Littérature étrangère, Livres, Roman

Des jours meilleurs, Jess Walter, 10/18

Une saga fraternelle, un roman passionnant sur les luttes syndicales des États-Unis du tout début du XXème siècle.
Ce livre nous rappelle avec à-propos la redoutable actualité de la défense des libertés et des droits fondamentaux. Car en filigrane, Jess Walter parle avec acuité de notre siècle qui est le digne héritier du précédent.


Une saga fraternelle, un roman passionnant sur les luttes syndicales des États-Unis du tout début du XXème siècle.

Jess Walter est né et vit à Spokane (État de Washington) ; il était donc bien placé pour écluser la bibliothèque locale et compiler en roman les articles de journaux de l’époque consacrés aux luttes syndicales qui se déroulèrent dans sa ville en 1909.

Il faut imaginer un monde où les travailleurs n’ont aucun droit et où la violence et la trahison sont reines. Une jungle où « Tout le monde est prêt à faire n’importe quoi pour un peu d’argent » (page 252) et où chacun lutte avec ses propres moyens avec pour ambition de changer le monde ou, plus modestement, de s’y faire une place confortable.

Deux frères. L’ainé, Gig, est un beau parleur séduisant et idéaliste qui passe son temps aux IWW (les Industrial Workers of the World), un syndicat ouvert à toutes et tous. Son petit frère Rye, 16 ans, est lassé de la vie de hobo et rêve de stabilité. Mais sa vie sera quelque peu bousculée lorsqu’il croisera le chemin d’Elizabeth Gurley Flynn, une militante syndicale de 19 ans au culot impressionnant (qui fondera plus tard le Parti Communiste Américain) . J’avoue humblement n’avoir jamais entendu parler d’Elizabeth Gurley Flynn avant de lire ce livre. C’est pourtant une figure historique dont la vie mériterait d’être enseignée à l’école. Un personnage bien réel, comme la plupart des protagonistes de ce livre.

Jess Walter fait évoluer ces deux frères de fiction au sein d’une révolte de travailleurs pauvres réprimée dans la plus grande violence par la police de Spokane en 1909. Des événements assez incroyables pour être vrais, car Jess Walter illustre parfaitement l’aphorisme d’Albert Camus (cité page 471 du livre) selon lequel « La fiction est le mensonge dans lequel nous disons la vérité. « 

Ce n’est certes pas le roman le plus original qui soit, mais il est très efficace et je l’ai lu avec plaisir et intérêt. Tout au long du livre se pose la question de l’utilité du combat syndical. N’est-il pas perdu d’avance ? Les travailleurs ont-ils vraiment une chance de faire valoir leurs droits face à ceux qui les exploitent et accaparent éhontément les richesses ?

Ce livre nous rappelle avec à-propos la redoutable actualité de la défense des libertés et des droits fondamentaux. Car en filigrane, Jess Walter parle avec acuité de notre siècle qui est le digne héritier du précédent.

« Aujourd’hui nos poissons ont disparu (…). A cause de leurs foutus barrages. Maintenant, dans notre rivière, il n’y a plus que de la merde, des ordures et les déchets des mines. Sur terre, ils ont fait fuir tout le gibier avec leurs marteaux et leurs scies, ils ont arraché les baies dans les collines pour construire encore plus de maisons. Ils ont tué le monde et ils ont appelé ça « progrès »  » (page 110)

Paru en poche le 15 juin 2023
chez 10/18 collection Littérature étrangère
480 pages / 9,60€
Traduction (anglais américain) Jean Esch

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