Art-scène, Cirque, Théâtre

Ex Anima, Zingaro, Bartabas

 

Passée l’entrée du Fort d’Aubervilliers, on est déjà ailleurs. Devant nous, une esplanade de baraques et de chapiteaux, tout de bois, des caravanes et des vieilles voitures, un univers mi-cirque mi-far-west. Le chapiteau principal met immédiatement dans l’ambiance. Les décors et costumes des nombreux précédents spectacles sont exposés. L’histoire de la compagnie, son expérience, sa grandeur, sont annoncés, le voyage peut commencer.

Une fois installés au bord du manège, que des effets lumineux font ressembler à un gouffre ou à des ténèbres, l’expérience débute. Plongés dans l’obscurité, on n’a aucune idée de ce qui nous attend. Tout est possible, les chevaux seront libres à quelques centimètres parfois immobiles à nous regarder fixement, parfois au galop. Il faut rester muets, frissonner en silence et lâcher prise, se laisser porter pour une rencontre intime avec le Dieu cheval, la tête d’affiche. Parce que dans ce spectacle, plus que jamais, Bartabas et sa troupe laissent la part belle aux chevaux et disparaissent, s’effacent. L’homme est à terre, dans l’ombre, vêtu de noir, humble serviteur dédié à son maître dont il ramasse les excréments. Le cheval est en pleine lumière, seul sous les feux des projecteurs, sublimé, élevé, l’objet de toutes les attentions, les crinières magnifiquement peignées, le poil soyeux. Et le pari est là. Donner au spectateur l’illusion que le cheval est le maître, le seul arbitre. Lui restituer une apparente totale liberté et alors, prendre le temps de l’observer, d’un oeil nouveau: vivre, jouer, communiquer, hésiter, décider. Et le charme opère. Les chevaux révèlent une autorité naturelle, un calme et un sang froid supérieurs (surhumains?), une grâce majestueuse et une aura solennelle. Tel des éthologues, on se surprend à imaginer les liens qui unissent les chevaux, les rapports de domination, les sentiments. Une âme animale? sans doute.

Ainsi, avec « Ex Anima », ne cherchez point de cirque, ni de voltige ni même un seul cavalier. Seuls quelques oiseaux de paix sont encore autorisés à se poser sur la croupe royale. Le théâtre équestre de Bartabas ne monte plus les chevaux, il les élève. Dans une sorte de cérémonie presque religieuse, l’humain rend hommage à l’animal. Une expérience de tous les sens.

 

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