Livres

Arrête avec tes mensonges, Philippe Besson, éditions 10/18

 

Ils sont rares, ces écrivains français qui parlent d’eux-mêmes sans prétention. Ils sont rares et c’est d’autant plus appréciable. Besson a l’art de nous faire douter. Est-ce tout à fait lui ? Ou est-ce un autre ? L’emploi de la première personne du singulier brouille les pistes. L’utilisation des descriptions physiques (très) proches de son apparence laisse perplexe.

Cela pourrait être un écueil au plaisir de la lecture. Il n’en est rien. Parce que la sensibilité et la douceur sont omniprésentes dans ses livres. S’y ajoute une infinie délicatesse dans les scènes de sexe esquissées, voire énoncées avec une grande simplicité. L’auteur et ses personnages aiment les garçons. Mais le militantisme est absent. C’est juste une évidence.

Le style de Philippe Besson, s’il semble très accessible, déconcerte pourtant. Ses longues phrases, qui sont une inspiration pleine de points virgule, étonnent. Qui utilise encore aujourd’hui le point virgule ? Et puis soudain, une expiration, une petite phrase. Sujet, verbe, complément. Cette dichotomie devient un ensemble et génère alors une vraie fluidité.

Outre ces considérations techniques, les livres de Besson sont des livres d’amour. En l’absence des hommes et Un garçon d’Italie touchent de plein fouet le lecteur, le bouleversent, parfois jusqu’aux larmes. L’amour, surtout entre deux hommes, serait-il nécessairement douloureux, voire impossible ? Y renoncer pour croire que la vie sera plus facile entraîne-t-il fatalement le désespoir ?

« Arrête avec tes mensonges » pose une fois de plus ces questions. On est au début des années 1980, on peut arrêter ses études après le bac et trouver du travail. On fume beaucoup, les cigarettes ne sont pas chères, on a des walkmans, le sida n’a pas encore anéanti tant de jeunes vies. Quand on est un garçon, on ne peut pas aimer un autre garçon. Ça se fait en cachette, sinon c’est la violence, le bannissement à jamais de la famille, et adieu les amis. Malgré tout, comme dit si joliment Philippe Besson, « l’amour se fait ». En secret, avec avidité et fébrilité. Les premières jalousies, les premiers désirs de cet adolescent qui ne s’aime pas, ébloui par un garçon beau et solaire, Besson nous les fait partager de manière poignante. Autobiographique ? Peut-être. Peut-être pas. Peu importe. Ce sont avant tout des instants pris sur le vif, un témoignage attachant du passage de l’innocence à l’âge adulte. Beaucoup plus tard, le hasard fait que l’homme se retourne vers ces années lointaines qui auraient peut-être été différentes si le garçon solaire n’avait pas eu peur. Probablement son plus beau livre.

Arrête avec tes mensonges,
Philippe Besson,
éditions 10/18,
160 pages

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