Une voix qui rassure
Tout le monde fait le même constat. On nous cache tout on nous dit rien. Plus on apprend, plus on ne se sait rien. On nous informe vraiment sur rien. Alors il y a des voix qui nous inspirent et qui nous rassurent. Il y a des histoires, des chanteurs, des artistes qui nous apaisent et nous ressemblent… ils ont eux cette voix. Celles qui nous éclairent sur nos vies, nos quotidiens et surtout qui nous rassurent.
Paul Weller est l’une de ces voix. Voilà un type adoré de tous et pourtant d’une humilité qui lui donne un éclat particulier. Paul Weller, Modfather, vénéré par les frères Gallagher et tous les musiciens d’Angleterre. Un type qui pond un hit l’air de rien, parce qu’il observe la politique, la société et voue un culte à ses ancêtres musiciens. Paul Weller, le héros qui ne veut pas l’être, l’artiste qui a la rue dans le sang, le musicien qui ne peut pas s’empêcher de triturer son style et ses passions.
Car finalement Paul Weller s’est libéré le jour de la sortie de son tout premier album solo. Avant il était le lads élégant de The Jam, groupe qui devait prendre la relève des Clash. Il devait conquérir le royaume avec son groupe ajusté à sa personnalité, The Style Council.
Mais après une longue pause, Paul Weller est revenu avec un album éponyme qui a montré qu’il était une voix, un style et un parcours. Le punk déluré est passé. Ce que l’on a à la place, c’est une douce white soul, bourrée d’énergie, où le bougre ne semble croire qu’en la symbiose de musiciens.
La pop se frotte à tous les styles et la voix de Paul Weller est bien entendu celle du peuple mais aussi celle d’un artiste itinérant qui veut simplement dire qu’il ne va pas s’arrêter au succès mais coller à toutes les réalités de la musique. Intéressant. Personnage qui s’exprime en pleinement en live, Paul Weller glisse posément sur l’acid jazz mais les propos gauchos montrent une forte personnalité qui n’a pas peur de défendre une espèce de Rythm & Blues britannique.
Ce que va confirmer son chef d’œuvre, l’album Wild Wood, véritable besoin d’identité et d’authenticité chez l’artiste, déjà culte chez tous les amateurs de la Britpop. Car les guitares caressent les idées très personnelles du chanteur. Paul Weller se fait rageur et caressant sur chacun des morceaux et trouve les cieux cette poésie populaire so british. C’est son premier album où toutes les influences se conjuguent. Le premier album solo était charmant. Ici, il n’est que exaltation. L’artiste assoit son autorité et sa volonté de tout mélanger. Ce sera la marque de fabrique de Paul Weller. La guitare explore, la voix rassure mais il faut surtout ne jamais s’arrêter de conjuguer, extrapoler et surtout renouveler une idée de la musique.
Le succès n’a jamais vraiment intéressé Paul Weller mais chacun de ses disques répond aux autres avec une nouvelle proposition. Cela ressemble mais ce n’est jamais la même chose exactement. La redite est interdite chez Paul Weller, personnage en mouvement permanent, incapable de se freiner sur un genre. C’est ce qui rend sa discographie passionnante: Paul Weller cherche et trouve. Et surtout ne s’arrête jamais. Wild Wood c’est du concentré de Blues mais tellement britannique.
Alors ça donne quoi Paul Weller en 2025? Il tourne toujours et encore. Il a accepté d’être le pape du british rock. Il est devenu un stéréotype de la pop anglaise mais il vieillit à la manière d’un Neil Young. Il est prolifique et continue de bibouiller sa propre musique, l’emmener vers des contrée surprenantes. En 2024, il a sorti l’album 66. Il s’y montre calme et toujours déterminé. L’homme de gauche raconte les gens et la vie qui file à toute vitesse. Il a effectivement 66 ans sur cet album mais il ressemble encore à ce fouineur qui n’en finit pas de s’interroger sur son propre art.
Il a désormais les moyens. Ces lives sont impressionnants car son répertoire est nourri de hits touchants, d’une sincérité évidente. L’homme ne semble pas aussi vaillant qu’à ses débuts mais son ardeur est omniprésente sur chacun des titres. Il arrive toujours à nous coincer : il y a dans tous ses disques, une familiarité et une curiosité qui nous habitent tous.
66 rigole comme un défi au temps et nous promène encore sur une sorte de blues inhabituel. Les années passent mais tout se regarde avec gourmandise non feinte, plus posée et toujours délicate. La nostalgie n’empêche pas la nouveauté et Paul Weller observe son art avec un recul qui une fois encore rappelle Neil Young avec cette manière de retravailler encore et encore son propre style. Hier c’était bien mais demain sera mieux. Un conseil sage que Paul Weller a toujours défendu. Et c’est ce qui rend si précieux, sa voix.