Cinéma

Ex Machina

Ce conte moderne sous forme de thriller, qui revisite le thème du créateur génial confronté à sa créature grâce à « Big data » et aux prodiges de l’intelligence artificielle, ne plaira pas qu’aux amateurs de science-fiction.

Un jeune programmeur talentueux, Caleb, est invité à passer une semaine dans la villa isolée du PDG d’une importante société d’informatique, Nathan. Il apprend alors que ce dernier l’a choisi pour interagir avec un magnifique robot féminin, Ava, et déterminer si l’intelligence artificielle dont il l’a dotée peut être assimilée à une conscience humaine.

Le thème est bien connu dans la littérature et le cinéma de science-fiction, c’est celui du créateur génial et mégalo qui tente d’égaler Dieu en s’efforçant d’insuffler la vie même à sa créature. Le titre, qui détourne l’expression latine « Deus ex Machina », pour évoquer sans doute à la fois l’aspect divin et l’aspect technologique de cette création, et les prénoms bibliques des personnages, « Ava » étant bien sûr « Eve », la première femme, indiquent clairement la portée symbolique du film. Cependant, ce topos est ici traité à la manière d’un thriller, dans un huis-clos angoissant.

L’expérience est vécue du point de vue de Caleb, qui se sent rapidement mal à l’aise en présence de Nathan et prisonnier de la villa. Son impression d’enfermement est accrue par l’absence de fenêtres dans ses appartements, le jeu des écrans de contrôle et les pannes de courant qui déclenchent l’émission d’une lumière rouge. Le jeu des acteurs est impeccable : Oscar Isaac est méconnaissable en ermite inquiétant à la longue barbe noire et Alicia Vikander fait un androïde très convaincant, à la démarche gracieuse et au regard troublant de sphinx. Subtilement, les regards et les non-dits installent un climat de manipulation psychologique plus complexe qu’il n’y paraît.

Tout cela dans un décor soigneusement élaboré : une superbe villa en partie minérale, camouflée dans la végétation, nichée dans un somptueux paysage de montagnes et de glaciers – la demeure de « Dieu » retirée du monde des hommes, à laquelle on n’accède que par la voie des airs (en hélicoptère). Un soin particulier a été mis dans la conception des accessoires technologiques : l’enveloppe féminine du robot au design élégant, qui semble inspiré des produits Apple, et les composants futuristes des divers spécimens, dans le laboratoire du centre de recherche ultra secret que recèle la villa, référence au Google X Lab.

On sent aussi que certaines prises de vue ont été particulièrement travaillées, à la fois pour leur effet esthétique et, à nouveau, pour leur portée symbolique : par exemple, quand Ava croise son propre masque, au bout d’une rangée de masques anthropomorphes, ou bien quand elle ouvre toutes les portes des placards ornées de glaces, créant un jeu de reflets démultipliés. On n’en attendait pas moins de la part d’un réalisateur formé à l’histoire de l’art. Sans être lui-même génial, Ex Machina est un film intelligent, l’œuvre d’un réalisateur méticuleux, une belle première pour Alex Garland.

avec Oscar Isaac, Domhnall Gleeson, Alicia Vikander et Sonoya Mizuno – Universal – 3 juin 2015 – 1h48

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