Art-scène, Spectacle comique, Théâtre

Les Fourberies de Scapin, Molière, Porras, Montansier Versailles

Encore une pièce de Molière au Théâtre Montansier ?! Si les scolaires s'attendent à une séance ennuyeuse, ils vont être déçus... en bien, comme disent les suisses !
© Marc Vannapelghem

Encore une pièce de Molière au Théâtre Montansier ?! Si les scolaires s’attendent à une séance ennuyeuse, ils vont être déçus… en bien, comme disent les suisses !

L’histoire en quelques mots : profitant de l’absence de leurs parents respectifs, Léandre et Octave se sont engagés auprès de deux filles inconnues et désargentées. Afin d’entourlouper leurs parents et leur arracher consentement et argent, les deux compères font appel à Scapin, un valet talentueux aux allures de Maître Renard qui excelle dans la roublardise et les fourberies.

Le décor de bistrot-guinguette et les costumes aux couleurs criardes sont outrageusement kitsch, ce qui leur confère un aspect à la fois laid et merveilleux, un peu comme un manège de fête foraine. On est ici hors du temps, et l’on comprend vite que tout sera hyperbolique, la scénographie comme le jeu des comédiens.

Autant vous le dire tout de suite, il m’a fallu quarante-cinq bonnes minutes avant rentrer dans ce spectacle dont je ne voyais au départ que les défauts. Les comédiens du premier acte ne m’ont pas convaincus. Leur talent n’est pas en cause ; simplement, la rencontre n’a pas eu lieu. Ils ne m’ont pas plu. Je n’ai pas aimé le jeu de Pascal Hunkiker (Octave), avec sa diction appliquée et son air de garçons sage. Le comédien qui incarne Sylvestre (Omar Porras?), lui, en fait des caisses dans la grimace tandis que son accent espagnol à couper au couteau le rend difficilement compréhensible. Ma fille de neuf ans n’a pas non plus aimé ce premier acte auquel elle n’a pas tout compris. Quant à Laurent Natrella (ex Sociétaire de la Comédie Française), il cabotine un peu trop à mon goût et donne l’impression de trop se regarder.

Heureusement, les choses s’améliorent nettement avec l’arrivée de Karl Eberhard, dans le rôle de Léandre ; il a un véritable talent comique et donne de sa personne (« Papa, c’est un cascadeur le comédien ! » me souffle ma fille). Quant à Olivia Dalric, qui incarne Géronde, la mère de Léandre (hé oui, le rôle de Géronte a été féminisé), elle se fait visiblement plaisir dans ce rôle de rombière acariâtre et pingre.

L’engagement physique de la comédienne Peggy Dias m’a époustouflé (les longues minutes qu’elle passe à faire du jumping jack devant un jukebox en témoignent !). Tout comme Karl Eberhard, on la sent totalement prise dans le délire de la pièce. Elle incarne un Argante sémillant digne d’Agecanonix. Et même lorsqu’elle joue les servantes de bar, elle attire notre regard vers l’arrière plan comme un aimant.

La pièce – écrite dans l’urgence par Molière – est d’une bouffonnerie assumée et se termine sur un Happy end improbable et assez ridicule. Omar Porras, le metteur en scène, tire le trait encore un peu plus loin dans un final digne d’un carnaval.

D’une façon générale, Omar Porras utilise tous les (vieux) trucs pour interagir avec un public qui en redemande. Les références sont nombreuses : Commedia dell’Arte (prothèses nasales et dentiers), cirque (Monsieur Loyale et clowneries…), théâtre de boulevard (portes qui claquent), carnaval (serpentins et cotillons), comédie musicale, stand-up etc.

Bien sûr, les ronchons comme moi trouveront que la mise en scène est un peu too much et qu’on en voit trop les ficelles. Je mets cependant au crédit d’Omar Porras de proposer un Molière qui n’est ni ampoulé ni confit dans les conventions bourgeoises. Ici, tout est permis, et plus c’est outrageux mieux c’est ! Omar Porras s’autorise même à ajouter des chansons au texte originel. Ma fille a beaucoup apprécié ces moments de comédie musicale, que je n’ai pour ma part pas du tout trouvés à mon goût. Comme quoi tout est relatif.

Ce qui est sûr, c’est que cette pièce vitaminée, pétaradante et joyeuse enchante le public. La salle était aussi euphorique que comble, et c’est mérité !

Jusqu’au 28 janvier 2023
Théâtre Montansier Versailles
Tout public à partir de 10 ans – Durée 2h15
d’après Molière, mise en scène Omar Porras assisté de Marie Robert
adaptation et dramaturgie Omar Porras et Marco Sabbatini, collaboration artistique Alexandre Ethève, scénographie et masques Fredy Porras, musique Erick Bongcam et Omar Porras


avec la collaboration de Christophe Fossemalle, lumières Omar Porras et Matthias Roche, costumes Bruno Fatalot (d’après les costumes de Coralie Sanvoisin), postiches, perruques, maquillages Véronique Soulier-Nguyen, accessoires Laurent Boulanger

avec Olivia Dalric, Peggy Dias, Karl Eberhard, Omar Porras, Caroline Fouilhoux, Pascal Hunziker, Laurent Natrella, Marie-Evane Schallenberger

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