Superman, James Gunn, DC Comics, Warner Bros.

Le retour de Superman ! Avec son super chien ! Et un super gang ! Et un super réalisateur ! Est ce que ça donne un super film ?

Un blockbuster par semaine. Hollywood sort l’artillerie lourde et les franchises sont de nouveau sur le devant de l’affiche. James Gunn, réalisateur des Gardiens de la Galaxie, est devenu le manitou de DC Comics, concurrent de Marvel et studio qui nous pond des nanars honteux depuis quelques années.

A lui la lourde tache de nous faire oublier Flash ou Justice League. A lui de nous montrer autre chose que des Batman qui font la tronche ou des Wonder Woman paumée dans les années 80. En quelques films, DC Comics a perdu tous ses avantages. En 2025, Superman doit absolument relever ces monuments de la pop culture.

Comme il est l’homme le plus puissant de la planète, ça devrait être facile. Mais méfions nous, à l’heure des réseaux sociaux, l’idéalisme d’un tel super héros pourrait être le piège ultime pour un retour pas si attendu que cela !

Heureusement James Gunn est là. Lui, la contre culture, la geek culture, la pop culture, c’est sa spécialité. Il a commencé chez Troma, boite de prod fauché et culte (les Toxic Avengers c’est eux). Il a scénarisé des choses honteuses comme Scooby Doo. Il a réalisé une série B mythique, Horribilis, qui continue de transpirer dans ses nouveaux projets actuels.

James Gunn aime les spectacles fun et il a prouvé avec Les Gardiens de La Galaxie qu’il était à l’aise sur les gros budgets ambitieux et commerciaux. Le gars ne se perd jamais avec ses ambitions: il adore filmer des histoires avec des héros déréglés et des monstres gluants. Sa version pulp de Suicide Squad est un petit bonheur de plaisirs coupables, servis à la mitraillette.

Loin de Marvel, il semble avoir les mains libres pour remettre Superman au gout du jour. Il y arrive avec une facilité déconcertante. Les cyniques ne devraient pas supporter cette version qui joue à fond la carte de la bande dessinée. La première scène donne le ton avec un chien capé, des robots datés et un Superman qui assume bien la culotte rouge par dessus les collants bleus. Houlà, James Gunn joue avec le feu. Mais il met un rythme tel que l’on accepte très facilement les concepts simples et kitsch de ce super héros, plus américain que tous les conservateurs réunis.

Et il ne faut pas s’étonner que cette version agace Donald Trump ! Superman, c’est un peu Forrest Gump : un type qui avale naïvement tout ce qui fait l’American way of life. Il défend des idées simples mais humanistes. Il traverse les épreuves avec une candeur qui ne peut que rendre fou de jaloux un ignoble capitaliste comme Lex Luthor, version chauve d’Elon Musk.

Oui, Superman, et surtout ce qu’il représente, peut vivre à notre époque. James Gunn a juste une très bonne idée : son film est politique et ne veut jamais chercher une neutralité frileuse. C’est bien un blockbuster qui évoque le monde réel, même s’il y a des Kaiju, un chien qui vole, des super héros un poil ringards et une musique qui bidouille les hymnes grandioses de John Williams.

Il y a des moments assez moches et des propositions qui sont assez limitées en termes de production. Pourtant le film semble être fait de conviction. James Gunn ne recule devant rien pour mettre en avant la mythologie de Superman et se permet de ne pas se cantonner aux modes mais plutôt célébrer un personnage décalé car finalement on lui reproche d’être un étranger, en permanence. Vaillant, il s’obstine à être le dernier boy scout, le ciment d’une idée de la justice et de la droiture. Plus américain que toute la population de Metropolis.

Ce n’est pas forcément subtile mais James Gunn semble avoir compris que ce personnage est avant tout un symbole. Est ce que ça fait un bon film ? Pas sûr. Il y a des longueurs et beaucoup de personnages fatigants. L’humour est parfois forcé. Mais c’est toujours mieux que le sérieux douteux de Zack Snyder, réalisateur précédent de la saga. Ici, c’est la naïveté qui l’emporte. Par les temps qui courent cela fait du bien. Et Gunn réussit à imposer ces visions parfois étranges et poétiques.

Pas un super film, c’est certain. Mais un excellent moment qui confirme tout le bien que l’on pense d’un réalisateur passionné.

Au cinéma le 09 juillet 2025
Avec David Corenswet, Rachel Brosnahan, Nicolas Hoult et Nathan Fillion - Warner Bros - 2h

Sinners, Ryan Coogler, Warner Bros

Des vampires mélomanes au temps du KKK, au milieu des champs de coton. L’impeccable Ryan Coogler s’essaie désormais au film d’horreur et ça fonctionne, avec un hommage vibrant à la musique américaine. En sortant de la projection, on peut faire la danse de la joie.

Car Sinners est une très bonne série B. Comme on n’en fait plus. Ça dure plus de deux heures. Il y a des gros mots, des moments salaces, et de l’hémoglobine peu esthétique. Ryan Coogler, du haut de ses 38 ans, montre bien qu’il est le rejeton surdoué de Spike Lee et du regretté John Singleton. Entre ses mains, il pétrit tout ce qui fait la culture noire américaine. Son premier film, Fruitvale Station était un film social accablant. Creed faisait revivre la magie de Rocky. Black Panther ramenait les stéréotypes du super héros en Afrique. La culture populaire semble passionner le cinéaste qui s’essaie donc au film d’horreur.

Mais il va chercher son inspiration vers les anciens : on pense très fort à John Carpenter. Ils ont le même art de synthétiser une pensée sur des images et du son. De façon quasi minimaliste. Même s’il faut faire de la place à l’égo de la star Michael B. Jordan (lui aussi dans tous les films de Coogler).

Ce comédien, lui aussi devenu une star de cinéma confirmée, semble atteint du syndrome de Jean-Claude Van Damme. Il se dédouble à l’écran. Comme il est de toutes les scènes et peut démontrer l’étendue de son talent. Il faut l’avouer : il se débrouille très bien pour interpréter des jumeaux qui reviennent dans le sud ségrégationniste pour prendre leur revanche sociale. Ils sont partis faire la guerre (la première mondiale), ils furent gangsters à Chicago, ils veulent désormais tenter leur chance dans leur bled perdu en montant une boite de blues.

Les ennuis s’accumulent jusqu’à faire venir un vampire irlandais. Et oui, la musique est bien celle du diable et nos jumeaux vont avoir de sérieux problèmes non pas avec les fascistes du coin mais une créature assoiffée de sang et de musique. Car Coogler rend hommage aux traditions américaines : du cinéma d’horreur au bon vieux blues. Là encore, on pense à la démarche artistique de John Carpenter qui réalisait mais aussi s’occupait de la musique.

Et tout ceci politise un film qui ressemblerait à une version Crossroads d’Une Nuit en Enfer. Les amateurs de blues vont devoir faire face à une horde sanguinaire. La mise en place est habile car elle prend son temps pour installer ses personnages, attachants et pathétiques en même temps. Mais à aucun moment, on voudrait être à leur place que le vampire apparaît. Coogler offre un joli moment de terreur, bien fichu et sacrément bien interprété.

Sans s’attarder sur le sens social de l’œuvre, il met en avant l’importance de la musique dans la société, la communauté mais aussi les luttes et les révoltes. La toute dernière scène est totalement jubilatoire sur le sujet en utilisant le visage fatigué mais farouche du musicien Buddy Guy. Coogler est peut être un auteur roublard mais tous ses films, il défend des idées et des idéaux. Il a un sens de la mise en scène assez prononcé et sait faire un spectacle sans abrutir le spectateur.

Bien au contraire, en jonglant depuis le début de sa carrière, avec les clichés sur l’Amérique noire, il questionne, divertit et réconforte. Son cinéma est populaire dans le bon sens. Sinners est une vraie bonne surprise… qui réconcilie presque avec l’esprit de l’Amérique. 

Au cinéma le 16 avril 2025
avec Michael B Jordan, Hailee Stenfield, Jack O’Connell et Delroy Lindo
Warner Bros - 2h15

Lilo & Stitch, Dean Fleischer Camp, Disney

Disney continue de recycler son répertoire avec des Live Action. Cette fois-ci, c'est donc la petite créature bleue que l’on voit sur tous les t-shirts des enfants de moins de sept ans qui a le droit de donner la réplique à de vrais acteurs…

La jeune comédienne qui joue Lilo est insupportable. Elle n’y est pas pour grand-chose mais on n’est pas loin de la grimace constante. Elle gigote. Elle fait des caprices. Elle est sans nuance. Il est certain que le sympathique Stitch l’écrase de toute sa présence numérique.

Il nous rassure. Il conserve tout le charisme poilu qui faisait le charme du dessin animé. Il y a même certains moments où il ressemblerait à un cousin un peu niais des Gremlins. Comme eux, il fait sauter les conventions d’une Amérique bien sage par des farces grotesques. Mais on n’est pas chez Joe Dante. Lilo et Stitch n’est pas Explorers, le chef d’œuvre de Joe Dante sur la solitude de l’enfance.

Non, nous sommes dans un bon gros spectacle calibré pour le Monde entier. Le réalisateur fait bien attention de garder l’esprit bienveillant du dessin animé. Le film est un copié/collé qui fait bien attention de ne pas déborder des cases.

Il y a bien deux ou trois blagues en plus mais sinon c’est d’une sagesse presque affligeante. Une fois encore, chez Disney, on ne veut pas choquer. Ne pas inquiéter. Ne pas interroger. Lilo et Stitch continue d’être une jolie histoire d’amitié et de famille.

Dean Fleischer Camp est un bon technicien mais n’apporte strictement rien en comparaison avec le dessin animé. L’interrogation reste la même : à quoi ça sert de faire la même chose sur un support visuel différent ? Encore une fois, lorsque Kenneth Branagh refait Cendrillon, il apporte son expérience et sa sensibilité. Ici, le réalisateur est bien trop tendre pour montrer une fiction un poil (pardon c’était tentant) différente.

Donc c’est avec un ennui poli que l’on suit les aventures de Lilo, la petite fille mal aimée et de Stitch, l’extraterrestre le plus baveux de la galaxie, après Alien, sur une petite île du Pacifique. C’est toujours exotique mais le sentiment de déjà vu submerge l’ensemble. Aucun intérêt.

Au cinéma le 21 mai 2025
Avec Maia Kealoha, Sydney Agudong, Tia Carrere et Courtney B Vance
Disney - 1h45

Thunderbolts*, Jack Schreier, Marvel Studios

Regarder un film Marvel actuellement relève du supplice. Grosse lassitude autour des super héros qui sauvent le Monde sans aucune originalité. La déprime nous guette devant de si fades spectacles. Thunderbolts* a visiblement bien compris le message et propose une étonnante thérapie de groupe !

En terme d’action, le nouveau film Marvel, de la phase 6, du Multiverse, de l’après Avengers, de “on ne sait plus quel concept foireux”, ne propose pas de grandes surprises. Il y a des explosions. New York subit une nouvelle attaque. Des figurants se font dézinguer sans une trace de sang. Les personnages principaux sont d’une souplesse ahurissante pour se battre et les effets spéciaux ne sont pas particulièrement innovants.

Rien de nouveau dans ce 36e film de l’univers Marvel à une exception près : tous les super-héros sont détraqués. Ils souffrent. Physiquement et mentalement. C’est un peu normal : ce sont tous des seconds couteaux. Les Avengers n’existent plus. L’équilibre du Monde tient donc avec des super héros un peu à la ramasse et incapables d’assumer leur statut.

Par exemple Bucky, le soldat de l’hiver, ami proche du Captain America, de tous les combats dans l’univers Marvel est devenu un politicien maladroit. Et il rêverait presque de travailler avec les Thunderbolts: des super héros mal aimés, aperçus dans des films précédents et des séries pas passionnantes. Eux, ils en ont gros sur la patate. Au point que l’enjeu du récit soit tout simplement la santé mentale de ces drôles de héros.

On exclut le Red Guardian, caution comique et lourdingue du récit, mais finalement l’enjeu se porte bel et bien sur le retour à la vie de quelques héros, assez écorchés et désespérés. Effectivement, ils servent les intérêts d’une méchante qui décide de se retourner contre eux. Mais bien avant cela, on comprend dans l’histoire, la détresse des personnages. C’est la grande idée de ce film malade mais qui se soigne.

Le réalisateur méconnu Jack Schreier construit ce nouveau groupe de super-héros autour de leurs failles, leurs doutes et une vraie schizophrénie s'installe entre l’image et la vérité de leurs talents. Le vilain de l’histoire suit lui aussi un parcours similaire. On est dans une véritable psychanalyse. L’enfance. Les parents. Les traumas. Les souvenirs, les rapports avec les autres. Tout y passe.

Et cela fonctionne plutôt bien. Les personnages deviennent attachants. Tout ce qu’il manquait aux derniers films, bides justifiés. Le réalisateur se joue du cahier des charges pour appuyer son propos sincère sur la santé mentale. Et les acteurs sont simplement épatants avec une Florence Pugh délicieusement cynique. Face à elle, on appréciera la délicatesse de jeu de Lewis Pullman (fils de Bill), parfait en méchant qui s’ignore.

Ce film fonctionne un peu à l’ancienne. Sans grande fioriture. Marvel ravale un peu sa prétentieuse gloire et offre une parenthèse presque enchantée avec des personnages qui font l’action et la tension de l'œuvre. Thunderbolts* ressemblerait presque à un vrai film et non un produit de consommation. Comme quoi un bon psy, ca fait forcément du bien. 

Au cinéma le 02 mai 2025
avec Florence Pugh, Sebastian Stan, Wyatt Russell et Lewis Pullman
Marvel - 2h06

Du courage, bordel !

ll y a des personnes qui vous jugeront pour vos fautes et vos torts. Ils vous mettront face à toutes vos faiblesses. Ils marqueront vos ambiguïtés; vos lâchetés et vos tristesses. Il y a des artistes qui partagent toutes leurs douleurs avec une délicatesse qui aide à passer le cap, à remettre en question doucement mais sûrement nos humeurs et nos facilités. La vie n’est pas tendre mais les artistes le savent aussi et transcendent cette douleur.

Julian Baker & Torres sont de ces auteurs qui n’aiment pas la facilité. On voudrait les suivre dans leur courage à retourner les préjugés et les traditions. Le duo se la joue donc country mais avec une modernité qui va mouiller les yeux : les voix se conjuguent avec une grâce difficile à imiter.

Leur œuvre commune est politique. C’est très beau mais en plus ça balance en plein milieu de la Trumpmania. L’homophobie, la méchanceté, la radicalité: les mots sont doux mais ils ont une portée et un sens. Elles savent ce qu’elles font et elles le font bien. Face au vent, elles semblent résister avec une aisance musicale impressionnante. A la violence, elles répondent par une politesse qui force le respect et surtout impose de biens jolies mélodies qui devraient survivre au temps.

Tout comme l’œuvre discrète mais apaisante du groupe Beirut. Derrière, il y a l’américain Zach Condon qui continue de se triturer les états d’âme sur des morceaux délicats et qui demandent plusieurs écoutes pour trouver la richesse d’une humanité en souffrance.

Ce nouvel album est un concept pour l’adaptation suédois d’un roman allemand. C’est une bande son où les instruments sont en toute liberté. Et pourtant on y entend bien un auteur qui fredonne à l’oreille de nos spleens, nos complaisances et nos petits bonheurs.

Beirut a toujours eu cet art de ne pas faire dans la démonstration et de comprendre que c’est dans les nuances que se trouvent la beauté. C’est un groupe a qui toujours nourri un trouble musical et existentiel mais cet album est réellement doux et pas déboussolé. Il apporte une vraie tendresse là où l’on devrait toujours s’emporter. C’est beau. Rien de plus.

Rien de nouveau non plus chez Neil Young. Coastal est la bande son d’un documentaire sur sa dernière tournée solo en 2023. Et vous savez quoi? Bah ça réveille les consciences et les manies du vieux Loner ressemblent à une éternelle jeunesse. Subtile, il reprend cette fois ci des titres que l’on entend pas toujours sur scène.

On est donc pris de court avec I’m the Ocean, titre composé avec Pearl Jam. Il reprend d’autres titres de cette période et montre toujours ce courage et cette détermination. Neil Young ne baisse jamais les bras. Il fouille dans son énorme répertoire pour continuer à montrer sa motivation et son gout des bonnes choses.

Bientôt octogénaire, sa musique continue de tancer nos certitudes et secouer nos envies d’un meilleur monde et le plaisir de s’imaginer être une meilleure personne. C’est incroyable cet humanisme qui continue de respirer chez cet homme. La croyance en l’Autre. L’espoir. L’optimisme. Les titres revisités sont moins connus mais nous entrainent une fois encore dans cette douce farandole un peu hippy mais d’une authenticité débordante de vie. La musique est vraiment un baume qui fait du bien. 

Elle ne vous rassurera pas mais elle vous mettra dans le bon état d’esprit. Ces trois albums ne veulent pas vous faire du bien. Ils sont bons. Ils véhiculent de douces pensées qui ne peuvent pas vous faire du mal. Ils vous expliquent que le monde est dur mais pas besoin d’être aussi rude que lui. Du recul, de la beauté et de la musicalité… un petit havre de paix s’offre à vous dans chacun de ces efforts à rendre le monde meilleur.

Un Gene et ça repart !

Gene, la voix du peuple

Si je vous dis britpop, vous allez obligatoirement me répondre Blur, Oasis, Pulp (attention come back attendu prochainement) ou Supergrass. Mais de toutes les manières, dans cette période, l’un des plus grands albums est l’effort populaire et élégant de Gene, petit groupe qui restera discret mais qui avec Olympian montre les bienfaits subtiles de la britpop.

Gene est un pur produit de la période 1990 2000 de la scène londonienne. Des types très classes qui jouent une musique classieuse, qui se glisse entre les Beatles et des traditions de gros lads. Ils aiment les discours engagés et les guitares qui résonnent aux quatre coins de la pièce. Martin Rossiter est une sorte de Morrissey qui a les pieds sur terre. Le reste du groupe fonctionne à l’énergie pure, venue des pubs et des galères sorties d’un film de Ken Loach.

Gene UK Band 1995 Haunted By You

Olympian est forcément une pierre angulaire de cette période. Les Smiths percutent les Stone Roses. Le cœur, la pierre, l’intelligence, le désir, le haut, le bas, les bas fonds et les désirs de grandeur se roulent dessus dans chacune des chansons. Rossiter est un dandy musical comme on n’en fait peu.

La voix est un fouet. Elle se retourne contre son maître. On est pas loin du cliché avec un accent prononcé mais elle se plante délicatement dans notre mémoire. Impossible d’y trouver autre chose qu’un mélange de force mais aussi de nuance. La voix a une façon de nous guider dans l’inconscient britannique qui n’existe dans aucun autre disque de cette époque. Les frères Gallagher se sont fait doubler. Morrissey prend effectivement un coup de vieux. Et les mignons de Suede ne pèsent pas lourd face à ce quatuor de Londres. En 1995, Gene révèle une montagne qui impressionne encore à l’aube de ses 30 ans.

Deux ans après leur chef d’œuvre, Gene est obligé de trop en faire. Drawn to the deep End est l’archétype du second album. Plus long. Plus démonstratif. Plus risible. Et finalement plus sympathique que la plupart des albums de cette époque.

Car Olympian est un album qui a mis la barre a un sommet sur lequel le groupe ne pourra jamais grimper à nouveau. Alors autant se promener autour des sommets. Martin Rossiter devient le guide de cette vieille Angleterre qui sait nous sortir de terre des types charismatiques au milieu de lieux communs.

Le guitariste Steve Mason semble poursuivre le chanteur avec une cascade de décibels qui hérisse les poils et montre toute la volonté de coller aux baskets d’un monde populaire, simple et cinglant. Plus que les autres, Gene a vraiment du caractère. Au bout de 30 ans, leur musique subsiste et continue de se construire dans nos têtes. Ce n’est plus un groupe, mais un manifeste d’une Angleterre peuplé de petites gens et de lads glorieux. Gene va au delà du cliché avec une verve unique en son genre.

Gene - We Could Be Kings (Official Video) HD

Bon, évidemment que l’on essaie dans cet article de réhabiliter la bonne parole de Martin Rossiter et de son groupe ! Mais leur troisième album sera aussi une petite bombe de pop qui sent bon les plaisirs coupables du Royaume Uni. Rossiter s’est coupé les cheveux et maintenant assume son coté lads jusqu’au bout des polos Fred Perry. La musique se radicalise avec des hymnes assez politiques et toujours aussi lyriques.

Ce petit groupe de Londres entame un troisième album qui se révèle aussi percutant que les autres. On se promène dans les rues de l’Angleterre et les terres pas si fertiles d’un monde en déclin. Rossiter roule des mécaniques mais il est toujours accompagné d'un groupe fidèle qui a des ressources insoupçonnables.

En quelques mois, le groupe a fait sortir une vraie mélancolie qui a remplacé le cynisme des débuts. Comme Springsteen, le groupe sait faire autre chose des clichés et des stéréotypes. La chaleur de la voix rassure et montre presque un nouveau monde. Trop talentueux, le groupe explosera quelques années plus tard. Dans leurs trois disques, il y a beaucoup d’attitudes mais elles sont sincères et d’une musicalité si directe qu’elle ne peut que vous accompagner toute votre vie.

Gene - You'll Never Walk Again And We Could Be Kings - Reading Festival 1999 Live Martin Rossiter

Weller, l’autre Paul de la Pop anglaise

Une voix qui rassure

Tout le monde fait le même constat. On nous cache tout on nous dit rien. Plus on apprend, plus on ne se sait rien. On nous informe vraiment sur rien. Alors il y a des voix qui nous inspirent et qui nous rassurent. Il y a des histoires, des chanteurs, des artistes qui nous apaisent et nous ressemblent… ils ont eux cette voix. Celles qui nous éclairent sur nos vies, nos quotidiens et surtout qui nous rassurent.

Paul Weller est l’une de ces voix. Voilà un type adoré de tous et pourtant d’une humilité qui lui donne un éclat particulier. Paul Weller, Modfather, vénéré par les frères Gallagher et tous les musiciens d’Angleterre. Un type qui pond un hit l’air de rien, parce qu’il observe la politique, la société et voue un culte à ses ancêtres musiciens. Paul Weller, le héros qui ne veut pas l’être, l’artiste qui a la rue dans le sang, le musicien qui ne peut pas s’empêcher de triturer son style et ses passions.

Car finalement Paul Weller s’est libéré le jour de la sortie de son tout premier album solo. Avant il était le lads élégant de The Jam, groupe qui devait prendre la relève des Clash. Il devait conquérir le royaume avec son groupe ajusté à sa personnalité, The Style Council.

Mais après une longue pause, Paul Weller est revenu avec un album éponyme qui a montré qu’il était une voix, un style et un parcours. Le punk déluré est passé. Ce que l’on a à la place, c’est une douce white soul, bourrée d’énergie, où le bougre ne semble croire qu’en la symbiose de musiciens.

La pop se frotte à tous les styles et la voix de Paul Weller est bien entendu celle du peuple mais aussi celle d’un artiste itinérant qui veut simplement dire qu’il ne va pas s’arrêter au succès mais coller à toutes les réalités de la musique. Intéressant. Personnage qui s’exprime en pleinement en live, Paul Weller glisse posément sur l’acid jazz mais les propos gauchos montrent une forte personnalité qui n’a pas peur de défendre une espèce de Rythm & Blues britannique.

Ce que va confirmer son chef d’œuvre, l’album Wild Wood, véritable besoin d’identité et d’authenticité chez l’artiste, déjà culte chez tous les amateurs de la Britpop. Car les guitares caressent les idées très personnelles du chanteur. Paul Weller se fait rageur et caressant sur chacun des morceaux et trouve les cieux cette poésie populaire so british. C’est son premier album où toutes les influences se conjuguent. Le premier album solo était charmant. Ici, il n’est que exaltation. L’artiste assoit son autorité et sa volonté de tout mélanger. Ce sera la marque de fabrique de Paul Weller. La guitare explore, la voix rassure mais il faut surtout ne jamais s’arrêter de conjuguer, extrapoler et surtout renouveler une idée de la musique.

Le succès n’a jamais vraiment intéressé Paul Weller mais chacun de ses disques répond aux autres avec une nouvelle proposition. Cela ressemble mais ce n’est jamais la même chose exactement. La redite est interdite chez Paul Weller, personnage en mouvement permanent, incapable de se freiner sur un genre. C’est ce qui rend sa discographie passionnante: Paul Weller cherche et trouve. Et surtout ne s'arrête jamais. Wild Wood c’est du concentré de Blues mais tellement britannique.

Alors ça donne quoi Paul Weller en 2025? Il tourne toujours et encore. Il a accepté d’être le pape du british rock. Il est devenu un stéréotype de la pop anglaise mais il vieillit à la manière d’un Neil Young. Il est prolifique et continue de bibouiller sa propre musique, l’emmener vers des contrée surprenantes. En 2024, il a sorti l’album 66. Il s’y montre calme et toujours déterminé. L’homme de gauche raconte les gens et la vie qui file à toute vitesse. Il a effectivement 66 ans sur cet album mais il ressemble encore à ce fouineur qui n’en finit pas de s’interroger sur son propre art.

Il a désormais les moyens. Ces lives sont impressionnants car son répertoire est nourri de hits touchants, d’une sincérité évidente. L’homme ne semble pas aussi vaillant qu’à ses débuts mais son ardeur est omniprésente sur chacun des titres. Il arrive toujours à nous coincer : il y a dans tous ses disques, une familiarité et une curiosité qui nous habitent tous.

66 rigole comme un défi au temps et nous promène encore sur une sorte de blues inhabituel. Les années  passent mais tout se regarde avec gourmandise non feinte, plus posée et toujours délicate. La nostalgie n’empêche pas la nouveauté et Paul Weller observe son art avec un recul qui une fois encore rappelle Neil Young avec cette manière de retravailler encore et encore son propre style. Hier c’était bien mais demain sera mieux. Un conseil sage que Paul Weller a toujours défendu. Et c’est ce qui rend si précieux, sa voix.

Trésors de Banlieurs, Usine Chanteraines

Honnêtement on est très en retard ! Mais voici sûrement l’une des expositions les plus vivantes du moment. Il faut aller la chercher mais elle vaut le périple, en RER ou en tram.

Parce que c’est dans un endroit paumé entre un centre commercial et un parc gigantesque que se trouve l’exposition Trésors de banlieue. Cet endroit a accueilli dernièrement les maîtres artisans participant à la rénovation de Notre-Dame.

Avec un spécialiste du graff pour nous surprendre à l’entrée du lieu, l’usine Chanteraines à Gennevilliers propose actuellement Les trésors de banlieue, un endroit pas banal et accueillant qui montre la richesse des banlieues bien de chez nous.

Vous y verrez mille choses différentes. Les tableaux impressionnistes se montrent à côté de photographies mélancoliques et de tableaux colorés. Il y a de tout, et justement cela qui plaît. Cette exposition est un mouvement ! La scénographie nous montre comment, loin de la ville principale, les envies et les talents existent. Depuis des siècles.

On y voit l’enfance, le cadre de vie, l’Histoire avec un grand H, la diversité et les combats multiples et variés. Les banlieues sont, elles aussi, traversées par les courants politiques, sociaux et surtout culturels.

C’est assez émouvant de voir à quel point l’exposition nous fait fuir les préjugés et les jugements assez grossiers. Les stéréotypes explosent un à un car le cadre est délicat, et l’accueil du public est vraiment chaleureux.

On sent ici que l’on défend une idée et des valeurs. Ça pourrait être un fourretout un peu spectaculaire mais c’est la célébration d’un peuple en perpétuelle évolution et qui apporte sa pierre à l’édifice. Un monde idéal s’ouvre à nous : il est en banlieue. Étonnant, non ?

du 15 février au 13 avril 2025
92 avenue du général de Gaulle, 92230, Gennevilliers
De 9h à 18h30 tous les jours sauf lundi

Blanche Neige, Marc Webb, Disney

Après Mufasa, Disney continue de maltraiter ses classiques avec des versions live d’une rare laideur et qui font du mal à notre petit cœur.

Honnêtement, on ne peut pas en vouloir à Rachel Zegler. La jeune comédienne fait de son mieux pour incarner la célèbre Blanche Neige. Elle y va. Elle donne de la voix. Mais ça ne fonctionne jamais. La faute à son costume qui ressemble plus à un déguisement. Idem pour Gal Gadot, une wonder woman qui nous fait de la peine, serrée dans un costume souvent ridicule.

Marc Webb, réalisateur de deux Spider Man, se prend les pieds dans le principe de la copie quasi conforme. Il imite le dessin animé et cela donne un nanar coloré qui pourrait faire rire s’il n’était pas si sérieux. Car tous les choix artistiques sont affligeants.

La musique, les décors, les effets spéciaux, les nains, rien ne va dans cette adaptation du grand classique de Disney. On est vraiment au bord du film fauché tellement c’est pauvre malgré l’apparente modernité.

Les images sont hideuses. Cela désincarne toute tension dans cette histoire qui marque tellement l’enfance, sur la peur, la séparation et le courage. Non là, c’est juste fade et sans aucune conséquence.

On se met à regretter la version heroic fantasy avec Kristen Stewart ou celle mésestimée avec Julia Roberts. On se rappelle aussi de la version live de Cendrillon signée Kenneth Branagh, bancale mais réalisée avec une envie qui crève l’écran. Et finalement Tim Burton n’avait pas trop mal raté ses Alice au Pays des Merveilles et Dumbo.

Ici, la pauvre Blanche Neige est un portemanteau pour mettre en avant le studio Disney. Les idées nouvelles sont souvent foireuses. On se souviendra avec un grand sourire triste, de cette bataille entre les brigands de la forêt enchantée et les soldats de la méchante reine : un moment pathétique et inhabituel chez Disney qui sait faire dans l’emphase pour palier l’absence de contenu. C’est cheap et mal fait. Des adolescents avec un caméscope se seraient mieux débrouillés.

Marc Webb a dû se faire bouffer par des producteurs trop respectueux de la matière première. Et on assiste à une vraie catastrophe industrielle. On ne dira rien sur les sept nains en images de synthèse...

Juste un vrai cauchemar pour petits et grands !

Au cinéma le 19 mars 2025
149 minutes

Mondial placard, Côme de Bellescize, Montansier

Pour contenter ses clients suédois, le patron de Mondial Placard décide de nommer une femme au poste de Directeur des ventes. Il ne se doute pas qu'il va ce faisant déclencher une hilarante tempête de sexisme .

Lorsque Marion est nommée directrice des ventes, c'est l'incompréhension chez ses collègues, mâles pour 90% d'entre eux. "Elle a le charisme d'un bulot, et maintenant il va falloir lui dire Oui Marion, bien Marion, à vos ordres Marion ?!". Les hommes sont scandalisés, à commencer par Laurent qui imagine comme stratagème de se travestir en femme pour "prouver que les hommes sont discriminés négativement par la discrimination positive".

L'auteur et metteur en scène, Côme de Bellescize, revisite le théâtre de boulevard : il garde les portes qui claquent, le décor chatoyant (et à tiroirs, forcément 🙂), l'interprétation appuyée... mais il met tout cela au service d'un thème d'actualité.

Les personnages sont tous plus caricaturaux les uns que les autres, mais dans le bon sens du terme. Il y a Eric, le patron pragmatique qui décide de nommer l'ambitieuse Marion, il y a Léa, l'étudiante féministe en mode warrior qui est aussi atterrée que combative, Laurent qui devient une Laurence caricaturale, Karine, la secrétaire blonde platine qui aime qu'on la séduise et qui voudrait bien que Quentin, l'ingénieur timide et dégingandé se montre plus entreprenant. Et il y a surtout Pascal, le vieux macho qui ne peut voir autre chose dans la réussite de Marion qu'une promotion canapé. Son monde confortablement machiste est remis en question et il est dépassé. "On ne peut plus rien faire, on ne peut plus rien dire, les puritains ont pris le pouvoir !" ; "une main taquine posée sur la fesse d'une collaboratrice et ça y est, c'est les Assises !"

Les comédiens ont l'air de s'amuser comme des fous dans cette pièce outrancière, et j'ai eu l'impression que tout public riait aux éclats d'un même élan... jusqu'à ce que notre voisine lycéenne demande à sa copine "ça te faire rire toi ?", et l'autre de répondre "ha non, pas du tout, je crois que c'est pour les vieux".

Damned, je suis vieux, c'est officiel. N'empêche que je me suis bien marré !

du 13 au15 mars 2025
Théâtre Montansier Versailles 
1h40 | de 15€ à 39€

de et mise en scène Côme de Bellescize, collaboration artistique Vincent Joncquez, scénographie Natacha Markoff, lumières Thomas Costerg, musique Yannick Paget, son Manon Poirier, costumes Aude Desigaux, perruques et maquillage Judith Scotto
avec Jean Alibert, Gwenaëlle Couzigou, Clara Guipont, Eléonore Joncquez, Ludovic Le Lez, David Talbot, Benjamin Wangermée

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