Only on Hush

Come Bach, Gérard Rauber, Lucernaire

Certains week-ends, il fait gris, on est fatigué, alors pourquoi sortir ? Hé bien, pour aller au théâtre, voyons. On ne le sait pas encore, mais on ne le regrettera pas. 

« Come bach » : titre un peu laminaire, jeu de mots, mais qu’ y a -t -il derrière ? Un concert comme on en a tant vu ? Un récital banal ?

Non, pas du tout. Sur scène, il y a quatre filles incroyables. Elles sont là, totalement là. Elles emplissent la scène de légèreté et de lumière et les spectateurs les regardent ébahis. Comme ils le seront jusqu’à la fin du spectacle.

Mais qui sont-elles donc, ces quatre femmes souriantes et si douées ?

D’abord, il y a Anne Baquet, qui a dû faire des envieux. Quelle voix ! Quelles voix ! On ferme les yeux et c’est Fréhel qui chante, on les ferme encore, et cette voix, le travail la rend contemporaine. Légère et souple, elle s’affirme soudain dans un long et bel envol. Concerts baroques, récompenses, créations, Anne Baquet a, excusez du peu, un vrai parcours.

Et ses acolytes ? Claude Collet, la pianiste, lauréate de concours internationaux, pianiste d’orchestre à Radio-France, elle a, comme Anne Baquet, enregistré plusieurs CD. Et elle enseigne au conservatoire Maurice-Ravel. Talentueuse aussi, en somme.

La contrebassiste Annandine Dehant, troisième de ce quatuor, est aussi virtuose que les autres. On sent chez elle (Premier prix de contrebasse au CNSM de Paris) un intérêt pour le travail scénique, la recherche, un travail peu commun avec cet instrument. Lorsqu’on l’observe attentivement, elle semble d’ailleurs faire corps avec sa contrebasse.

Et soudain, éblouis et le cœur battant, on entend le hautbois et cor anglais d’Anne Régnier. Le souffle coupé, on se laisse emporter. Quelle puissance et quelle élégance… Elle aussi est lauréate du CNSM sans oublier soliste à l’orchestre de l’Opéra national de Paris.

Une fois que j’ai déchiffré leurs parcours et commencé à m’émouvoir, hé bien, je fais comme les autres spectateurs : je me laisse envoûter, ponctuant parfois ces délicieuses sensations d’un sonore « Bravo ».

Quel surprenant et réjouissant spectacle autour de ce très grand musicien qu’était Bach. Elles le revisitent avec humour et brio : promenant leurs instruments sur le piano, chantant et dansant ensemble, mais toujours sans chaises ni partitions. Ici, on invente, on imagine, on s’amuse et ces quatre femmes décalées n’hésitent pas à faire appel à certains de ceux que Bach a inspirés, notamment : Maxime Leforestier (La petite fugue), Isabelle Mayereau et Marie-Paule Belle (12345), Bernard Joyet (D’abord ton Bach).

Sans oublier Bach lui-même (Badinerie, Toccata en ré mineur).

Le tout interprété avec un vif plaisir par ces quatre artistes très complices et souriantes. Un long et beau travail qui, bien évidemment, s’est achevé par des applaudissements et des bravos sonores et répétés. Bien mérités.

Jusqu'au 24 mai 2024
à 19 H du mardi au samedi et le dimanche à 16H
au Lucernaire (Paris VIème)
Mise en scène Gérard Rauber
Avec Anne Baquet, Claude Collet, Amandine Dehant et Anne Régnier
Durée : 1H10 | de 15 à 30 €

Émerveillez-vous ! Caleb Arredondo, Vincent Segall & Ballaké Sissoko, Aziza Brahim

Il semblerait que la sinistrose nous guette. Plus rien ne fonctionne en ce bas Monde. Le mauvais temps nous ronge les sentiments et les nerfs (hé, il ne fait plus nuit le matin quand on emmène les enfants à l'école et quand on vient les rechercher). Les soucis se renversent sur les tracas. Les emmerdes sont plus boueux que jamais. On rivalise de pessimisme pour ne pas dire que demain ça sera mieux !

Bienvenue au mois de mars ! Ce moment aussi où on a le droit, mais on l'a oublié, de s'émerveiller. La morte saison va laisser sa place à quelques bourgeons d'espoir, des rires imprévisibles et du courage insoupçonnable.

Il faut s'émerveiller. Partir d'un petit rien qui révèle une beauté cachée. La musique est un puissant marqueur de beauté et d'espérance. Ça m'est arrivé hier soir. Pour m'endormir, j'essaie le dernier disque de Caleb Arredondo. Un type et son saxophone.

Un homme qui a confiance en son instrument et son art. Car il va nous faire naviguer dans les tourments des nuances. Et on ne va pas s'ennuyer car le musicien fascine et nous fait rentrer dans nos propres zones troubles. Avec une bienveillance infinie. Les notes roulent sur elles-mêmes et finissent par nous enrouler. D'une chaleur surprenante. Qui console et nous éloigne de tout, sauf de nous-mêmes. Les échos du saxophone sont du cœur et de la raison. Une belle expérience.

Et la musique doit nous aider à nous émerveiller. Prendre les choses simplement pour y trouver de la confiance. Le duo violoncelle kora nous faisait déjà planer très haut dans la plénitude, mais le duo devient un quatuor roublard quand ils nomment leur œuvre : Les Égarés

Vincent Segall et Ballaké Sissoko invitent donc un accordéoniste et un saxophoniste à leur table. Les mets sont succulents et raffinés. Une fois de plus, ce sont les valeurs du duo qui ouvrent les portes à de belles improvisations. Ils se perdent mais nous renforcent dans cette idée d'un disque généreux qui se monte au fil des expériences partagées. Les petites mélodies deviennent de beaux trips musicaux. Ils ont confiance en eux et rapidement on les écoute les yeux fermés. Sûr d'être face à un éclat précieux du jazz d'aujourd'hui. 

Et puis la musique peut nous amener de l'intensité aussi. C'est pas mal au mois de mars de trouver de l'ampleur et du courage pour être ce que l'on veut être. C'est ce qui se trouve exactement dans Mawja, le dernier disque de la chanteuse Aziza Brahim

La vie de cette chanteuse est un roman fait d'exil et de douleur. Il en sort un nouveau disque lumineux, d'une force qui ne demande qu'à être transmise à l'auditeur. Les mélodies sont glissantes et servent une voix magnifique. 

Le style de la chanteuse s'arme d'origines dans le Nord de l'Afrique et d'une existence espagnole. Les musiques nous bercent sans nous endormir : on découvre du blues africain, donc fait de combats, de rudesse mais aussi d'amour. Elle semble nous dire de vivre intensément. On veut bien la croire. Et en finir avec la giboulée de sinistrose qui veut toujours nous arroser ! 

Echo sax - Caleb Arredondo
Les Egarés - Sissoka Segall Parisien et Peirani
Aziza Brahim - Mawja

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