Cinéma

No country for old men, Joel et Ethan COEN

article_1089C’est un peu à la surprise générale que le dernier film des frères Coen est sorti vainqueur de la dernière cérémonie des Oscars. Cela valait bien une nouvelle critique sur ce polar qui laisse personne indifférent!

 
Le dernier film des frères Coen est une réflexion puissante et profonde sur l’attachement que le spectateur peut avoir pour des personnages ambigus et glissants. C’est un merveilleux exercice de style – un western moderne : le désert et des 4×4 terrifiants, presque monstrueux,  nous introduisent dans ce récit de poursuite de 2 heures – où les protagonistes dépassent tout cliché de bonté ou de méchanceté.

Bien sûr, Tommy Lee Jones joue le vieux et sage shérif méditatif et un peu moqueur, dont le calme presque flegmatique donne un ton épique au film. Bien sûr, Javier Bardem (dans le film Anton Chigurh), est effrayant dans sa cruelle logique muette et insaisissable. Et, pour finir, bien sûr, Kelly MacDonald (Carla Jean Moss dans la fiction) est tellement fragile et sans défense devant le destin de son mari (Josh Brolin alias Llewelyn Moss dans l’histoire)…

Seulement, tout cliché qui, dans un premier temps, pourrait nous paraître évident, presque banal, est, en fait, mis à mal, questionné silencieusement et sans arrêt par la force plastique que les frères Coen donnent aux corps et aux visages de leurs acteurs.

Mettons de côté le shérif. Chez les deux autres protagonistes masculins tout est fait de temps lents, mais déterminés, de mouvements réfléchis et précis, mais terriblement intimidants et surprénant pour le spectateur. Chacun suit sa logique, taciturne, comme dans la meilleure tradition du western, mais nous, nous nous y retrouvons pas, nous n’arrivons jamais à prévoir leurs actions, à comprendre leur cohérence, qui apparaît toujours à la fois perceptible et lointaine. Et aux spectateurs, il ne reste que leur regard, pour tenter de s’y retrouver d’une façon ou d’une autre, pour déchiffrer le sens de cette rationalité folle qui domine les actes de Anton Chigurh et de Llewelyn Moss.

L‘un incarne une sorte de diable aliéné et halluciné, dont la cruauté devient par moments amusante (nous sommes au centre du toujours savoureux jeu d’équilibre entre ironie et panique que les frères Coen mènent depuis désormais 20 ans). Ses yeux nous disent qu’il nous fera vivre le pire,  jusqu’au bout et que nous en rirons tout au long du film, mais en souffrant avec ses victimes.

L’autre fera tout ce qui est dans ses moyens pour ne pas devenir un héros gentil et sauveur, même si le spectateur n’a besoin que de ça pour sortir de son angoisse existentielle. Car, d’accord, la poursuite n’est qu’une question d’argent à récupérer, mais elle est, au fond, l’histoire de deux hommes qui vivent la même précarité physique faite de sang et de blessures et qui, peut-être, ne sont pas si à différents dans leurs obstination que l’on pourrait penser au début.

Tout le monde y trouvera son plaisir : le fanatique des rythmes soutenus où l’action domine et coupe le souffle, autant que l’aimant des plans méditatifs, des choix cinématographiques intelligents de deux cinéastes qui savent encore oser nous transmettre une pensée à travers les corps des acteurs.

Les deux aspects, l’action et le cinéma d’auteur, se conjuguent merveilleusement, se fondent dans une histoire troublante et drôle. Les images sur grand écran nous parlent de maîtrise et de volupté de la caméra.
Gloria Morano

© Etat-critique.com – 07/03/2008

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