Est-ce que Deephan aurait eu la Palme d’Or avec Charles Bronson dans le rôle-titre ?
D’un esprit déviant et amateur de nanar, on peut se poser légitimement cette question. Si on change le contexte, on n’est tout de même pas loin d’Un Justicier dans la Ville. Sans dévoiler l’intrigue, la fin du film finit de manière sanglante et punitive.
Mais les intentions de Jacques Audiard ne sont pas celles d’un Michael Winner énervé. L’auteur n’est pas un filmmaker. Le réalisateur d’Un Prophète ne fait pas l’éloge de l’auto-défense. Il est en plein dans l’actualité et les migrants. Il s’intéresse une fois de plus aux marginaux, prêts à tout pour s’en sortir, à s’arranger avec leur humanité pour ne pas sombrer.
La meilleure partie du film tient dans ce trio de Sri-Lankais obligé de s’improviser famille pour pouvoir fuir le conflit Tamoul. Il quitte leur pays pour la France. Là bas, Deephan, l’homme devient gardien d’une cité hors de contrôle.
Il découvrira une nouvelle violence alors qu’il fuit la guerre. Il est un étranger, y compris au sein de sa petite famille, composée d’une petite fille de 9 ans et une jeune femme farouche. Audiard a une tendresse pour ce trio qui s’apprivoise au fil de leur errance. Ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Ils vont devoir se faire confiance, se respecter, apprendre à s’aimer
Ce sont les plus belles scènes du film. La mise en scène d’une fluidité étonnante et rassurante permet de les observer avec toutes leurs appréhensions. C’est très beau et très bien amené. Cela jure avec le réalisme social un peu ampoulé qui entoure ses héros du quotidien.
Jamais misérabiliste, le scénario décrit une cité qui va craquer avec des poncifs déjà bien utilisés (les gangs, le deal, la misère) et c’est là où l’on s’ennuie. Comme si le constat social ne servait qu’un scénario qui file tout droit vers une dernière partie bien balisée et spectaculaire. C’est un adjectif rare dans le cinéma d’Audiard : Deephan finit de manière fort conventionnelle.
Il y a tout de même énormément de qualités dans Deephan mais l’adhésion n’est jamais totale, le film reste un peu trop roublard pour être honnête. En tout cas, ne vous inquiétez pas : cela vaut mille fois les derniers Charles Bronson !
Avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby et Vincent Rottiers – UGC Distribution – 26 Août 2015 – 1h50