Art-scène, Exposition

Elisabeth Louise Vigée Le Brun, Grand Palais

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Élisabeth Louise Vigée le Brun (1755-1842) a été le peintre officiel de Marie-Antoinette à partir de 1778 et a portraituré, au pastel ou à l’huile, toute la bonne société européenne lors de son exil jusqu’en Russie de 1789 à 1801. Tous les collégiens connaissent son portrait de Marie-Antoinette entourée de ses enfants, reproduit dans les livres d’histoire.

Exceptionnellement douée, on compare son art à celui d’un Jean-Baptiste Greuze, son ami, ou d’un Maurice Quentin de la Tour. Elle a excellé particulièrement dans le portrait si légèrement idéalisé qu’il en paraît réaliste, ce qui plaisait beaucoup à ses contemporains. Sa très longue et prolifique carrière, à mi-chemin entre le XVIIIe et le XIXe siècle, lui a donné l’occasion de connaître aussi bien les fastes de l’Ancien Régime que les bouleversements de la Révolution française, l’Empire et la Restauration. Elle a été ainsi un témoin privilégié de l’histoire de France, de l’art de vivre des classes aisées, de l’évolution de la mode, et a croisé nombre de célébrités de l’époque telles que Hubert Robert ou la comtesse de Ségur.

Pourtant, elle n’avait fait l’objet d’aucune rétrospective d’envergure avant celle du Grand Palais ; seuls les États-Unis, dont proviennent beaucoup des tableaux exposés, lui avaient consacré une exposition monographique en 1982.

L’exposition du Grand Palais suit, en quinze sections, la chronologie de sa vie depuis les années de formation jusqu’à son retour à Paris après l’exil, et s’arrête sur quelques points d’intérêt : ses nombreux autoportraits, la portraitiste de la cour, la peinture de l’enfance et de l’amour maternel, la pratique du pastel et de la peinture à l’huile, notamment. Cette segmentation permet de scander une présentation très complète, sur deux étages, qui pourrait sinon être fastidieuse.

Parmi les sections les plus intéressantes figurent celle consacrée à ses rivales en peinture, notamment Adélaïde Labille-Guiard, totalement oubliée aujourd’hui, et aux cours qu’elle a donné à d’autres femmes peintres, ou celle consacrée à ses portraits d’enfants, notamment de son frère Étienne (au début de l’exposition), de sa fille Julie, et de délicats portraits de bébés. Les commissaires de l’exposition ont réussi à réunir plusieurs œuvres issues de collections particulières, comme un charmant portrait de Julie Le Brun se regardant dans un miroir.

La scénographie, sobre, met en valeur les œuvres en jouant uniquement sur les couleurs des murs – des tons pastels très doux (mauve, gris, vert, terre de Sienne… à l’exception d’un rouge vif dans les deux dernières salles) tirés des fonds très souvent unis des portraits – et un habile encadrement, au rez-de-chaussée, du magistral portrait de la reine avec ses enfants. Une grande carte de l’Europe présentant le parcours de l’artiste lors de ses douze années d’exil est bienvenue, à l’étage, pour inaugurer les sections qui suivent.

Cette exposition a aussi le rare mérite d’afficher un petit texte sous chaque œuvre, qui donne quelques clés de lecture et, ajouté aux panneaux de chaque section, intelligents et bien écrits, suffit largement à la compréhension du propos de l’exposition. Peut-être ces petits textes auraient-ils été plus utiles, cependant, s’ils s’étaient un peu moins focalisés sur la complexe généalogie des modèles et plus sur le contexte ou la composition des œuvres.

On finit malgré tout, dans les dernières salles, par se fatiguer un peu de l’inévitable monotonie de ces innombrables portraits (près de 130 œuvres exposées), essentiellement des femmes plus belles et plus élégantes les unes que les autres : la comtesse Skavronskaïa, la comtesse Golovina… mais cela tient peut-être à la pratique même de Mme Vigée Le Brun, qui, nécessairement, à la fin de sa vie, recyclait ses procédés, parfaitement maîtrisés, comme celui du portrait devant un paysage de chutes d’eau. L’exposition indique d’ailleurs que l’artiste était aussi une femme d’affaires avisée, qui put maintenir son train de vie grâce au prix élevé auquel elle vendait ses toiles. Elle sut à la fois en faire un habile commerce et conserver jusqu’à la fin de sa vie le plaisir de peindre.

 

Jusqu’au 11 janvier 2016

Galeries Nationales du Grand Palais

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