Art-scène, Théâtre

Innocence, Dea Loher, Comédie française

innocence

Dans des costumes de Jean-Paul Gaultier, les comédiens du Français interprètent un texte allemand exigeant, matière à réflexion. A voir.

Suite à une noyade qui s’est déroulée sous leurs yeux, Fadoul et Elisio, deux jeunes amis sans papier, s’interrogent sur leur destinée. L’un essaye de se racheter, l’autre sombre dans la culpabilité. L’espoir renait au détour d’une rencontre. Fadoul croise la route d’Absolue, une jeune fille aveugle qui danse dans des bars. Elisio celle d’une mère fabulatrice, obsédée par un couple pleurant la mort d’un enfant. Leurs histoires s’entrecroisent.

Innocence parle d’espoir et d’illusions déçues. D’individu et de collectif, de solitude et de rencontre, des désabusés et d’absurdité. La force de la langue sert la profondeur des thèmes abordés. Reste à signaler une écriture parfois obscure qui s’apparente plus à un roman. La voix du narrateur déstabilise. De longs monologues philosophiques peu adaptés à la scène provoquent l’ennui. Ils sollicitent l’esprit critique des spectateurs dans la lignée des pièces de Bertolt Brecht.

La troupe de la Comédie française rend avec excellence la singularité des personnages. Bakary Sangaré impressionne tant dans l’éveil du sentiment amoureux que dans la colère face à une caissière. Danièle Lebrun est très juste dans le rôle d’une ancienne postière diabétique, comme son nom Frau Zucker, qui signifie sucre en allemand, la prédisposait. Entre imaginaire et réel, elle s’invente une vie de courage. « Ça aurait pu se passer comme cela » répète-elle sans cesse à sa fille.

Une vraie leçon d’innocence vient de la jeune aveugle jouée par Georgia Scalliet. Elle éclaire la scène par sa beauté et sa candeur. Dans un trench ou une robe à corset signé Jean-Paul Gaultier elle rend une forme d’hommage à tous ceux qu’on ne regarde pas ou mal. Elle donne beaucoup à voir sur le monde qui l’entoure. Déjà saluée dans La double inconstance de Marivaux, elle apporte toute la lumière et la touche légère à la pièce.

Dea Loher est la première auteure de langue allemande à entrer à la Comédie française de son vivant. Allez voir, vous comprendrez pourquoi.

 

 

jusqu’au 1er juillet 2015

à la Comédie-Française,

Salle Richelieu, en alternance

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