Livres

Là où vont les belles choses, Michelle Sacks, 10/18

La couverture et le titre (« Là où vont les belles choses ») nous laissaient espérer un récit beau et nostalgique, c’est en réalité une bien triste histoire qui nous est contée par Michelle Sacks.

Dolly a sept ans. Elle joue tranquillement avec Clemesta (son poney en peluche affublé d’un nom qui sonne comme un antidépresseur) lorsque son père la saisit et la jette précipitamment dans sa jeep. Ils « partent à l’aventure » rien que tous les deux, lui annonce-t-il ; une aventure dont on sent dès le départ qu’elle recèle quelque chose de louche.

Ayant choisi une enfant comme narratrice de son roman, l’autrice tâche de restituer le phrasé, la langue et l’état d’esprit d’une pipelette de sept ans. A mon avis, ce procédé est légèrement casse-gueule et, d’ailleurs pas toujours très convaincant. A la longue, la lecture du livre est parfois un brin fastidieuse, d’autant qu’il faut attendre 175 pages pour que l’écrivaine cesse (enfin) de tourner autour du drame. Heureusement, les choses s’améliorent nettement dans la seconde moitié du livre. (Le dernier chapitre est bouleversant, bien que l’on ne soit pas totalement surpris par le dénouement.)

Tout au long du livre, la petite new-yorkaise découvre par la vitre de sa voiture un paysage ponctué de mobile-homes posés sur des parpaings, d’églises protestantes aux slogans accrocheurs et de drapeaux confédérés étendards de la fierté blanche. La description de l’Amérique proposée en filigrane est saisissante et vaut le détour.

Ainsi, à travers les yeux d’une enfant, ce livre témoigne de l’effondrement du rêve américain et de la peur du déclassement, avec pour obsession d’échapper à l’obésité, la crasse, la vulgarité et la bêtise. Le paysage défile et nous en apprend finalement beaucoup sur les États-Unis. J’ai été particulièrement saisi par l’image de l’aigle dont le dresseur a coupé les ailes pour l’empêcher de voler. Tout un symbole pour l’emblème de l’Amérique.



Paru le 16 juin 2022
Éditions 10/18, Collection Littérature étrangère
Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Romain Guillou
309 pages / 8,20€

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