Lecture musicale

L’Or noir – Arthur H et Nicolas REPAC – (Naïve-2012)

 L'Or noir

Rêver éveiller pour inciter à lire et relire.

Le Label Naïve débute une nouvelle collection poétiquePoetika musika pour retrouver l’ADN musical qui repose dans le cellule poétique, faciliter l’accès à des textes difficiles, redonner le goût de lire. L’Or noir est le premier opus avec aux commandes Arthur H en raconteur et Nicolas Repac, son frère d’arme, en compositeur.

On ne peut que se féliciter de cette initiative qui redonne du sens à la pensée, aux mots et introduit des valeurs trop absentes de notre contemporanéité comme l’écoute, le silence, le plaisir de la lenteur. Nul doute que ce disque est une bulle, une respiration onirique. Nul doute qu’il faut écouter et réécouter ce disque comme on relit les pages d’un livre, assis, l’esprit ouvert et l’imagination en alerte. Suivre le cheminement vocal d’Arthur et la magie atmosphérique de Nicolas devient alors une espèce de parcours initiatique dans lequel on teste le fragile équilibre mots et musique.

Le disque reprend onze textes parmi les treize présentés dans le spectacle L’Or noir joué en parallèle et en tournée actuellement. Les textes choisis par Nadine Eghels et Arthur H éveillent des rêves, des paysages et des sensations envoutantes. Le voyage est réussi. Les textes foisonnent de vie , de mort et d’amour. Les morts se mêlent aux vivants dans une unité du monde où le temps obtempère et s’incline devant une nature puissante, « RENCONTRE BIEN TOTALE »… De Césaire à Glissant. Une culture francophone à découvrir et à aimer au milieu des caraïbes.

Tous les titres sont touchants et les mots souvent d’une étonnante beauté. La variété rythmique donne une couleur à chacun d’entre eux. Parfois la musique est en simple soutien sonore parfois elle fusionne totalement avec le texte comme dans l’aérienne  Cohée du Lamentind’Edouard Glissant,  la grandiloquente Foire des Morts de Gilbert Gratiant et la douce et rêveuse Marie-Galanted’Edouard Glissant en fin d’album.

L’album est pour les contemplatifs, ceux qui ont encore la capacité de s’isoler avec soi pour réveiller des mots qui ne demandent qu’à prendre leur envol. Artistiquement l’album est réussi. A avoir dans sa bibliothèque entre d’autres objets-livres.

Juste pour le plaisir…

La Cohée du Lamentin

Imaginez le vol de milliers d’oiseaux sur un lac d’Afrique ou des Amériques. Le Tanganyika ou l’Erié, ou un de ces lacs des Tropiques du Sud qui s’aplatissent et fondent dans la terre. Voyez ces balans d’oiseaux, ces essaims. Vous concevez la spirale qu’ils dénouent et sur laquelle le vent coule. Mais vous ne saurez pas les dénombrer vraiment pendant leur lancer tout en crête et ravine, ils montent et ils descendent hors de la vue, ils tombent et s’enracinent, ils repartent d’un seul cran, leur imprévisible est cela-même qui les relie, et qui tournoie en deçà de toute science. Leur beauté frappe, s’enfuit. Puis la nuit surgit, qui vous stupéfie. Leurs ailes sont d’éclat et leurs ventres d’ombre, vous ne les avez pas vus répandre, là sur les bords et là sur les écumes noircies, le linge damassé de ce silence qu’ils font.

Édouard Glissant

Sur le disque :
1- Corps perdu – Aimé Césaire
2- La Cohée du Lamentin – Edouard Glissant
3- Le métier à métisser – René Depestre
4- A la crinière du cyclone –  Georges Desportes
5- Cahier d’un retour au pays natal – Aimé Césaire
6- Soufrière – Daniel Maximin
7- La Foire aux morts – Gilbert Gratiant
8- L’enfant du pays – Dany Laferrière
9- Lettre du sorcier – James Noël
10- Le cristal automatique – Aimé Césaire
11- Marie-Galante – Edouard Glissant

 

Sébastien Mounié © Etat-critique.com – 05/02/2013

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