Simone de Beauvoir – La ballade de Simone, Simone DE BEAUVOIR et Nadine DARMON

« Qu’est-ce que la femme ? » Sûrement une actrice...
Actuellement sur scène au Théâtre du Lucernaire, La Ballade de Simone de Nadine Darmon propose une immersion dans la vie de Simone de Beauvoir.
Sur la base d'extraits tirés de trois textes de Simone de Beauvoir (Le deuxième sexe, La force des choses, Lettres à Algren), ce spectacle, joué avec brio, ne veut pas uniquement « reproposer » la pensée féministe du grand écrivain, mais aussi en considérer, d’une façon drôle, le sens qu’elle peut assumer de nos jours. Le spectacle met en parallèle de manière intelligente et brillante l’œuvre philosophique de Simone de Beauvoir dans la période dans laquelle elle travaillait à la rédaction de Le deuxième Sexe et la correspondance passionnée avec l’écrivain américain Nelson Algren.
Dans un décor sobre, qui évoque une intimité toute féminine (un rideau de perles derrière lequel se place une sorte de toilette), deux femmes d’aujourd’hui, d'âges différents, dialoguent, rient et se confrontent, comme deux copines le feraient, autour de l'œuvre et de la vie sentimentale de Simone de Beauvoir.
A travers la lecture, des sketches comiques et la musique jouée sur scène (chant et accordéon), les deux actrices (Michelle Brûé et Odja Llorca) se moquent de la considération de la femme élaborée tout au long des siècles en mettant en valeur la nouveauté et l'importance de la figure de Simone de Beauvoir. Mais si l’une d’elles garde un coté froid et rationnel, l’autre semble incarner la jeune fille qui s'émeut devant une histoire d'amour (celle de Simone et de l'écrivain américain Nelson Algren), qui demande avec impatience « Qu’est-ce qui se passe après ? » quand leur amour semble mis en péril, et qui s’élance sur les notes tristes d’une chanson française quand elle en connaît la fin.
Malgré les quelques moments où la récitation et le chant prennent trop le dessus sur la narration, ce spectacle n’ennuie pas un seul instant pendant toutes ses 100 minutes. Les lectures alternées des extraits de Le deuxième sexe et de la correspondance avec Nelson Algren crée une dialectique riche et vivace qui implique généreusement le spectateur.
http://www.lucernaire.fr/beta1/index.php?option=com_content&task=view&id=504&Itemid=52
Flavia Ruani et Gloria Morano
© Etat-critique.com - 07/12/2009
Masurca Fogo, Pina Bausch

A dix ans de distance, le spectacle de 1998 de Pina Bausch revit sur le plateau du Théâtre de la Ville : un tribute émouvant à la grande choréographe disparue cet été.
A dix ans de distance, le spectacle de 1998 de Pina Bausch revit sur le plateau du Théâtre de la Ville : un tribute émouvant à la grande chorégraphe disparue cet été.
Masurca Fogo est inspiré par l’atmosphère du Portugal, suite à une résidence que la compagnie de Pina Bausch a réalisé à Lisbonne en 2008. Cette création poursuit la recherche liée aux rapports entre les hommes et les femmes, à leurs rencontres, aux solitudes de chacun. Comme toujours il s’agit d’un travail chorégraphique qui alterne danse et théâtre parlé. Les solos (très nombreux) et les moments de danse en groupe (plus rares) s’alternent à séquences jouées qui, influencées par le quotidien des rues de Lisbonne, font surgir de vrais personnages drôles, décalés, touchants.
Les situations de jeu et les corps des hommes et des femmes sont mis à l’épreuve d’une bande-son très variée, composée de musique cap-verdienne, ainsi que de sons de percussions, de mélodies fado, de chansons pop-jazz etc.
Des moments plus sentimentaux et érotiques succèdent à saynètes comiques et exhilarants, proches de l’absurde. Souvent des vidéo-projections envahissent entièrement la scène en plongeant les corps des danseurs-acteurs dans de paysages portugais faits d’animaux et de nature sauvage.
Masurca Fogo, au contraire des créations plus anciennes de Pina Bausch, propose une vision plus positive des relations hommes-femmes. L’érotisme est fait de passions furtives, de jeux de séduction et de moments burlesques émouvants et saisissants.
La première de dimanche 22 novembre 2009 a été applaudie intensément dans la commotion collective. Un hommage éloquent à l’œuvre de Pina Bausch, hommage qui se poursuit au Théâtre de la Ville jusqu’à la fin du mois.
Gloria Morano
© Etat-critique.com - 25/11/2009
Le Cirque des Mirages aux Trois Baudets / Yanowski et Fred Parker


Il ne manquait plus qu’eux aux Trois Baudets. Le Cirque des Mirages a bien voulu y faire une pause. Un choc de grâce et d’humour pour amoureux des maux.
Cela fait plusieurs années qu’ils sillonnent la France de long en large, Fred Parker le pianiste et Yanowski l’auteur chanteur de cet incroyable duo expressionniste. L’esthétique est fondée sur un mélange de poésie, de chant et de grâce.
La narration commence avec les déboires d’un auteur endetté poursuivi par un huissier. L’histoire finit mal, un meurtre non prémédité. L’huissier est assassiné à coup de grands gestes, d’éclairage et de touches de piano : des noires. S’ensuivent alors des histoires empruntées à l’absurdité de notre monde. Du bureau administratif fermé à l’heure pétante qui ne permet pas de délivrer un récépissé, au terrible destin d’un employé, affublé de l’indélicate phrase « il est con Jambier », tout est là pour accabler les hommes souvent désireux d’en finir eux-mêmes avec l’humanité.
Les Barbares sont partout autour de nous. Parker et Yanowski nous le font rapidement comprendre avec une langue qui élève le spectateur vers un monde imaginaire de finesse et de beauté. Les mots sont choisis pour éveiller l’oreille et le temps dans un rythme effréné qui ne ménage jamais le corps du comédien chanteur, étiré, chamboulé, sur un plateau vidé pour mieux résonner avec le martèlement des maux.
Yanowski suit les mots les mâche et les digère, une respiration humaine qui percute et jamais ne lasse. On retrouve l’extravagance des voix de l’opéra, la grâce gestuelle d’une Barbara, l’androgynie des pantins manipulés au gré du vent et du destin, la noirceur et la dureté de l’artisan perfectionniste qui va au bout de l’intention. Une étonnante loufoquerie qui manipule avec talent l’Amour et la Mort. Yanowski et Parker sont deux magnifiques icônes du spectacle vivant. A découvrir d'urgence.
Le Cirque des Mirages :http://www.cirquedesmirages.com/index.php
Les Trois Baudets : http://www.lestroisbaudets.com/
Sébastien Mounié© Etat-critique.com - 19/11/2009 - Le cirque des mirages DU 10 AU 29 novembre 2009 les trois baudets 64 bd de clichy paris 18 infos@lestroisbaudets.com réservation/info lestroisbaudets.com ou Par tél au 01 42 62 33 33
Les Caramels fous, Madame Mouchabeurre

Jusqu’au 21 novembre, vous allez pouvoir rire, vous amuser, vous détendre entre amis, partager un vrai bon moment. Et ça n’arrive pas si souvent !
Merci aux Caramels Fous, une troupe amateur de chanteurs et danseurs gays, qui vous entraîne dans leur dernière aventure, « Madame Mouchabeurre ».
Comme Madame Butterfly, Mme Mouchabeurre rêve d’un amour perdu. Mais la transposition est bien loin de l’expression dramatique de l’original.
L’action se situe dans un petit port breton, Plou Her meur, et va, en trois tableaux, des années 1950 aux années 1980. On voit ainsi changer la Bretagne, du petit bistrot au fast-food.
Mme Mouchabeurre (ex- Melle Chouchenn) doit se marier avec le patron du bistrot. Mais ce soir-là, juste avant ses noces, débarque un beau marin américain auquel elle se donne et dont elle aura un enfant. Le mari repart, Yvon Mouchabeurre l’épouse, tout pourrait être oublié, se tasser avec le temps. Mais c’est sans compter sans l’imagination débridée deMichel Heim et des autres Caramels. Bref, cette comédie musicale est fertile en rebondissements.
Surtout, leurs parodies de chansons et d’airs connus est absolument hilarante.Bien sûr, il y a les classiques bretons, les chansons de Tri Yann telles « La jument de Michao », qu’honore de vaillantes bigoudens. Mais ce n’est pas tout : de « Titanic » à Salvatore Adamo en passant par Michel Polnareff ou les Rita Mitsouko, le public n’est pas au bout de ses surprises. Mention spéciale à Maryvonne, la bonne du curé, qui nous fait une sacrée interprétation du titre éponyme d’Annie Cordy. À se tordre !!! Et quand cette bonne décide de devenir un garçon, un gay très cuir amoureux d’un trans, on se demande où tout cela s’arrêtera. Mozart et sa « Flûte enchantée » (avec ce fabuleux air de « Papageno »), mais aussi Hoffmann ou Offenbach, les Caramels ont de sacrées références.
N’oublions pas que tous ces chanteurs et danseurs sont bénévoles. La chorégraphe Nadine Féty et le directeur musical Nicolas Kern ont également uni leurs talents pour le meilleur. En ces temps de crise, il n’y a rien de mieux que quelques vrais éclats de rire. Après « La Nuit des reines » et autres « Dindes galantes », les Caramels Fous sont encore au rendez-vous. Merci, messieurs. Les gens qui nous font autant rire méritent tout notre respect.
Les Caramels Fous - Madame Mouchabeurre
Nicolas KERN et Michel HEIM
Trianon 80, boulevard Rochechouart, 75018 Paris
GENTE DI PLASTICA, Pippo DELBONO

L’édition 2009 du festival Vidéodanse, débutée au Centre Pompidou ce 21 octobre, donne la possibilité de revoir une œuvre de l’auteur de théâtre italien Pippo Delbono.
Pippo Delbono, au cinéma cette année avec ses films La Menzogna et La Paura (tourné avec téléphone portable), est également un des protagonistes du festival Vidéodanse qui, pour cette édition, a choisi comme thème la relation entre le réel et la danse. Et à raison. Le spectacle Gente di Plastica [Gens de plastique], réalisé en 2002 et présenté au Théâtre du Rond Point en 2004, dont il est possible aujourd’hui visionner la version filmé en 2006 par Christophe Bargues, questionne cruellement la fausseté et le vide du quotidien familial. Il s’agit d’une critique intense et rythmiquement articulée de la société moderne qui construit tous ses rêves dans le miroir du spectacle télévisuel.
Les saynètes interprétées par les comédiens poussent jusqu’au bout les clichés et la symbolique de la société, à partir des codes et des dynamiques familiaux. La construction de cette surface de typologies humaines, de caractères distinctifs en termes de gestes et d’habillement, met en évidence le vide sous-jacent, sa violence, sa tragédie.
Le rythme est donné par le DJ Delbono qui choisit et annonce les mélodies. Les chansons deviennent le fil conducteur des séquences dans lesquelles sont déconstruites jusqu’à l’implosion les images et les apparences sociales. La voix de Delbono, racontant la guerre et la poésie, narre le spectacle infini qui transforme les visages humains en masques, qui dévoile le monstrueux du quotidien.
Gloria Morano
© Etat-critique.com - 04/11/2009
Dîtes-leur que je suis un homme, d’Ernest J. Gaines


Dans la Lousiane des années 40, un braquage minable d’une épicerie tourne mal : quelques morts et un gamin qui se retrouve condamné pour avoir été présent sur les lieux du crime. Etait-il simple spectateur ou participant actif à la rapine ? Toujours est-il que ce jeune homme, un (sale) nègre pour les uns, un frère pour les autres, sera investi par son peuple de la mission de montrer aux blancs qu’il est bien un Homme. (suite…)
Rosas danst Rosas, Anne Teresa De Keersmaeker

La reprise 2009 du spectacle qui en 1983 donna le grand succès à la chorégraphe belge remet à l’épreuve de la durée le mouvement sériel dans un crescendo de tension et enchante à nouveau le public.
Rosas danst Rosas se compose de cinq parties. Dans la première, silencieuse, les corps des quatre danseuses respirent au ras du sol. La chorégraphie commence à confronter la sérialité des mouvements aux différents schémas quantitatifs de globalité ou de séparation des quatre présences. Les pauses qui alternent les répétitions des mouvements violentent les spectateurs, l’obligent à vivre la durée, à y trouver un rythme.
Les parties suivantes, grâce à la présence de la musique, sont plus accessibles et arrivent à impliquer le public dans un crescendo de tension, dû à une augmentation de la vitesse et à une complexification des structures sérielles.
Les parties suivantes, grâce à la présence de la musique, sont plus accessibles et arrivent à impliquer le public dans un crescendo de tension, dû à une augmentation de la vitesse et à une complexification des structures sérielles.
La dynamique mise en place par Anne Teresa de Keersmaeker oppose sans arrêt la ressemblance et la différence, l’unisson et l’individualité, l’interactivité et l’isolement, l’hypnose de la répétition incessante et la perception des inégalités. Une empathie grandissante unit le public et les danseuses qui ne cachent pas leur fatigue et qui rentrent de plus en plus dans un jeu de séduction avec les spectateurs.
Si les débuts sont difficiles, donc, la mise en scène s’ouvre de plus en plus à la jouissance du rythme et de l’obsession de la sérialité et de ses variations.
La folie de la durée infinie.
http://www.theatredelaville-paris.com/hs_textes.php?video=415&page=23
Gloria Morano
© Etat-critique.com - 27/10/2009
Christophe Alévêque est Super Rebelle !…enfin ce qu’il en reste

Christophe Alévêque est Super Rebelle… il est aussi super drôle !
Christophe Alévêque entre en scène affublé d’un déguisement de super-héros démodé. Il reste muet quelques instants, l’air accablé et dépité. Et de fait, il n’a pas le moral.
« Super Rebelle n’a plus la pêche : hier j’ai croisé un camion de flics, je ne les ai même pas insultés ».
Mais Super Rebelle retrouve bien vite son énergie, galvanisé par ce monde moderne si facile à railler tant il est absurde. Avec son débit de mitraillette et sa voix légèrement haut perchée, Christophe Alévêque commence par fustiger l’argent, ce « doudou d’adulte » et la société de consommation qui consiste à « acheter des choses dont on n’a pas besoin avec de l’argent qu’on n’a pas ».
Il enchaîne sur les média et leur fascination béate devant l’incontournable hyper-président (pas le camembert, le Nicolas) avant de faire un sketch à mourir de rire sur les ados. Je sais, le thème est vu et revu, mais il faut reconnaître que Christophe Alévêque s’en sort vraiment très très bien avec ce sujet.
« Françoise Dolto, sur le fond, elle a raison… le problème c’est qu’on vit en surface ! »
Christophe Alévêque retrouve tellement la forme qu’il se met même à chanter! Il ponctuera son spectacle de trois ou quatre chansons pas vraiment inoubliables mais pas non plus insupportables, un peu à la manière d’un Bénabar. Mais qu’ont donc tous ces comiques, Gad Elmaleh en tête, à se prendre pour des chanteurs ?
On apprécie particulièrement la revue de presse désopilante qui achève de mettre le public dans la poche de Christophe Alévêque. Il parvient à instaurer une complicité étonnante avec les spectateurs qui, malgré la taille non négligeable de la salle, se sentent très proches de l’humoriste. (Les puristes noteront que Christophe Alévêque recycle quelques chroniques, lues notamment dans Siné Hebdo où il officie.)
Christophe Alévêque termine son spectacle en apothéose, nous faisant revivre à la façon d’un exutoire le concert d’investiture de Sarkozy à la Concorde et permettant au public de se lâcher complètement et de quitter la salle heureux. En sortant, j’ai même entendu des spectateurs se féliciter de ce que le spectacle de Florence Foresti était complet.
Du 17 octobre au 14 novembre 2009, Théâtre du Rond Poin
F.A.I. 2009 / BERTRAND BELIN et TATIANA MLADENOVICH

Bertrand Belin rencontre Tatiana Mladenovich dans le cadre du Festival des attitudes indépendantes. La finesse en action.
Bertrand Belin est un personnage à lui tout seul. Peu connu du grand public, il l’est surtout des passionnés de la guitare et des artistes français avec lesquels il collabore très souvent dans l’ombre des studios comme arrangeur compositeur ou guitariste. Voix d’outre-tombe susurrée près du micro, toucher de guitare à faire rougir les cordes, Bertrand a un charisme scénique qui fait pleurer les notes.
Dans le cadre du Festival des attitudes indépendantes, le voilà au Théâtre des Trois Baudets, seul en scène avec Tatiana Mladenovitch à la batterie, une autre icone du paysage musical français.
Tatiana, chevelure noire toujours ébouriffée, vêtue de bleu est à jardin. Bertrand, veste beige, chemise rouge et Jean noir occupe le reste du petit plateau, borné par les amplis et ses deux guitares côté cour. Et c’est parti pour plus d’une heure d’échanges musicaux.
Duo de charme, la paire fonctionne à merveille. Bertrand reprend avec allégresse « colosse » et des titres plus récents de la Perdue, son dernier album. En parfaite harmonie avec Tatiana, réceptive aux moindres variations de la guitare, le chant de Bertrand colle aux notes. Peu de mots. Juste une harmonie vocale pour suggérer plus que pour imposer.
Belin est un dandy. Le dandy se dandine sur scène avec sa femme-guitare. Il glisse sur la scène autour de la batterie. Ca patine et ca provoque, ça regarde et ça séduit, jeu de jambes à l’appui. Un savant mélange de désir et d’humilité autour de la reine Musique. Une recherche permanente d’équilibre de notes et de sons dans des ballades folk-rock qui prennent des chemins forcément inhabituels.
Alors quand Tatiana se lance vocalement dans des contre-chants en nappe vocale ou en chœur, c’est à tomber par terre. Somptueux de finesse et d’élégance. La grande classe.
Belin et Mladenovitch viennent une fois plus de prouver que c’est dans l’à-côté que se créent les plus belles surprises et les plus beaux bonheurs. Même si cela fait longtemps que ces deux artistes se connaissent, la sincérité reste d'une grande beauté. Si leur chemin passe près du vôtre, ne les loupez pas. Un duo à connaître absolument.
http://www.myspace.com/bertrandbelin
Sébastien Mounié
Diamond Dogs / David BOWIE / (EMI – 1974/ Rééd.2004)

CAVE CANEM : La fin du monde n’est toujours pas là et tant mieux ! On va pouvoir continuer à l’imaginer en écoutant cette histoire hallucinante de chiens aux diamants, dont les multiples facettes brillent aujourd’hui encore des mille feux du génie de Bowie.
1974 : Bowie persiste à programmer la fin du monde (il l’annonçait déjà pour « dans 5 ans » en ouverture de Ziggy Stardust… en 1972) et en repousse l’échéance à 1984.
Trente ans plus tard, bien qu’ayant frôlé à plusieurs reprises la catastrophe, le monde est toujours en (sur)vie…et Bowie – qui a abandonné son plumage de prédicteur de mauvaise augure- aussi.
Riche, inventif, personnel et transitoire, Diamond Dogs – avec ses qualités, ses défauts et ses trente ans d’âge - fascine et allume encore comme un vieux whisky, en commençant par cette pochette (œuvre du belge Guy Pellaert), effrayante, avec un Halloween-Jack-Bowie mi-homme mi-chien (finalement asexué pour cause d’attributs trop proéminents au goût d’une censure castratrice ) dans un univers apocalyptique de gratte-ciels en ruines.
Halloween Jack, rare survivant de l’ère post-atomique, celle des Diamond dogs, mutants qui font main basse sur la ville dévastée, sol jonché de cadavres, de rats pourris, d’insectes monstrueux… « This ain’t rock’n’roll – This is genocide ». Ceci pour vous donner une petite idée du contexte de l’histoire, inspirée à la fois de William Burroughs (The wild boys), Harlan Ellison (A boy and his dog) et naturellement du 1984 de George Orwell.
Ayant viré au préalable et sans ménagement l’ensemble de son groupe (les fameux Spiders Ronson, Bolder et Woodmansey), Bowie prend ici en main la composition, la production, les arrangements, les guitares et même le saxophone (son instrument d’origine). Musicalement, contrairement à ce qu’on a pu en dire, on trouve beaucoup d’idées remarquablement modernes, d’expériences dans les sons et les enchaînements ; Bowie alterne les passages déstructurés et les tubes imparables. Exemples : la fin de Sweet things (reprise), complètement destroy sur son tempo de locomotive (un avant goût de Station to Station ?) qui aboutit au riff mythique de Rebel Rebel (joué par Bowie lui-même, les doigts en sang) ou le symphonique Big Brother qui donne naissance à la très hachée ronde de la famille squelettique qui clôt le débat. Rock’n’roll with me, c’est la facette crooneuse . 1984, c’est la facette soul . We are the dead, sorte de slow sensuel et stressant brille lui aussi, sur son lit d’orgue électrique, feutré et irréel. Ambiance pesante et fascinante, accentuée encore par un son volontairement métallique et froid, mais aussi par la nouvelle utilisation que fait David Bowie de sa voix dont il commence avec bonheur à utiliser les tessitures graves.
Bref, tout pour déstabiliser les rock critics de l’époque, qui réservèrent injustement un accueil mitigé à cet album, pourtant tellement emblématique de ce qu’est David Bowie : un être en permanente recherche de changement, d’expérience inédite et qui va au bout de ses voyages. Même les plus risqués.






