandrins et en rimes reste un enchantement pour les oreilles, d’autant plus que le texte est ici parfaitement respecté et maitrisé. La vie surprend, joue des tours et dans la salle le public est conquis!

Les bancs de cette École vont être longtemps occupés par des spectateurs passionnés !

 

« Arnolphe : Pourquoi ne m'aimer pas, madame l'impudente?

Agnès : Mon Dieu! ce n'est pas moi que vous devez blâmer: Que ne vous êtes-vous, comme lui, fait aimer?

Je ne vous en ai pas empêché, que je pense.

Arnolphe : Je m'y suis efforcé de toute ma puissance; Mais les soins que j'ai pris, je les ai perdus tous.

Agnès : Vraiment, il en sait donc là-dessus plus que vous;
Car à se faire aimer il n'a point eu de peine. »

Pink Galina – Sarah OLIVIER – (La triperie-2013)

 Pink Galina

Une jolie gouaille à connaître !

Sarah Olivier sort Pink Galina un album qui mérite le détour à plusieurs titres. Tout d'abord la demoiselle a de la voix et sait l'utiliser. La tessiture est suffisamment ample pour permettre toutes les excentricités. On écoute avec plaisir toutes ses pirouettes et ses fantaisies. Ensuite le parcours théâtral de Sarah donne une couleur expressive pleine de culot à l'ensemble des chansons. On est proche de Catherine Ringer. Les textes en français évoquent l'histoire de femmes qui boivent pour oublier, prennent des risques quitte à se faire mal, victimes de la vie ou de l'amour. Noctambule mélancolique, Sarah Olivier amuse et nous entraîne dans un monde où le malheur flirte avec la poésie.

Une jolie humanité se dégage de l'ensemble. La musique alterne ambiance rock, chanson réaliste et tcha-tcha-tcha. Cette musique célèbre la liberté des femmes, leur sex-appeal, leur indépendance. On oscille entre chansons de coquettes, de cocottes de tripots et chansons planantes qui prennent le temps d'installer des mondes parallèles. La violence de certains textes est assumée. Sarah Olivier nous offre une belle ode au mythe d'Ophélie en fin d'album, une fin aquatique. Nous ne sommes pas jamais dans un pathos cathartique qui dérangerait, nous sommes dans une représentation habilement orchestrée et mise en scène.

Le ton est donné. Une fantaisiste est née. La vie est croquée à pleine dent avec un talent musical évident. Sarah Olivier est à suivre de près. Succès en vue.

http://www.saraholivier.com/

 

 

Le Plancher, Perrine Le Querrec

le plancher

« Alexandre, Joséphine, Paule, Simone et Jeannot : il y avait une histoire où les parents étaient heureux et Paule, Simone et Jeannot trois enfants gais et insouciants. Mais on n’était pas dans cette histoire-là. »
(suite…)

Elena’s Aria, Anne Teresa DE KEERSMAEKER et Compagnie ROSAS

article_4951La chorégraphe belge repropose en tournée ses premières créations, pour montrer à rebours le fil conducteur de son travail.
Elena’s aria est la troisième création en date d’Anne Teresa de Keersmaeker, conçue en 1984. A l’époque, ce spectacle a reçu un accueil très froid lors de sa première présentation. Et pourtant il ne s’agit pas d’une erreur de parcours, après le succès de Fase et de Rosas danst Rosas: c’est avec cette pièce qu’Anne Teresa de Keersmaeker signerait son idéal de la danse, exprimerait sans ornements thèmes, gestes et rythmes qui lui tiennent à cœur et font sa personnalité d’artiste.

L’expérience que le spectateur fait d’Elena’s aria est curieusement pénible. Plusieurs personnes quittent la salle très rapidement, découragés par le côté fragmentaire, énigmatique et âpre des gestes accomplis sur scène. Notre idolâtrie absolue pour cette figure de la danse contemporaine nous fait résister, elle nous pousse à affronter la pesanteur de ce spectacle, à vivre cette épreuve avec masochisme, interrogations et fascination.

Une musique très faible, des années 30, accompagne parfois les cinq danseuses sur scène, interrompue par de longues minutes de silence, interminables, quand ce n’est pas par le bruit fastidieux d’un énorme ventilateur, actionné par les danseuses elles-mêmes, qui sont d’ailleurs constamment occupées par la scénographie qui les entoure. Des chaises. Un fauteuil dans un coin avec une lampe de lecture. Un cercle dessiné au centre de la scène. Et c’est tout.

On reconnaît par moments la sérialité des gestes typiques, la rupture des mouvements en cours, la cassure d’une posture digne, pour découvrir les possibilités du corps, les directions qu’il peut prendre.

Ce spectacle transmet une image de femme assez mélancolique : c’est la demoiselle de la ville qui, talons hauts et robe serrée, marche en rond et se brise, hystérique ; on pourrait voir en elle les formes d’une mère de famille ou de femme au foyer, négligée et épuisée.

Alors que dans Fase et Rosas danst Rosas, on appréhendait immédiatement la composition globale que la chorégraphe avait conçue, en travaillant la sérialité et la géométrie de l’espace scénique, dans Elena’s aria il est très ardu d’intégrer la structure générale de la pièce qui ne se dévoile que très tard aux yeux du spectateur. On imagine bien l’avant-garde qu’une telle construction pouvait représenter en 1984, en opposition radicale avec les créations précédentes, l’homogénéité joyeuse des gestes des danseuses et la plénitude du dialogue entre musique et mouvements que l’on avait découvert chez cette jeune chorégraphe belge.

Avec cette nouvelle pièce, Anne Teresa De Keermaecker fuyait la facilité, questionnait la fragmentation et la mélancolie. L’emploi d’images de chutes de bâtiments projetées en 16mm, la voix de Fidel Castro, les lectures de textes de Brecht, Tolstoï et Dostoïevski participent à cette fragmentation du sens et du rythme. C’étaient les prémices de ses recherches postérieures qui perdurent dans ses créations plus récentes, comme En atendant et Cesena.

 

Flavia Ruani et Gloria Morano

© Etat-critique.com - 24/05/2013

Matthieu Boré au Sunside / Matthieu Boré QUARTET

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Il y a de la joie au Sunside !

On avait beaucoup aimé Frizzante, son album paru en 2010, quand on a su qu'il passait au Sunside pour trois sets de musique comprenant son denier album, on n'a pas hésité à prendre des places pour la rédaction. Le 60 rue des Lombards est plein. Mojitos, bières, petits vins blancs frais. Matthieu Boré au piano et au chant. Tony Match à la batterie. Le compagnon de route de Matthieu est là aussi, à la contre-basse, le bien nommé Stephen Harrison. Toujours la même classe digne d'un polar à Chicago. Et à la guitare, le bluesman, Stan Noubard Pacha.

Tous les ingrédients sont là pour que une soirée jazz en bonne et due forme. Dès le premier set, le quartet enflamme le public. Matthieu Boré, pétillant, reprend des chansons de Frizzante mais aussi de Roots, son dernier album. De très belles reprises. Si Georgia est en-dessous de l'interprétation du Genious, Ray Charles - comment dépasser, réinterpréter ce morceau d'anthologie ?- les reprises de Prince - Girls and Boys- et surtout de Terence Trente d'Arby - Sign your name- sont de vraies redécouvertes. Grande surprise avec Wake me up de Geroges Mickaël qui amuse beaucoup ma compagne. Celle-ci me glisse à l'oreille que tout le monde devrait avoir ce morceau dans sa voiture le matin pour attirer la bonne humeur.

Les duos vocaux de Matthieu Boré et de Stephen Harrison sont un vrai plus. Quant à Stan Noubard Pacha, il illumine très souvent chaque morceau de chorus improvisés particulièrement en phase avec le phrasé et le swing naturel de Matthieu Boré. Le blues de Stan Noubard Pacha et son touché aussi sensuel que pêchu apportent une couleur supplémentaire à l'ensemble. On sourit, on applaudit des riffs parfois directement inspirés de John Lee Hooker. Deux spectateurs dansent dans la salle. Il y a de la joie au Sunside. Le Trenet du Jazz s'amuse à en perdre ses musiciens qui lui courent après et le regardent souvent en fin de course pour repérer la ligne d'arrivée. Ces fins qui ressemblent parfois à des dérapages contrôlés !

Le Sunside est une petite salle qui permet de rencontrer facilement les artistes entre deux sets. On ne peut que vous conseiller d'aller écouter le quartet de Mathieu Boré. Plaisir garanti. Un jazz vivant, facile d'accès et énergisant.

10 questions à Matthieu Boré

ROOTS

 

 

 

 

Pour la sortie de son dernier album, Roots, Matthieu Boré répond à notre "10 questions à"...
Bonjour, Matthieu Boré ! Vous êtes assis confortablement ? Bon, alors voilà : Etat-critique.com a une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer… et dix questions à vous poser. On y va ?

D'abord la mauvaise nouvelle : la fin du monde est pour la semaine prochaine.

Maintenant, la bonne nouvelle : vous serez la seule survivante (ou presque) et vous avez, en plus, le pouvoir de sauver 10 monuments de votre Panthéon personnel.

Voici les thèmes, à vous de désigner (et de commenter) les heureux élus !

1.      Le disque que vous souhaitez sauver ?

Le disque dur de mon ordinateur, j'y ai archivé un nombre incalculable de chansons, j'aurai ainsi le choix de la musique en fonction de mon humeur.

2.      Le film que vous souhaitez sauver ?

Un film de Franck Capra, Monsieur Smith au Sénat s'il fallait en choisir un, pour garder foi en l'Homme.

3.      Le livre que vous souhaitez sauver ?

Je pense que ça serait un dictionnaire, le Petit Robert sûrement, en plus des définitions et des étymologies il y a plein de citations.

4.      La bande dessinée que vous souhaitez sauver ?

Une BD de Manara pour se souvenir de la beauté des femmes.

5.      L'homme que vous souhaitez sauver ?

Adam...

6.      La femme que vous souhaitez sauver ?

...et Eve

7.      L'objet, le lieu ou le monument que vous souhaitez sauver ?

La statue de la liberté, comme ça je pourrais rejouer quand bon me semble la scène finale de la planète des singes.

8.      L'émission de télé que vous souhaitez sauver ?

Le muppet show, parce qu'absurde et désopilant et que les numéros musicaux sont exceptionnels.

9.      Le plat que vous souhaitez sauver ?

Une tranche de foie de veau et du "corn on the cob", le plat que me préparait ma maman.

10.     Votre œuvre personnelle que vous souhaitez sauver ?

Sincèrement aucune, de toute façon il y aurait tout à inventer, je pourrais donc essayer de me faire passer pour Mozart ou Ray Charles (rires).

Merci Matthieu Boré !

Nous transmettons votre liste à qui de droit…

 

 

Propos recueillis par Sébastien Mounié

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