Art-scène, Théâtre

Chirac, Dominique Gosset, Géraud Bénech, Marc Chouppart, Contrescarpe

« Une ultime séduction » …

Que dire de plus ! Cette phrase qui conclut la courte présentation en quatrième du texte de la pièce résume admirablement et en trois mots l’impression que l’on ressent en sortant du théâtre . Ça et un indéfinissable sentiment de légèreté malgré le sérieux soulevé par certains messages d’une pièce le plus souvent drôle et légère. Dans le meilleur des sens.

Sobrement mis en scène, deux chaises de jardin parisien, comme celles que l’on retrouve au Luxembourg ou aux Tuileries sur fond de projections et de quelques mélodies…c’est parfait.

Restent les acteurs qui remplissent, emplissent l’espace.

Marc Chouppart ressuscite et campe un Chirac plus vrai que nature, aussi charmeur que toujours. Pour moi, pour ceux de cette génération née dans les années 80, Chirac symbolise la France politique qui aura accompagné notre enfance, l’adolescence, le passage dans le 21ème siècle et l’arrivée à l’âge adulte…

photo tous droits réservés Fabienne Rappeneau. Toute utilisation, diffusion interdite sans autorisation de l’auteur.

Étonnamment (ré)incarné

Marc Chouppart se réapproprie jusque dans le port (haut, au dessus du nombril) du pantalon, les cheveux bien tirés avec l’inévitable épis le long du col, la gestuelle, le maintien, l’esprit, l’attitude, l’éloquence, l’élégance et le charme, l’esprit et le souvenir de l’image d’un Chirac qui aura laissé cette douce impression dans l’esprit de la majorité des Français. Déjà hier et encore aujourd’hui.

Amateur de beaux mots, joliment tournés, usant du verbe à propos avec brio et humour – toujours pour servir ses objectifs, pour désamorcer les possibilités d’attaques – Chirac qui disait « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » me surprend au tournant avec cette phrase oubliée (pour moi) « je n’ai jamais trompé ma femme, je me suis seulement trompé de femme. Nuance. » Récité à la perfection par l’acteur. On croirait à certain moment réellement entendre Chirac. C’est parfois troublant. Le voir revenir parmi les vivants (Valérie fait le lien entre les deux mondes. Celui devenu dématérialisé pour lui, ancré dans le réel pour elle) pour nous livrer quelques ultimes messages et recommandations. Un spectre. On se retrouve face au fantôme vivant et palpable du président. On aimerait qu’il reste encore un peu, pouvoir lui poser des questions, prendre le temps de discuter autour d’un verre. Puisqu’il s’agit d’un rêve, j’aurais voulu m’endormir pour pouvoir les rejoindre.

Lorsqu’il quitte la scène sur ces paroles émouvantes et pleines de bon sens : « Enfin, nous devons renouer avec la nature ce lien de respect et d’harmonie ».

On ressent cette impression de vide qui accompagne le départ de ceux qui habitent les lieux où ils se trouvent. Surtout quand le questionnement qui résonne après est d’importance et d’actualité.

Pour ceux qui sont aimé , admiré Chirac, c’est l’occasion de le revoir une dernière fois.

Pour ceux qui ne l’ont pas ou peu connu, c’est l’occasion de le découvrir sous son meilleur profil.

Pour les autres, ce sera toujours un excellent moment. Au-delà de l’évident hommage à l’homme, à son côté profondément Humaniste, à celui plus méconnu, moins mis en avant du temps de son vivant de sa passion pour l’Afrique et de l’Asie, au poète muselé – statut oblige- la pièce est efficace, drôle, questionnante et dynamique de bout en bout. Peut-être un peu trop courte ; j’en aurais bien pris pour une heure de plus!

Les acteurs sont excellents. Ce soir la interprétée par Fabienne Galloux-Meurisse (Giscard, Pécresse….) ne se laisse nullement voler la vedette par le remarquable Chirac/Chouppart.

Toujours à propos, il y a notamment ce moment propre à donner des frissons (en tout cas qui m’en a procuré) me rappelant au souvenir de ce poème de Baudelaire qu’ils récitent ensemble puis de concert.

« L’homme et la mer
Homme libre toujours tu chériras la mer
[…]
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables « 

Voilà encore un aspect qui rend la pièce des plus agréable. Baudelaire, Rimbaud, le lien qui unit certaines figures politiques aux poètes et à la poésie…

C’est en définitive une pièce très joliment traitée,  un moment drôle et émouvant, un retour à un univers politique que l’on pourrait croire jovial, bon enfant. Une pièce qui retrace avec bienveillance une partie du parcours et de la vie d’un homme politique aimé vraiment (par nombre de français, ce fût peut-être le dernier), qui gardera une place à part chez ses « chers compatriotes » ainsi que dans une belle partie du paysage politique contemporain et de l’(H)histoire politique de France.

Certains en prennent pour leur grade.

M. Sarkozy pour ne citer que lui. Toujours avec intelligence et humour. Presque avec délicatesse…. mais avec conviction!

J’en suis ressorti ragaillardi (cela faisait dix ans depuis ma dernière fois au théâtre et je recommande chaudement, avec l’envie d’y retourner rien que pour entendre encore une fois M. Chouppart faire la liaison du  t »

Une pièce de Dominique Gosset & Géraud Bénech
Théâtre de la Contrescarpe – 9 février 2022 21h00
Marc Chouppart
Fabienne Galloux-Meurisse ( pour cette représentation)
Pour le même rôle également Laurence Cordier

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