Art-scène, Théâtre

Richard III, William Shakespeare,Thomas Jolly, Odéon

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Du contemporain bien traditionnel…

La tragédie de Richard III nous fait réfléchir au sens des mises en scène ultra-contemporaines vues beaucoup depuis quelques années, à l’esthétique glam-rock ici ultra léchée.

D’autant que chez Thomas Jolly, lui en tête en tant que comédien star, le travail du texte en revanche nous apparaît ultra classique: un style déclamatoire emphatique et précieux, très Théâtre National de Bretagne (on songe à Stanislas Nordey), des déplacements très littéraux (on franchit les seuils de portes, on monte les marches ostensiblement, on informe le public des changements de lieux…) et une gestuelle trop expressive chez les personnages.

On remarque les visages blanchis, marque de fabrique de Bob Wilson, on se souvient de pièces bruyantes où Vincent Maquaigne provoquait déjà ces interactions forcées avec le public ( » répondez, applaudissez… »), on retrouve un moment de concert punk-rock déjà entendu; on compte involontairement les références, probablement inconscientes, mais qui parasitent une possible distinction de cette mise en scène.

Ce qui restera remarquable quoique outrancier, c’est la métamorphose monstrueuse du corps de Thomas Jolly-Richard. Ses postures étranges touchent juste à rendre visible la perversion toujours plus triomphante de son monde intérieur, prospérant à mesure que ses costumes deviennent de plus en plus chargés.

L’autre intérêt de l’intrigue, et ce peut-être à travers ses longueurs parfois pénibles, c’est de transcrire sans apitoiement aucun l’érosion fatale d’une famille confrontée au pouvoir. Dès lors que la toute-puissance pourrait être accessible, l’ordre et la différence des générations sont pulvérisés et les liens familiaux déviés jusqu’aux pires carambolages.

La lumière, malheureusement trop présente à côté d’autres éléments de décors trop rudimentaires (rideaux, photos grand format assez ineptes…), métaphorise la mégalomanie de plus en plus mécanique, automatique et droit devant du héros. Ainsi oriente-t-il les faisceaux des projecteurs comme on ferait claquer un fouet…

Mais l’importance de ces effets de lumières, comme du glamour des costumes n’aboutissent qu’à un flagrant « donné à voir » et sont insuffisants à constituer un style.

On peut louer les grandes qualités des personnages donnant la réplique au tyran, lui qui déverse une parole sans adresse, laissant ses interlocuteurs face à eux-mêmes, leurs abîmes les plus ambigües, ce qui fonctionne ici très bien.

Mention spéciale pour le très sobre Mohand Azzoud (vu chez Nordey, Mouawad…) qui incarne Richmond pour l’affrontement final et parvient à canaliser une belle énergie après quatre heures de pièce.

 

 

jusqu’au 13 février 2016

Théâtre de l’Odéon

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