Art-scène, Théâtre

King Lear Syndrome ou les Mals élevés – Elsa Granat – Théâtre Gérard Philipe

Quand théâtre et humanité se rejoignent… Formidable !

Très rapidement le spectateur comprend que la mise en scène se jouera des codes théâtraux et de la juxtaposition des temporalités entre un passé élisabéthain, shakespearien, et notre contemporanéité. Le plateau s’ouvre sur un monologue à la bougie interprété par une personne âgée racontant la rencontre en le théâtre et l’humanité avec quelques anachronismes assumés qui font sourire le spectateur. Puis c’est au tour du futur King Lear d’assister à son propre enterrement. De quoi piquer la curiosité du spectateur.

L’intrigue principale est relativement réduite. Un père bascule subitement dans une maladie mentale, le King Lear Syndrome, le jour du mariage d’une de ses trois filles. Comme Lear, il a des bouffées délirantes mégalomanes. Comme dans l’intrigue de Lear, il est question d’héritage et de relations familiales. C’est à peu près tout. Et pourtant la pièce dure pas loin de trois heures, et pourtant on ne voit pas le temps passé et pourtant on se réjouit d’une mise en scène pleine de vie et d’audace qui sait se jouer des correspondances entre le texte classique et les langages de notre temps.

King Lear Syndrome est une adaptation explosive et bien vivante d’une partie de la pièce de Shakespeare. L’écriture, la mise en scène jouent avec la multiplicité des genres, les mises en abîmes théâtrales, les anachronismes. Une hybridation de textes classiques et contemporains pour aborder frontalement la problématique sociale de la vieillesse, « toute cette expérience mise sous silence »… dans des Ehpad.

L’interprétation de Bernadette Le Saché, organisatrice de mariage puis pensionnaire âgée de l’Ehpad, ainsi que celle de Laurent Huon dans le King Lear, apportent incontestablement une couleur magnifique à la représentation par l’énergie qu’ils déploient, par la dignité et l’intelligence de jeu qu’ils imposent sur la plateau par leur présence. Une maturité de jeu en contrepoint de la fougue déployée par les trois filles de Lear interprétées par Hélène Rencourel, Edith Proust, et la metteure en scène Elsa Granat.

Les Mal élevés sont ces personnages explosifs prêts à tout pour obtenir ce qu’ils veulent et s’autoréaliser au détriment du père. Il y a de la fureur. Et puis il y a des tableaux, des instants visuels très réussis – la mort de Lear dans son lit d’hôpital entouré de personnages en costumes élisabéthains est de toute beauté – des ambiances qui en imposent, étayés par une musique qui transporte le spectateur dans du contemplatif ou à l’inverse qui viennent le percuter pour le réveiller à l’aide d’un concert de rock très punk, joué en live, comme pour mieux railler la médiocrité ambiante.

King Lear Syndrome ou les Mal élevés est un spectacle inattendu. Plein de vitalité. De théâtralité. Et d’humanité. A voir.

https://tgp.theatregerardphilipe.com/

Dates de tournée :
23 et 24 mars 2022, Théâtre de l’union, CDN du Limousin
29 et 30 mars, Théâtre des Ilets, CDN Montluçon
8 avril, Théâtre des Sources, Fontenay-aux-Roses

Previous ArticleNext Article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

? * Le temps imparti est dépassé. Merci de saisir de nouveau le CAPTCHA.