Art-scène, Théâtre

Jean-Luc Lagarce, Marcial Di Fonzo Bo

La période actuelle est pour le moins triste. Et qu’il est bon de rire d’un vrai rire ! Maintenant que les théâtres sont rouverts, tout le monde se rue sur les spectacles. Par solidarité bien sûr car bon nombre de salles ont perdu jusqu’à 80% de leur chiffre d’affaires. Mais aussi parce que c’est bon d’oublier -« une heure, une heure seulement » comme disait Jacques Brel –  bref de laisser de côté ses soucis et plonger dans l’univers magique du théâtre. Quand le spectacle est drôle, c’est encore mieux.  « Règles du savoir-vivre  dans la société moderne »,  est un savoureux monologue de Jean-Luc Lagarce de 1994, sous la direction de Marcial Fonzo Di Bo. Et, comble du bonheur, la grande comédienne Catherine Hiegel y est seule en scène.

Une première pour celle qui joue depuis 56 ans. Bien évidemment, elle est intimement liée, pour les spectateurs, à la Comédie-Française, où elle est restée quarante ans, tout en faisant quelques incursions au cinéma et à la télévision.

Mais ici, avec beaucoup d’assurance et de façon imperturbable, elle transmet les conventions et les rituels qui jalonnaient chaque étape de la vie bourgeoise d’autrefois, qu’il s’agisse de la naissance, du baptême, des fiançailles, mais aussi du mariage, des noces d’or ou du décès. Pour certains, cela paraît d’un autre âge. Le texte est d’ailleurs inspiré du manuel de la baronne de Staffe, daté de la fin du XXe siècle. Qu’il s’agisse de la timbale en argent pour le jeune baptisé, de la bague de fiançailles, que seule la femme porte, ou encore d’un objet en or pour les noces…d’or, tout cela parait un tant soit peu désuet. Hé bien non. Ça existe encore, tout comme la place impartie aux hommes et aux femmes à l’église pour les obsèques. Il suffit d’aller dans certaines régions pour le constater.

Dit comme ça, cette énumération de coutumes peut paraitre aride. Mais ô miracle, grâce à Catherine Hiegel, c’est hilarant. La mise en scène est sobre, elle se déplace entre des tables couvertes de papiers à la main, simulant de probables règlements. On croirait entendre au choix un employé de mairie ou une maîtresse de maison à la tête d’une grande famille. Mais énumération ne vaut point décision. Car les règles sont simples : on ne transige pas avec la tradition et surtout pas avec le savoir-vivre. Les femmes ne décident pas, ce sont les hommes qui pensent. Le ton sérieux et affirmatif de la comédienne devient alors encore plus léger et glisse sur les énormités en insistant et répétant certains mots et certaines phrases. Un rôle qui se mue donc de temps à autre en dissociation. Et c’est là qu’il devient vachard et moqueur, distribuant par ci par là quelques expressions hilarantes. Un sourire au coin, l’air un peu blasée voire lasse, elle passe de la femme rigide d’autrefois édictant des préceptes à celle qui ne s’en laisse pas conter. Toute en finesse et drôlerie.

Jusqu’au 31 décembre 2021
Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne
Théâtre du Petit-Saint-Martin, Paris

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