Littérature étrangère, Livres, Polar

American Predator, Maureen Callahan, 10/18

La journaliste d’investigation Maureen Callahan signe un livre sur le tueur en série américain Israël Keyes. Cette enquête qui se lit comme un (bon) roman est aussi passionnante que glaçante. Ce livre remarquable se lit d’une traite !

En février 2012, à Anchorage (Alaska), disparait une jeune femme qui travaille dans une minuscule cafétéria de bord de route. Au départ, la police pense à une banale fugue…

A cette erreur d’appréciation s’ajoutent – comme c’est souvent dans les faits divers états-uniens – des querelles de chapelles entre les différents corps de police impliqués (FBI, Criminelle locale, police de la route…). Tout cela sans compter ce Procureur à l’égo démesuré qui abuse de son pouvoir pour mener lui-même les interrogatoires du suspect, au risque d’invalider toute la procédure.

En dépit de ces vicissitudes, Maureen Callahan rend un hommage sensible aux flics de toutes sortes qui se prennent cette affaire traumatisante en pleine poire. Car il y a des perles d’humanité dans cette histoire, comme ce plongeur du FBI dont la vie consiste à côtoyer les morts, comme cette enquêtrice qui n’aime rien tant que décortiquer des données pour en faire émerger un récit, ou encore comme ce brave Texas Ranger qui arrive à tirer quelque chose d’un avis de recherche particulièrement flou et imprécis, ce qui mènera à l’arrestation d’un suspect. Une interpellation qui tient à peu près du miracle.

Alors qu’ils pensent avoir bouclé une « simple » affaire de kidnapping, les flics comprennent qu’ils n’en sont en réalité qu’aux prémices d’une enquête vertigineuse sur les agissements d’un tueur en série méthodique et impitoyable.

Un tueur assez cynique pour poser des « congés décès » lorsqu’il part en randonnée meurtrière, et assez froid pour assister tranquillement à une réunion parents-profs à l’école de sa fille… alors qu’il vient tout juste de se débarrasser d’un cadavre ! (page 173)

Israël Keyes n’est pas un tueur de masse du genre bourrin. Au contraire, ce type méticuleux, documenté et ingénieux déroute même les meilleurs profilers du FBI. Ayant étudié les biographies d’autres tueurs, il s’en inspire pour mieux brouiller les pistes et faire disparaitre les preuves. Doté d’une mémoire d’éléphant, il se souvient précisément de chacun de ses crimes, mais ne livre que ce qu’il veut.

Comme les livres de Tara Westover ou de Mikal Gilmore, le récit proposé par Maureen Callahan illustre tout le poids que la religiosité des parents peut avoir sur leurs enfants. Sans chercher d’excuses à Israël Keyes, on perçoit qu’il n’a pas été aidé par l’éducation que lui ont donnée ses parents, eux-mêmes assez mal barrés et passés du mormonisme au suprémacisme blanc.

«  Paradoxalement, ce sont ces actes qui lui permettent de se prendre pour le Dieu en lequel il ne croit pas. » (page 249)

Heureusement, le talent et la rigueur journalistique de l’autrice rendent l’enquête fascinante et nous permettent de supporter la description des faits indicibles commis par ce grand manipulateur qui aime jouer avec les nerfs des enquêteurs comme avec ceux de ses victimes.

Parution le 03 novembre 2022
chez 10/18,
384 pages / 8,50€
Traduit de l’anglais par Corinne Daniellot
Prix de littérature policière 2022 – Grand prix – Étrangère

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