Art-scène, Théâtre

Not I, Footfalls, Rockaby, Samuel Beckett, Athénée Théâtre Louis Jouvet

rock

Une performance exceptionnelle, une tournée qui fait halte à l’Athénée Théâtre Louis Jouvet pour 5 représentations.

L’accueil de l’Athénée vous le précise d’emblée: ce soir, vous assistez à une performance plutôt qu’à un spectacle; le silence complet est requis; l’obscurité totale régnera, au début et entre les 3 courtes pièces (même les sorties de secours seront exceptionnellement éteintes!). Donc, nous voici prévenus et plongés dans le noir. S’il faut ménager l’artiste Lisa Dwan, seule en scène, ce n’est pas qu’elle marche sur un fil ou qu’elle accomplisse des acrobaties délirantes, non… à moins que…

A moins que: débiter un monologue en un souffle de dix minutes, sans avaler sa salive, plus vite que la vitesse de la pensée, donnant l’impression que des pensées s’entrechoquent… qu’arpenter un couloir sur le pas de porte de la chambre de sa mère mourante, marcher comme sur le fil du rasoir, répondre sans blesser, gardant pour soi la peur… que convoquer les dernières paroles proférées et les dernières pensées d’une vieille femme solitaire… soient autant d’acrobaties de la pensée et de risques assumés ?

Car l’enjeu pour l’interprète est tout simplement: ne pas céder à la folie. C’était le vœu de la comédienne Billie Whitelaw, qui a créé « Not I » sous la direction de Beckett, et pour qui le dramaturge a ensuite écrit « Footfalls » et « Rockaby ». Billie Whitelaw a partagé son expérience et ses notes de travail avec Lisa Dwan; et c’est Walter Asmus qui dirige cette dernière dans cette nouvelle production. Walter Asmus, directeur de théâtre, metteur en scène et dramaturge, a été un proche collaborateur de Beckett dès les années 70. Donc, ce qui se donne à voir à l’Athénée Théâtre dans cette performance, c’est une des filiations directes de l’auteur. C’est intéressant quand on sait à quel point son oeuvre est le seul testament qu’il a laissé; en effet, Beckett a toujours refusé de se prêter au jeu des interviews et de commenter son travail.

« Not I » fait penser à James Joyce (que Beckett a connu et traduit vers le Français): un texte écrit comme un « courant de conscience », un long monologue intérieur, un flot, chez Beckett pas toujours rationnel, mais entrecoupé, perméable aux bruits extérieurs, aux autres individus et incontrôlable comme l’inconscient.

« Footfalls » et « Rockaby » illustrent notamment ce moment possible (le vivrons-nous ?) où un individu, vieux, malade ou fatigué de la vie, se dit tout simplement: « j’ai assez vécu, ça suffit », et où, malgré l’absence de volonté, la vie s’attarde, tenace comme la racine d’une mauvaise herbe, aussi contrariante qu’un parasite.

Les lumières  élaborées par James Farncombe donnent encore plus d’étrangeté à cette performance parfois fantomatique.

Il faut souligner la belle présence, féminine et sauvage, grave et troublante, de Lisa Dwan. On découvre un au-delà de l’interprétation. Il s’agit plutôt d’une incarnation, de l’ordre du magique ou du chamanisme.

Enfin, la langue anglaise (le texte n’est pas traduit) n’empêche pas la compréhension des situations. On saisit toujours l’essentiel de l’état de confusion intérieure des personnages.

Vous pouvez voir ou revoir cette saisissante incarnation jusqu’au dimanche 15 mars.

 

le vendredi 13 et le samedi 14, à 20h,

le dimanche 15 à 16h,

à l’Athénée Théâtre Louis Jouvet: 7 rue Boudreau 75009 Paris • location : 01 53 05 19 19

Mº Opéra – lignes 3, 7, 8 et Havre-Caumartin – lignes 3 et 9
RER A Auber | plan et accès sur le site de l’Athénée

 
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