Art-scène, Livres

Ce qu’être d’avant-garde veut dire, David Antin

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« …ce que je veux faire c’est rendre sur la page une image de la parole qui se propage dans l’air     faire le pari de parler     faire le pari de réfléchir                   dans les pages même du livre… »

David Antin est poète. Poète et critique d’art. Critique d’art et linguiste. Linguiste et performer. Autant de façons d’envisager le mot, l’image, le corps. Souvent il improvise des talk poems. Sur scène, lors de festivals, de colloques, dans des écoles d’art, des universités, devant des étudiants, des écrivains, des anonymes. Il parle. Il parle tant que sa parole devient matière. De cette matière, trouée et fluide, vertigineuse et discursive, il a été construit ce livre qui ne ressemble à rien et qui contient tout.

Les histoires deviennent histoires au fur et à mesure qu’il les prononce, les mots entrainent les mots, d’idées éclosent d’autres idées, le corps devient poreux, il improvise une performance qui passe par la voix, se sculpte sur le mot.

Il y a un démarrage, qui prend appui sur une idée caressée en vue de la performance, ou une image regardée, ou un coup de téléphone, une actualité, un démarrage qui inaugure une sortie de route immédiate, une sortie du discours qui se ramifie, se déploie, se fertilise au fur et à mesure du temps devant l’auditoire, un escalier narratif que David Antin dévale et remonte, par instant s’assoit sur une marche, s’adresse aux autres ou à lui, sans cesser de tisser et de conjuguer cette matière infinie du langage.

La conversation engagée, l’artiste, « animal qui parle », aiguise l’appétit, ses mots se frottent les uns aux autres, deviennent cascades, océans, manifestes. Une ironie mordante, une acuité visionnaire, tordent la situation narrative et inventent ce vertige sonore et sensuel. Il existe chez lui une volubilité de la colère, une volubilité résultant d’une provision excessive de formules conceptuelles, une volubilité résultant du plaisir pris au renouvellement incessant de tournures pour expliquer la même chose, une volubilité du plaisir pris à la justesse des mots et des tournures linguistiques, une volubilité résultant du contentement intérieur que suscitent le tapage et le cafouillage du langage.

A force de lire on entend, on se prend à ressentir cette ébullition au fond de la gorge, sur la langue, à vouloir nous aussi se lever, haranguer, lire à haute voix jusqu’à l’épuisement du souffle cette immense spirale dans laquelle David Antin nous lance.

 

Les presses du réel – domaine Littérature

 

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