Only on Hush
L’espoir fait vivre, Sam Fender, Manic Street Preachers


Les vieux croutons réactionnaires sont de retour et veulent nous faire croire que les jeunes sont un danger. Pourtant, certains profitent de l’expérience des aînés pour sortir de beaux disques avec de l’entrain et de la volonté qui forcent le respect. En musique, les jeunes sont capables de digérer et d'améliorer le son de leurs ancêtres.
C’est particulièrement vrai de l’autre côté de la Manche, véritable mouvement incessant de rock, de pop et de traditions. Depuis les Beatles, les groupes et les styles s’enchaînent dans une effervescence impressionnante et on a tout à fait raison de jalouser nos amis britanniques.
On aimerait nous aussi avoir un artiste comme Sam Fender. En deux albums, le jeune chanteur a su apporter une humanité qui nous rappelle étrangement Bruce Springsteen. Il est une version timorée du boss mais il a bien compris comment composer une mélodie autour d’une parole chaleureuse et déterminante. Son troisième opus est tout aussi convaincant.
People Watching est donc une belle description de la vie contemporaine. C’est un rock simple et efficace. Ce que l’on y entend ce sont les working class heroes et la simplicité d’une émotion. Sam Fender continue de dépouiller un rock direct et délicieux car il ne prend pas de pincette pour raconter un quotidien, un destin ou un récit. C’est d’une sincérité rare dans les productions actuelles.
Le musicien travaille l’authenticité et cela se fait rare ces derniers temps. Les tournures musicales nous amènent à la vulnérabilité et la bienveillance d’un artiste jeune et lucide. Ce n’est pas d’une subtilité incroyable mais Sam Fender confirme bien qu’il est un chanteur à part, essentiel dans sa perception du Monde. Atypique et hors des normes actuelles.

Du coté du Pays de Galles, il y a un groupe qui ne semble pas vieillir et continue de cracher sa colère et ses inquiétudes sur des titres imparables tout en conservant une certaine juvénilité. Révélé par un hit imparable dans les années 90 (Design for life) et un fait divers toujours mystérieux (un des musiciens a totalement disparu), les Manic Street Preachers continuent de bastonner leurs convictions sur un rock de combat, d’une férocité qui ne perd jamais en intensité.
Comme Fender, il y a un engagement qui gomme tous les défauts. Le groupe en est à son quinzième effort mais le trio fonce comme à ses débuts. Visiblement les musiciens n’aiment pas trop visiter les autres pays du Monde mais leur musique a tout pour faire vibrer les stades. Après tant d’années, c’est encore surprenant.
On peut baver sur la reformation commerciale de Oasis, mais célébrons ici la solidité des Manic Street Preachers. Les Gallois n’en finissent pas de défendre leurs positions politiques et d’offrir des mélodies qui se collent obligatoirement au fin fond de votre cerveau. Ils ont un vrai socle qui apporte à chaque album, une imposante fraîcheur.
On va se donner désormais des allures de tournoi des 6 Nations avec un autre groupe, cette fois ci irlandais qui nous donne aussi un sentiment de vivacité et de quasi innocence. Inhaler est le groupe du fiston de Bono et cela s’entend aisément avec des chansons troussées pour la radio et le succès.

Avec ce troisième album, Open Wide, Inhaler confirme donc un groupe qui capture l’essence même de la pop. Le fils de Bono ne cache pas sa parenté mais surtout tente de jolis coups de force avec des refrains solides et des touches eighties qui n’auraient pas déplu à U2.
Il s’agit bien du genre de groupe qui va en agacer plus d’un mais il faut reconnaître que Open Wide n’est pas un caprice de gosse de riche. C’est de la pop qui respire de bonnes intentions. Avec son comparse du lycée, Elijah Hewson ont bien saisi les schémas du genre. Ils les bidouillent sans tenter la révolution. C’est une certaine forme d’humilité. Ils aspirent peut-être à devenir gros comme U2 ou Coldplay mais pour l’instant, c’est extrêmement plaisant et cela dépasse les préjugés.
Avec ces trois disques, la jeunesse ce n’est pas l’âge ou l’expérience, c’est l’alliage fragile d’une sensibilité, d’un courage et d’une vision. Le secret de la jeunesse, c’est donc cette volonté… que l’on aime tellement découvrir en chansons!
Cosi fan tutte, Mozart, da Ponte, Opéra Éclaté Montansier Versailles


Cosi fan tutte, que je traduirais par "toutes les mêmes" est un drôle d'opéra de Mozart, sur un livret de Da Ponte. Une rocambolesque histoire pré meeto. Don Alfonso (Jean Gabriel Saint Martin) explique à deux amis qu'ils sont bien naïfs de croire en l'amour et aux serments de fidélité de leurs fiancées.
"Vous prétendez avoir trouvé des femmes fidèles ? J'admire cette naïveté !"
Et c'est ainsi que Ferrando (Blaise Rantoanina) et Guglielmo (Mikhael Piccone) font semblant de partir à la guerre et se déguisent ensuite en Albanais pour séduire leurs fiancées et mettre à l'épreuve leur fidélité.
A force de tentations et d'insistance de la part de Don Alfonso et de la servante Despina, cela prend moins d'une journée pour que les deux soeurs, Dorabella et Fiordiligi, trahissent leur amoureux.
"Crois-moi ma sœur, il vaut mieux céder."
La joie exagérée et exubérante de la musique de Mozart est fascinante, elle me fut d'un grand réconfort en cet hiver glacial qui n'en finit pas de geler.
Même si j'ai préféré la voix chaude d'Ania Wozniak (Dorabella), Chloé Jacob (Fiordiligi) impressionne par sa technique vocale qui lui permet de passer aisément d'une voix de tête à une voix de ventre dans la même phrase. Marielou Jacquard (Despina) impressionne également par son énergie et sa présence.
J'ai été moins convaincu par les hommes, que ce soit vocalement ou dans leur jeu d'acteur, à la notable exception de Jean-Gabriel Saint-Martin. Avec sa moustache et ses beaux yeux, il est charmant dans le rôle de Don Alfonso. Sa voix est belle, claire, grave, puissante, parfaitement intelligible, un vrai plaisir à écouter.
Pris séparément, les chanteurs et chanteuses ne déméritent pas du tout. C'est plutôt sur les ensembles que cela se complique, comme si leurs voix s'accordaient mal ou comme s'ils n'avaient pas suffisamment répété ensemble (le spectacle tourne avec une distribution qui peut évoluer, ceci pouvant expliquer cela). Il faut dire aussi que chanteurs et chanteuses ne sont pas aidés par un orchestre qui manque de précision (aie, les attaques ratées du corniste !).
Si vous voulez voir un opéra avec des grands décors, des chanteurs virtuoses et un orchestre carré, le Théâtre Montansier n'est peut-être pas l'endroit idéal. Mais si vous avez quelque indulgence, vous passerez une soirée délicieuse qui vous donnera envie d'aller à l'Opéra !
Et en plus, à l'entracte, on peut se régaler de gâteaux et de champagne à prix raisonnable, ce qui ne gâche rien.
les 28 & 29 janvier 2025
Théâtre Montansier, Versailles
de Mozart et Da Ponte,
direction musicale Gaspard Brécourt,
mise en scène Éric Perez assisté de Yassine Benameur,
lumières Joël Fabing,
décors Patrice Gouron,
costumes Stella Croce,
avec Chloé Jacob, Ania Wozniak, Marielou Jacquard, Blaise Rantoanina, Mikhael Piccone, Jean Gabriel Saint Martin
orchestre Opéra Éclaté, orchestration Jonathan Lyness
production Opéra Éclaté, coproduction Clermont Auvergne Opéra, Opéra de Massy