Art-scène, Danse

Nombrer Les Étoiles, Alban Richard, ensemble Alla francesca, Théâtre 71

nombrer les étoiles

Dans un entretien pour le numéro spécial de La Terrasse Shall we dance?, Alban Richard déclare:

 « Les CCN peuvent travailler à la reconnaissance et à la nécessité de la danse dans une société. […] Le projet pour Caen est essentiellement une utopie. »

Dans Nombrer Les Étoiles, l’utopie consiste à projeter sur scène une brèche spatio-temporelle pour plonger des artistes aux corps et habitus ultra-contemporains dans un environnement baignée de musique médiévale, et ce dans la plus grande fluidité, le plus grand naturel.

Pourrait-on imaginer un voyage dans le temps plus doux et serein?

Alban Richard, assisté pour le son par Félix Perdreau, a inséré une continuité minutieuse entre les ballades oniriques interprétées par l’ensemble Alla francesca et le souffle même des danseurs, réverbéré dans tout le public, intensifiant encore l’expérience de transport, intérieur autant que physique.

Chaque geste de main, de pieds, inclinaison de tête… répond subtilement, note pour note, au chant.

Ces arabesques lentes, ce tournoiement suspendu par instants en des poses symboliques, évoquent les sujets gracieux des enluminures médiévales où chaque geste est un langage.

Il émane de l’ensemble un climat de grande détente; tour à tour le chant s’élève, à son diapason les corps s’envolent, puis tout revient à l’état neutre, à l’image d’une boîte à musique dont le mécanisme s’interrompt.

On peut remarquer que les interprètes sont en blue jeans, comme Alban Richard lui-même dans la Suite Dansée présentée l’année dernière à la Philharmonie au son du claveciniste Christophe Rousset.

Alban Richard est un chorégraphe qui recherche un traitement « métrique » de la danse, dans une réponse poignante et rigoureuse à la partition musicale.

On se souvient du morceau de bravoure que fut Pléiades pour le festival Montpellier Danse en 2011 où les six danseurs de son ensemble l’Abrupt scandaient le tempo des Percussions de Strasbourg sur la musique de Iannis Xenakis dans une vitesse d’enfer…

Il poursuit sa recherche amorcée à Chaillot en 2014 dans Et mon coeur a vu à foison, de plongée dans l’univers baroque/ médiévale. Il est question pour lui de travailler une nouvelle contrainte d’écriture chorégraphique, comme un compositeur se frotterait au genre dodécaphonique.

Mais ce qui éclate avec Nombrer les Étoiles, illustre bien « la nécessité de la Danse » dans la cité.

Avec la peinture classique, nous avions accès à la représentation du corps anatomique, à une certaine valorisation du corps dans une dimension presque sacralisée.

Dans le monde contemporain, il ne reste que la danse pour nous rappeler l’importance du corps, du geste, du rythme, de la marche ou du souffle…; pour nous en montrer et faire entendre la beauté.

En blue-jean du quotidien, cette beauté sereine éclate parfaitement grâce aux interprètes d’Alban Richard, en particulier Yannick Hugron dont la précision est aussi légère qu’une plume.

Alban Richard est devenu directeur du CCN de Caen en Septembre 2015.

 

Mardi et Mercredi 9 Mars

Théâtre 71 Scène Nationale de Malakoff

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