Cinéma

Sinners, Ryan Coogler, Warner Bros

Des vampires mélomanes au temps du KKK, au milieu des champs de coton. L’impeccable Ryan Coogler s’essaie désormais au film d’horreur et ça fonctionne, avec un hommage vibrant à la musique américaine. En sortant de la projection, on peut faire la danse de la joie.

Car Sinners est une très bonne série B. Comme on n’en fait plus. Ça dure plus de deux heures. Il y a des gros mots, des moments salaces, et de l’hémoglobine peu esthétique. Ryan Coogler, du haut de ses 38 ans, montre bien qu’il est le rejeton surdoué de Spike Lee et du regretté John Singleton. Entre ses mains, il pétrit tout ce qui fait la culture noire américaine. Son premier film, Fruitvale Station était un film social accablant. Creed faisait revivre la magie de Rocky. Black Panther ramenait les stéréotypes du super héros en Afrique. La culture populaire semble passionner le cinéaste qui s’essaie donc au film d’horreur.

Mais il va chercher son inspiration vers les anciens : on pense très fort à John Carpenter. Ils ont le même art de synthétiser une pensée sur des images et du son. De façon quasi minimaliste. Même s’il faut faire de la place à l’égo de la star Michael B. Jordan (lui aussi dans tous les films de Coogler).

Ce comédien, lui aussi devenu une star de cinéma confirmée, semble atteint du syndrome de Jean-Claude Van Damme. Il se dédouble à l’écran. Comme il est de toutes les scènes et peut démontrer l’étendue de son talent. Il faut l’avouer : il se débrouille très bien pour interpréter des jumeaux qui reviennent dans le sud ségrégationniste pour prendre leur revanche sociale. Ils sont partis faire la guerre (la première mondiale), ils furent gangsters à Chicago, ils veulent désormais tenter leur chance dans leur bled perdu en montant une boite de blues.

Les ennuis s’accumulent jusqu’à faire venir un vampire irlandais. Et oui, la musique est bien celle du diable et nos jumeaux vont avoir de sérieux problèmes non pas avec les fascistes du coin mais une créature assoiffée de sang et de musique. Car Coogler rend hommage aux traditions américaines : du cinéma d’horreur au bon vieux blues. Là encore, on pense à la démarche artistique de John Carpenter qui réalisait mais aussi s’occupait de la musique.

Et tout ceci politise un film qui ressemblerait à une version Crossroads d’Une Nuit en Enfer. Les amateurs de blues vont devoir faire face à une horde sanguinaire. La mise en place est habile car elle prend son temps pour installer ses personnages, attachants et pathétiques en même temps. Mais à aucun moment, on voudrait être à leur place que le vampire apparaît. Coogler offre un joli moment de terreur, bien fichu et sacrément bien interprété.

Sans s’attarder sur le sens social de l’œuvre, il met en avant l’importance de la musique dans la société, la communauté mais aussi les luttes et les révoltes. La toute dernière scène est totalement jubilatoire sur le sujet en utilisant le visage fatigué mais farouche du musicien Buddy Guy. Coogler est peut être un auteur roublard mais tous ses films, il défend des idées et des idéaux. Il a un sens de la mise en scène assez prononcé et sait faire un spectacle sans abrutir le spectateur.

Bien au contraire, en jonglant depuis le début de sa carrière, avec les clichés sur l’Amérique noire, il questionne, divertit et réconforte. Son cinéma est populaire dans le bon sens. Sinners est une vraie bonne surprise… qui réconcilie presque avec l’esprit de l’Amérique. 

Au cinéma le 16 avril 2025
avec Michael B Jordan, Hailee Stenfield, Jack O’Connell et Delroy Lindo
Warner Bros – 2h15

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