Dominik Moll est un auteur insaisissable. Lorsque l’on observe sa trajectoire depuis son premier succès Harry Un Ami qui vous veut du Bien, en 2000. Avec son complice Gilles Marchand, le cinéaste continue d’épurer son idée du thriller jusqu’à la moelle… ou le réel le plus réel.
Car il est loin le temps de Lemming, sortie fantastique du réalisateur. Depuis La Nuit du 12, on redécouvre un passionné de polar qui s’en prend aux fondations du genre. Très astucieux et respectueux au début de sa carrière, l’homme a retiré les oripeaux au genre et sa dernière œuvre est un regard clinique aussi froid que motivant.
C’est Ken Loach chez les flics. Le social pénètre totalement une intrigue d’une banalité apparente et presque ennuyeuse. Stéphanie Bertrand travaille à l’IGPN. Face au mouvement des Gilets Jaunes, en 2018, elle recueille les plaintes de tout bord. Une femme vient porter plainte car son fils est à l’hôpital après un tir de flashball.
La policière mène son enquête et fait une découverte qui évidemment ne va plaire à tout le monde. Dominik Moll jouait avec les images et les ambiances, il y a quelques années. C’est fini. Le style est posé mais très direct.
Le film s’infiltre entre le boulot plutôt ingrat de la flic, parfaitement jouée par Lea Drucker, et sa vie personnelle bousculée par un ex mari un peu virulent et l’arrivée d’un chat errant. Mais il n’y a rien d’extraordinaire chez cette personne, assez volontaire.
Comme il n’y a rien de folichon dans son enquête qu’elle dirige avec quelques collaborateurs qui ont de la compassion pour la colère des manifestants et les réactions parfois violentes de leurs collègues.
Pourtant, par un habile montage, Dominik Moll nous attrape par la main et nous met dans le sillage d’un fait divers qui illustre une violence sourde, idiote et même étouffée par les institutions. Le réalisateur nous installe ensuite à coté de Stéphanie Bertrand et nous fait deviner tous les sentiments qui l’habitent.
Les témoins et les victimes ne sont donc plus que des points d’ancrage pour arriver à la vérité, qui d’ailleurs ne donne aucune forme de réconfort. Comme à son habitude, Moll conserve ce ton rageur malgré une forme différente de ces premiers films. C’est une succession de faits, qui finissent en constat mais qui trouve dans une forme cinématographique, une efficacité d’un thriller à l’ancienne. C’est froid et indélicat mais terriblement bien fichu.
Avec Léa Drucker, Solan Machado Graner, Jonathan Turnbull et Stanislas Mehrar – Haut et court – 1h55

