Livres

Un Pedigree

Retour sur quelques livres du Prix Nobel. Patrick Modiano saute le pas et passe à la première personne pour raconter les vingt premières années de sa vie. Poignant et envoûtant. La fameuse « petite musique », sans doute.

Près de quarante ans déjà que Patrick Modiano nous raconte sa propre histoire aux travers de courts romans qui sentent bon leur petit secret délicatement découvert, leur part d’ombre timidement exposée au grand jour. Quarante ans depuis la parution de La place de l’Etoile. Quarante ans que Patrick Modiano prépare ses lecteurs, ou plutôt se prépare lui-même, à ce moment de vérité, à ce récit qui ne se cache plus derrière l’appellation « roman », mais se revendique pour ce qu’il est : une autobiographie. 

« Je suis né le 30 juillet 1945, à Boulogne-Billancourt, 11 allée Marguerite, d’un juif et d’une Flamande qui s’étaient connus à Paris sous l’Occupation« . Écrit à la première personne, en phrases épurées et débarrassées du moindre pathos, Un pedigree est la juxtaposition froide, presque clinique, d’épisodes disparates de la vie du jeune Patrick Modiano. Une sorte de « Je me souviens » appliqué à sa vie et à celle de ses parents, de sa petite enfance à son vingt et unième anniversaire.

« J’écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n’était pas la mienne. Il ne s’agit que d’une simple pellicule de faits et gestes. Je n’ai rien à confesser ni à élucider et je n’éprouve aucun goût pour l’introspection et les examens de conscience. »

Admettons… Les dernières pages du livre sont pourtant l’occasion pour Patrick Modiano de revenir sur sa rupture définitive avec son père et de regretter les lettres dures échangées à cette époque avec un homme qu’il avait finalement peu connu, sinon dans les circonstances difficiles qu’il lui imposait.

Dans son style faussement détaché et désuet (la fameuse « petite musique » de Modiano), Un pedigree s’inscrit avec une facilité troublante dans le prolongement d’une œuvre de longue haleine construite lentement. Il arrive comme une touche (que l’on n’espère pas) finale au tableau patiemment brossé par un auteur rare, éloigné des contingences commerciales (malgré son immense succès), tout entier plongé dans ce travail introspectif dont il se défend trop farouchement pour que l’on n’y décèle pas l’origine de son talent.

Folio 126  pages

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