Pour un père de famille, la fin du monde c’est perdre son enfant. Pour un teufeur, c’est lorsque l’on débranche les enceintes au milieu du désert. La fin du Monde, c’est dans le sud désertique du Maroc, là où finalement tout peut arriver.
Et c’est là justement que se trouve un magnifique film brisé qui rend hommage avec délicatesse à cet être délicieux qu’est le punk à chien. Le marginal. Le fan de bpm. L’amateur de drogues scientifiquement douteuses. Le rigolard bourru qui cache une âme d’enfant blessé. Est ce que cela peut faire un film? Oui, et c’ est bizarre.
Et c’est ce que l’on veut au cinéma : de la bizarrerie. De la fiction qui échappe à toute convention. Des œuvres qui dansent dans le sable chaud et qui n’hésitent à être malpolies avec le spectateur. On ne vous dira rien mais le film possède des cassures qui devraient bien vous marquer les rétines.
Oliver Laxe, cinéaste venu de Galice, n’est pas un type serein et politiquement correct. Il imagine sa fin du Monde de manière très particulière. On entend bien à la radio, le monde qui s’écroule et fonce droit vers sa perte mais il s’accroche à une demi douzaine de lascars, tous largués, perdus mais terriblement attachants.
Leur fin du Monde ne sera pas spectaculaire mais va nous éclater à la figure. Et aux oreilles. Le film est une œuvre sonore qui rend hommage aux vertus de la musique et de l’art en général. Les paysages magnifiques soulagent des âmes en peine qui ne sont justement pas encore arrivés au bout de leurs peines.
Le film est une sorte de survival qui se cache longtemps aux yeux du spectateur. Au début, l’esprit punk rappelle une version sitcom de Mad Max avec ce bon père de famille espagnol perdu dans l’univers des rave-parties sauvages.
Puis, petit à petit, les douleurs de ce père hanté par une improbable retrouvaille avec sa fille, finissent par poursuivre les autres protagonistes d’un récit assez simple : après l’arrêt d’une rave au milieu du désert, des participants décident de partir à une autre fête de l’autre coté du désert.
Il suffit donc de cela au réalisateur pour nous faire goûter à un mysticisme un peu sombre et désespéré. Mais d’une beauté insoupçonnée. On les voit les références sur la marginalité, de Mad Max à Freaks en passant par Le Convoi de la Peur. Le film nous guide vers les limites de l’humanité lorsque le désert devient un puissant révélateur de ce que l’on nous sommes.
Et le réalisateur ne choisit jamais la facilité. Il prépare ainsi un voyage douloureux à ses personnages mais offre une réflexion sur la musique qui soigne comme elle peut les souffrances de chacun. Elle semble dérisoire mais aussi essentielle. Le film passe son temps à nous faire comprendre la gravité du monde mais à travers des enjeux qui en apparence semblent si anecdotiques. Pour le réalisateur, le spectaculaire se trouve dans l’intime et le quotidien, déjà pas si banal.
En jouant sur toutes les contradictions possibles, la mise en scène prépare un piège incroyable, qui va nous tordre de douleur. Sirat gagne alors son pari. C’est un film extrêmement vivace même s’il pourrait être quasi morbide. Aidé par des acteurs incroyables, on se met à aimer les gros beats qui défoncent le crâne, à se demander s’il n’y pas de la spiritualité dans les petits riens de la vie et si la fin du Monde ne frapperait pas actuellement à nos portes. Une œuvre (qui rend) totalement dingue !
Au cinéma le 10 septembre 2025
DiRE- 1h55
Avec Sergi Lopez, Tonin Janvier, Stefania Gada et Jade Oukid

