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Frankenstein, Guillermo del Toro, Netflix

Netflix pour un auteur, c’est la certitude d’avoir ce qu’il veut. Le cinéaste peut alors imaginer son rêve ultime. Parfois jusqu’à la grosse boursouflure.

C’est ce qui est arrivé par exemple à Martin Scorsese. Son passage sur Netflix était simplement catastrophique. Un film long et désincarné. Totalement sclérosé.  Alfonso Cuaron s’est pris les pieds dans le tapis avec Roma, parodie de son style. Et tout récemment Kathryn Bigelow se retrouve à s’autoanalyser. Guillermo del Toro, lui, tente de redresser la barre après un Pinocchio peu convaincant.

Alors le Mexicain réalise son projet le plus personnel : une adaptation de Frankenstein. Le bouquin de Mary Shelley est une œuvre fondatrice du cinéma mondial. Le mythe a toujours hanté les cinéastes des quatres coins du Monde. Netflix propose à Del Toro de le suivre dans sa vision du destin funeste de Victor Frankenstein et sa créature.

Dans les glaces du Pôle Nord, Victor raconte donc sa vie tumultueuse de médecin obsédé par le décès de sa mère. Il vaincra la mort avec la fabrication d’un être fragile et violent. Et la suite, normalement, vous devez la connaître.

Et pourtant le film dure plus de deux heures trente. On ne peut pas dire que l’on s’ennuie mais l’absence d’ellipse et de nuance est très étonnante de la part du réalisateur de L’échine du Diable. L’enthousiasme du réalisateur est indéniable mais la démesure lasse assez rapidement.

Oscar Isaac peine à convaincre en jeune savant mais la mise en scène ne fait que dans la grandiloquence pour compenser des personnages un peu trop sages et tendres. Même la créature a des allures de jeune premier. Une idée intéressante, qui est totalement logique dans l’esprit de Del Toro, mais qui assagit l’ambiance morbide de cette histoire de monstre fait de morceaux d’humains.

Le réalisateur a donc les mains libres pour s’attarder sur les décors, les costumes, les bibelots, les meubles… c’est encore une fois une visite de musée de l’horreur mais jamais de l’angoisse. C’est un livre d’images très beau et sophistiqué mais ni prenant, ni touchant. Les acteurs font ce qu’ils peuvent mais Guillermo Del Toro semble médusé par son sujet et ne lui propose peu d’originalité par apport aux autres. Les scènes sont attendues et hélas entendues.

Le film rappelle un peu les envies de Kenneth Branagh dans les années 90. Poussé par Coppola qui venait de terminer Dracula, le cinéaste anglais avait transformé le conte gothique en tragédie shakespearienne. Là aussi il y avait de l’emphase. Mais c’était surtout du cinéma, avec de la musique et de la caractérisation. C’était maladroit. Les outrances étaient parfois grotesques mais il y avait dans la production quelque chose d’organique et d’animée. Ce qui n’est jamais le cas de film trop digital pour raconter une histoire qui normalement prend aux tripes, au propre comme au figuré.

Dès le 07 novembre sur Netflix
2h32
Avec Oscar Isaac, Mia Goth, Christoph Waltz et Jacob Elordi

Made in England (Part 2) : Divine Comedy, Suede, The Darkness

La britpop toujours et encore. Là ca devient un flashback musical sans précédent. Toutes les vieilles gloires sont de sortie. Et ça ne devrait pas s’arrêter. Est ce un manque d’imagination ? Un besoin nostalgique ou une collusion commerciale ?

Ce qui est certain, c’est la forme olympique des vieux héros des années 90. Il a beau avoir une belle moustache et un regard de chien battu, l’homme orchestre Neil Hannon revient en pleine forme avec le treizième album de Divine Comedy.

Fan de Jacques Brel et de Scott Walker, le fantaisiste irlandais, francophile, revient à ses premiers amours. Des histoires tendres et doucement cyniques. L’onirisme reprend le dessus dans cet album qui montre un artiste qui se regarde vieillir.

Cela faisait six ans qu’il était silencieux, et le revoilà comme un vieux dandy endormi en train de bavarder sur le mauvais temps. Rainy Sunday Afternoon. Bien vu de le sortir en automne ! La vie ralentit. Les mélodies sont délicates. L’envie symphonique n’est jamais loin mais le musicien reste dans cet état ouateux pour de nouvelles chansons qui ne sont pas surprenantes mais qui se laissent aller à un spleen d’une rare élégance, qui fait la marque de fabrique de Divine Comedy.

Bien entendu ce n’est pas un disque d’enragés et cela nous aurait surpris. Au début des années 90, Suede était le fer de lance du courant avant que Oasis et Blur se fassent la guerre. Aujourd’hui le groupe de Brett Anderson bouscule encore. Au bout de dix albums et des séparations à gogo, le groupe londonien remet le couvert avec une sérénité absolument incroyable et un sens de la mélodie imparable.

De disque en disque, le groupe est l’un des rares à progresser. Le groupe a échappé au fur et à mesure aux clichés des dandys androgynes pour glisser vers un rock quasi post punk, avec des albums concepts et des concerts convaincants. Suede devient un valeur sûre dans le sens authentique et réconfortant.

On ne se trompe pas à écouter ce groupe trépidant, qui ne se nourrit de toutes ses émotions et offre de beaux moments électriques avec une voix toujours aussi splendide et prenante ainsi que des guitares orageuses et tout aussi passionnantes. Au bout de toutes ces décennies, Brett Anderson et ses complices arrivent encore à être poignants et leur présence est toujours aussi forte lorsqu’ils nous présentent de nouvelles chansons. Ils se bonifient avec le temps. La profondeur de Antidepressants est incroyable. Avec le temps tout s’en va mais pas la performance de Suede. Comme David Byrne la semaine dernière, on se demande si on n’est pas en face d’un petit chef-d’œuvre de l’année 2025.

Il aurait été normal de terminer sur cet album spectaculaire de Suede mais face à tous ces retours de vieux beaux qui ne veulent plus être fatigués ou fatigants, on va parler du dernier disque de The Darkness, groupe anglais glam rock qui a aussi connu son heure de gloire au début des années 2000.

Voilà donc Dreams on Toast, sorte de fanwork de Queen avec une voix qui monte et qui descend entre rock heavy et délire baroque tout en électricité. C’est absolument amusant et d’une légèreté assumée. Le groupe ne veut plus rien prouver si ce n’est une certaine vitalité qui existe au-delà des cinquante ans.

Donc en trente minutes environ, le groupe vous fait traverser tout un genre avec des facilités un peu lourdes et de coups d’éclat qui donnent le sourire. Ces Anglais militent pour un style vintage aussi ringard que résolument séduisant. Comme Oasis et les autres, les quinquas anglais ne veulent pas être enterrés trop vite. Depuis le Brexit, on devine l’Angleterre dans un brouillard épais : quelques vieux se font le phare d’une résistance qui fait plaisir à entendre.

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