Art-scène, Théâtre

La servante de Proust, Arnaud Bertrand, Poche-Montparnasse

Proust est mort il y a cent ans et les commémorations se succèdent, en particulier à Paris. Après le remarquable hommage du musée Carnavalet (où l’on peut découvrir sa chambre), il faut se rendre à celui de la BNF autour d’A la recherche du temps perdu. Sans oublier les lectures d’extraits de son œuvre, par Anny Duperey et Marie Drucker entre autres. La liste est longue : hôtel à son nom, dégustation de madeleines, spectacles, plaque commémorative, dictées géantes. L’un des plus grands écrivains du XXe siècle, qui fut obligé à ses débuts de publier à compte d’auteur, serait probablement surpris… mais flatté.

Le théâtre de Poche-Montparnasse a, comme souvent, opté pour un angle original. La Servante de Proust, c’est l’histoire incroyable de Céleste Albaret, la servante et gouvernante du très grand écrivain durant les huit dernières années de sa vie. Elle entre au service de Proust un peu par hasard en 1914 et y demeurera jusqu’à la mort de ce dernier en 1922. La femme refusera longtemps d’évoquer cette période avant de se laisser convaincre dans les années 1970 par Georges Belmont. La parution de Monsieur Proust en 1973 suscitera de nombreuses polémiques. A-t-elle menti ? Enjolivé ?  Peu importe pour le grand public, qui s’arrache le livre. La critique, en revanche, alliée à certains écrivains, fait la moue et ne se prive pas de la mépriser. Mais comment donc ? Une servante illettrée, amie de ce très grand auteur ? Ne leur en déplaise, l’ouvrage devient vite culte et est traduit. Car cette histoire d’admiration, de dévouement mais aussi d’amitié réciproque, n’est pas commune.

La mise en scène d’Arnaud Bertrand est parfaitement adaptée à cette agréable petite salle du Théâtre de Poche. Lumières douces, voire (très) tamisées, cadre réduit à une chaise et une table, pouvait-on entrer dans l’univers de cet homme autrement ? Lui qui vivait dans une quasi obscurité…

Surtout, outre la scène, il y a les deux actrices. Une véritable trouvaille. L’une (Clémence Boisnard) est la jeunesse, les débuts de la provinciale auprès de Monsieur, l’autre, Annick Le Goff, est le présent. Ce qui interpelle, c’est qu’il existe une réelle continuité dans l’évocation des moments passés avec cet homme, dans les souvenirs souvent précis, même dans les moindres détails. Clémence Boisnard est jeune et souriante, et interprète avec vivacité et sincérité la jeune Céleste. Elle parvient à incarner sans effort cette jeune femme qu’on imagine intimidée puis plus bourrue. Tout en elle semble à la fois naïf et affirmatif.

Annick Le Goff, quant à elle, elle est tout simplement stupéfiante. Céleste est là, devant nous, loin de sa jeunesse, elle esquive, et soudain, elle commence à parler avec retenue. Annick Le Goff est là, tout à la fois comédienne et servante d’autrefois. Ses expressions changeantes, ce visage qu’elle parvient à nous faire imaginer très ridé soudain puis qu’elle adouci ensuite. Et les mains parfois serrées, elle se déplace, et soudain l’on s’interroge : qui est- ce ? La vieille dame à la diction encore précise ou la jeune servante bienveillante ?

Grâce à ces artistes, durant un peu plus d’une heure, ce fut Le Temps retrouvé

La servante de Proust
Théâtre de Poche-Montparnasse
D’après Monsieur Proust, de Céleste Albaret, souvenirs recueillis par Georges Belmont
avec Annick Le Goff et Clémence Boisnard

Tous les lundis à 21h
Renseignements et réservations au 01 45 44 50 21

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