Art-scène, Théâtre

Ivanov, Anton Tchekhov, Odéon

(c) Thierry Depagne
(c) Thierry Depagne

Ivanov est le nom de famille le plus commun en Russie. Nicolas Alexéevitch Ivanov c’est donc un peu notre Bernard Dupont. Un homme commun, mais qui souffre d’un terrible mal, une fatigue de tous ses membres, tellement inexplicable pour lui et ceux qui l’entoure, qu’elle en est encore plus culpabilisante.

Écrite en 1887, la pièce est d’une modernité intacte. Les dialogues de Tchekhov, incroyablement percutants et son analyse des comportements humains, d’une justesse presque effrayante.

Mais la représentation d’Ivanov, actuellement à l’affiche du Théâtre de l’Odéon, ne convainc pas complètement. Surtout portée par l’excellent jeu de Mischa Lescot, elle souffre d’une scénographie trop statique et froide, nous tenant presque à distance alors que, sur scène, les comédiens s’agitent.

Rien ne bouge à part un changement à vue, dirigé par les acteurs eux-mêmes, à la tête desquels on trouve Christiane Cohendy, en superbe Mme Lebedev. Pas une porte ne claque, pas un lustre ne se balance, pas un rideau ne se froisse et la troupe de comédiens se démène au milieu d’une scène froide et lointaine.

Était-ce pour donner à  voir toute la pièce à travers le prisme angoissé et sombre d’Ivanov ?

C’était sans compter sur l’excellente performance de Mischa Lescot. Car tout, dans sa démarche, sa silhouette, sa diction, ses interminables bras ballants et ses jambes trop encombrantes, exprime sa souffrance. Le moindre mouvement lui est une fatigue, toute envie l’a quitté. Tout en lui n’est plus qu’apathie, nonchalance. Il avance écrasé par le poids de ce cafard inexplicable, de sa « faiblesse ridicule ».

Il est l’incarnation de la dépression à une époque où  les psychanalystes ne parvenaient pas encore à la définir, et atteint des extrêmes tellement touchants et désespérants qu’il en devient parfois comique. Le reste de l’épatante troupe d’acteurs (on se régale particulièrement de Christiane Cohendy, Chantal Neuwirth et Yannik Landrein), dépeint également avec brio la médiocrité de la petite bourgeoisie de campagne, sa vanité ridicule et ses cruelles bassesses.

Dans ce monde de vils hypocrites, Ivanov ne peut être qu’un intrigant. Alors, cet Ivanov, brave Mr Dupont ou Tartuffe ? Allez en décider au Théâtre de l’Europe.

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